Renée Koch Piettre

1typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialesphilosophie typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialesarchéologie espaces savantslieuécole construction des savoirséducationpédagogieSi, comme le voulait Platon, philosopher, c’est apprendre à mourir, quel pouvait être le contenu des enseignements dans les écoles philosophiques anciennes ? Comment le bien-penser se mariait-il avec le bien-vivre, le savoir avec la sagesse ? Comment appliquait-on le programme ? « Nul n’entre ici s’il n’est géomètre », proclamait l’Académie. Concrètement, quand Platon débarqua en Sicile, le palais qui l’accueillit « fut envahi par un nuage de poussière, tant il y avait de gens qui traçaient des figures de géométrie1« – sur du sable ! On choisira ici, en guise de poste d’observation, les données archéologiques récemment livrées par les ruines d’une grande cité de Syrie : Apamée-sur-l’Oronte.

2Au milieu d’une région si plantureuse qu’on y apprivoisait les poissons des rivières, que les Séleucides y concentrèrent leurs éléphants et leurs haras militaires, et que l’empereur fou Élagabal voulut nourrir ses chevaux de raisins du cru, Apamée concentrait, à en croire le recensement conduit par un certain Quirinius en l’an 6 de notre ère, au moins un demi-million d’habitants : foule cosmopolite où se distinguaient, parmi les Perses, Indiens, Arabes, Égyptiens ou Grecs, ces nombreux juifs que la cité épargna au début de la guerre de Judée en 66 2. Opulentes et riches d’une vie culturelle intense, d’autres cités l’avoisinaient, Antioche, Séleucie de Piérie, Laodicée, etc. Après un tremblement de terre en 115 après J.-C., sa reconstruction commencée sous Trajan la dota, avec une double colonnade bordant sur quatre kilomètres l’axe nord-sud de la cité, d’une artère urbaine spectaculaire et d’un théâtre parmi les plus vastes de l’Empire. Elle dut à la splendeur de sa reconstruction, à une série de souverains d’origine syrienne et surtout au rayonnement de l’oracle de Zeus Bêlos 3, actif jusqu’à la fin du iv e siècle, d’être attestée, tardivement, comme une capitale du néoplatonisme, avec l’arrivée d’Amélius, auditeur de Plotin à Rome et admirateur du néo-pythagoricien Numénius d’Apamée, puis avec Jamblique (v. 250-325) qui fut peut-être élève d’Amélius, et l’élève de Jamblique Sopatros, fort estimé de l’empereur Constantin : mais, dès le temps de Cicéron, Apamée avait donné le jour au stoïcien Poseidonios, brillant naturaliste, apôtre de la « sympathie » universelle4.

Colonnade d’Apamée, Syrie, 
             siècle après
          J.-C.
Figure 1. Colonnade d’Apamée, Syrie, ii e siècle après J.-C.

Les néoplatoniciens d’Apamée-sur-l’Oronte

3pratiques savantespratique corporelleposition du corpsposition assise pratiques savantespratique intellectuellecomparaison acteurs de savoirstatutsageL’on a daté du règne de Julien (360-363) une mosaïque d’Apamée découverte sous la chapelle axiale d’une cathédrale chrétienne postérieure : on y voit Socrate et six Sages, assis en demi-cercle ; la tradition grecque des Sept Sages rivalise avec l’iconographie récente du Christ entouré de ses disciples, pour faire ressortir, au centre, la figure de Socrate, trois doigts levés en un geste d’enseignement, et, de part et d’autre, six des Sages, que l’on a pu identifier par comparaison avec une mosaïque légendée de Baalbeck, ainsi qu’avec un portrait inscrit et assorti d’une maxime, sur le pavement d’un édifice voisin, dit « au triklinos 5 ». Socrate a donc pris la place d’un des Sept, sage parmi les Sages.

4typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialesphilosophie« Tous ceux que sauve aujourd’hui la philosophie sont redevables à Socrate de leur salut », écrivait l’empereur Julien, en qui on a d’abord voulu reconnaître le commanditaire de la mosaïque6. Or Socrate n’est ici que le modèle allégorique de la destinée de l’âme du philosophe : un défunt pouvait, dans l’iconographie funéraire, trôner semblablement parmi les Sages. Cette allégorie est flanquée de deux autres tableaux sur le même tapis de mosaïques : on y reconnaît, à gauche, Ulysse, alias l’âme humaine, sauvé de la mer, alias la vie charnelle, pour revenir dans sa maison d’Ithaque et embrasser Pénélope, alias la Philosophie ; à droite, amputé par le mur du fond de l’abside chrétienne, un banquet d’immortalité réunit la Grâce (Charis), la Beauté (Kallos), et trois autres de ces pures Idées dont le Phèdre de Platon (250 b) décrivait la vision bienheureuse au terme de l’ascension de l’âme7. Mieux encore : une longue mosaïque appartenant au même programme iconographique déroule plus au sud un « Jugement des Néréides », où, parmi des divinités marines concurrentes ou juges, le couronnement de la beauté dénudée de Cassiopée, princesse persécutée, comme Ulysse, par la colère de Poséidon, constitue une figure locale du dépouillement du philosophe (Cassiopée est fille du dieu d’Apamée Bêlos) : « Socrate seul, avec fort peu de ses émules […] réussit à se dépouiller de la dernière des tuniques, l’amour de l’honneur8. » Au-delà, une dernière mosaïque sertit dans une couronne d’immortalité la devise « eu chrô [uses-en bien]9 ». La forme de l’inscription imite-t-elle le labarum de Constantin, insigne des chrétiens (εὐχρῶ contre ἀχρῶ) ? Quant au sens, il s’agit de savoir « user du corps comme d’un instrument10 », la raison dominant les passions, sésame de la vie philosophique. Or la mer des Néréides, alias le tumulte de la chair, est celle-là même dont Ulysse a pu s’extraire en retrouvant Pénélope. La leçon est claire : le bon usage des passions permet de triompher de la chair et libère l’âme immortelle.

Science et religion en néoplatonisme

5pratiques savantespratique rituelleascétisme typologie des savoirssavoirs non canoniquesdivisions historiques des savoirsarts libérauxquadrivium typologie des savoirsdisciplines espaces savantslieuécole construction des savoirstraditionreligionNotre tapis de mosaïques marquerait en vérité le lieu même de l’école néoplatonicienne, un vaste édifice semi-public, propre à recevoir la foule d’étudiants qui accouraient aux leçons de Jamblique11. L’ascèse spirituelle suffit-elle à décrire l’enseignement qui s’y déroulait ? La mosaïque du retour à Ithaque nous en apprend davantage : elle donne tant de relief à une ronde de six servantes (le nom « Thérapénides » est inscrit) dans un jardin qu’il a fallu les introduire dans l’exégèse : puisque, avec l’intendante Euryclée accompagnant Pénélope, on obtient un total de sept servantes, on a reconnu en elles, selon une image introduite par le philosophe du plaisir Aristippe de Cyrène, les sept disciplines libérales du cycle éducatif conçu par Platon, et complété par Porphyre de Tyr, élève de Plotin, ou Maxime de Tyr 12 : le quadrivium – arithmétique, géométrie, musique, astronomie – et le trivium– grammaire, rhétorique, dialectique. Cette dernière recouvrirait la philosophie en ses deux aspects, la science fondée en raison et la « mystagogie » qui doit illuminer l’âme (ellampsis), incarnées respectivement par Euryclée et par Pénélope, presque soudées sur l’image13. La leçon serait alors qu’Ulysse, comme Julien lui-même, aurait pu, avec un bon guide, s’épargner ce long cursus en embrassant d’emblée Pénélope (alias la mystagogie)14.

1. Théorie et pratique

6typologie des savoirsdisciplinesdivisions historiques des savoirsarts libérauxquadrivium typologie des savoirsdisciplinesdivisions historiques des savoirsarts libérauxtrivium typologie des savoirsdisciplines construction des savoirstraditionencyclopédisme typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialesphilosophieLa philosophie s’entendait en effet depuis Jamblique et ses Mystères d’Égypte comme une religion païenne, à laquelle l’empereur Julien, ramant à contre-courant de l’Histoire, tâcha de rendre une dimension publique : en 361, le néoplatonicien Sopatros d’Apamée, deuxième du nom, flatta cette politique en organisant à ses frais des jeux Olympiques15 ! Mais le paganisme de l’Antiquité tardive répugnait aux exhibitions officielles. Les philosophes, de même, revendiquaient peu ce métier, qui ne leur valait aucune exemption, et préféraient paraître comme sophistes (titre plus prisé que « rhéteur »), médecins ou grammairiens16. Leur entraînement élitiste se pratiquait à huis clos et réservait le cursus complet aux loisirs des plus riches. Outre les paliers du quadrivium et du trivium, la philosophie abondait en subdivisions dont le parcours fut progressivement unifié : les écrits d’Aristote formaient un cycle encyclopédique, de l’histoire naturelle, la mécanique et l’optique jusqu’à la politique, l’éthique et la logique, les néoplatoniciens codifièrent un cursus de lectures commentées, des Vers d’or de Pythagore aux Oracles chaldaïques en passant par Aristote puis Platon 17. Julien savait sa propre formation inachevée18. Or le stoïcien Épictète affirmait déjà qu’être philosophe consistait non à commenter les textes de Chrysippe ce qui faisait pourtant tout son enseignement, mais à mener une vie (zôê) conforme à leur leçon19. La pratique pouvait-elle se passer de la théorie ? Les écoles de philosophie qui accueillirent Julien à Éphèse et à Pergame, en créant la discipline appelée « mystagogie », relayèrent les efforts du logosau moyen de mythes allégoriques, d’oracles, d’astrologie et de « symboles » manipulables qui rapprochaient l’élève des corps célestes maîtres des destins20.

2. Mystagogie

7pratiques savantespratique rituelledivination acteurs de savoiracteur non humainêtre surnatureldivinité pratiques savantespratique rituellesacrifice construction des savoirsépistémologierationalité pratiques savantespratique rituellerite de passageLa mystagogie commençait par une purification et culminait dans une vision extatique. Porphyre recommandait un « sacrifice intérieur » dont les étapes se confondaient avec les progrès dans la philosophie, depuis la maîtrise des passions jusqu’à la connaissance des réalités éidétiques, où l’intellect se confond avec son objet divin21. Ce cursus fait de la connaissance de la nature une étape nécessaire. Hiéroclès d’Alexandrie (v e siècle apr. J.-C.) dans ses Commentaires sur les « Vers d’or » de Pythagore distingua au contraire la théurgie de la discipline de l’âme rationnelle. Il s’agit, au moyen des rites, du jeûne, des symboles et de la contemplation, de rendre léger et lumineux le « véhicule » de l’âme raisonnable, pour lui permettre de « supporter le commerce avec les corps lumineux » et de s’élever tout de bon vers les astres22 : ainsi le dépouillement a-t-il métamorphosé Cassiopée en constellation ! Aussi les purifications des néoplatoniciens n’étaient-elles pas seulement intellectuelles. En captant dans des symboles la puissance des dieux, on les amenait à se montrer, à révéler l’avenir, par une magie « chaldaïque », recommandée par Jamblique et pratiquée par Julien. Trouvé avec ses accessoires dans la salle à manger à abside de la maison d’Apamée dite « du cerf », un plateau triangulaire à protubérance centrale, orné d’une figure d’Hécate et gravé de signes cabalistiques, fut comparé23 à un « trépied » divinatoire qu’utilisèrent des conjurés contre l’empereur Valens en 371 : ne pourrait-on y reconnaître plutôt la toupie sonore connue sous le nom d’iynx, qui, censée être liée au mouvement des planètes, enchaînait et libérait tour à tour les puissances sommées de se manifester et de dévoiler leur science24 ?

8acteurs de savoiracteur non humainêtre surnatureldivinité pratiques savantespratique rituelle pratiques savantespratique rituelleascétismeLa théurgie associée à l’ascèse pieuse est un trait central du néoplatonisme. Au v e siècle encore, à Athènes où le philosophe Proclus s’acquittait à lui seul, une fois l’an, des devoirs de piété envers les morts de l’Attique et ses « ancêtres » philosophes25, quelqu’un dans sa demeure présumée avait tué et enterré rituellement un petit cochon récemment trouvé in situ 26. On obtenait par ces rites aussi la « divinisation » du philosophe, capable, dès lors, d’extra-lucidité, et adoré comme un dieu27.

9La rationalité grecque voulut dès l’origine se rapprocher des dieux. Ce qui est nouveau ici, c’est le clinquant de la mystagogie.

Scholae

10espaces savantslieuécole acteurs de savoirmodes d'interactioncollégialitéLa mystagogie entre en contradiction, dans la mosaïque apaméenne de Socrate et des Sages, avec la disposition des personnages, assis en demi-cercle. Cette disposition garde le souvenir d’un temps où la philosophie se pratiquait dans une convivialité égalitaire, que peuvent décrire les trois termes grecs exedra, scholêet stibades, et leurs transpositions latines.

1. Exedra, schola, stibadium

11acteurs de savoirstatutoisifLes stibades sont d’abord une jonchée de feuillages. Grabats pour des frairies rustiques en Grèce, elles deviennent, avec le stibadiumromain, lits de table en forme de « sigma » grec (C), par opposition aux triclinia, pour des banquets de riches ou les rendez-vous festifs des associations dionysiaques28.

12construction des savoirslangage et savoirslanguelatin Scholê, c’est le loisir, et l’occupation de qui a du loisir : l’étude ; par extension, le groupe de ceux qui étudient ensemble, c’est-à-dire une école philosophique, qui se dira scholaen latin, mais diatribê(étymologiquement « passe-temps ») en grec. Le terme latin s’applique également au lieu où l’on se réunit pour un loisir studieux. Plutarque use du dérivé grec scholastêriondans son éloge de Lucullus, qui offrit aux lettrés de Rome le cadre d’un tel loisir.

espaces savantslieubibliothèque inscription des savoirslivreIl rassembla beaucoup de livres, fort bien copiés, et […] ouvrit ses bibliothèques à tous. Les galeries qui les entouraient (peripatôn)et les salles de séminaires (scholastêriôn)accueillaient sans restriction les Grecs : ils s’y rendaient comme dans un refuge des Muses et y passaient ensemble la journée, abandonnant avec joie toutes leurs obligations. Souvent, Lucullus lui-même venait participer à leurs séminaires (sunescholazen)[…]29.

13matérialité des savoirsinstrumentinstrument de mesureDans ce havre des Muses, on imaginera, en outre, des cartes de géographie, des instruments de mesure et d’observation, tous les outils de la science du temps30.

14Le terme latin scholapeut s’appliquer, sous Auguste et Tibère, à une banquette de pierre en demi-cercle, d’usage religieux ou funéraire. On la voit à Pompéi associée, sous l’ombre de deux arbres et d’une pergola, à deux tricliniade pierre dont les proportions écrasent, à l’arrière-plan, la façade d’un temple rustique de Liber Pater (le Bacchus romain), honoré par les agapes du lieu. Vitruve nomme scholaedes niches en abside garnies d’une banquette, où l’usager des thermes se reposait après le bain. Le mot désigne enfin diverses salles de réunion, où les associations rivalisent en efforts de représentation31.

15pratiques savantespratique corporelleposition du corpsposition assise pratiques savantespratique discursiveconversationL’exedraest un lieu où l’on peut être assis dehors : lorsqu’elle prend une la forme semi-circulaire, banquette à ciel ouvert ou abside, elle est identique à la scholalatine. Rien de mieux qu’une exèdre pour un entretien à la fois sérieux et détendu, comme dans la maison de CottaCicéron et deux autres amis discutent de la nature des dieux32. Confort ; agrément du lieu, du paysage, de la société ; plaisir de la conversation ; apparat qui flatte la représentation sociale, sans qu’on cesse de rester entre soi : c’est tout cela que permet l’exèdre. La scholay ajoute le bon goût du loisir cultivé ; le stibadiuml’incline vers les douceurs du repas couché et de la présence des dieux. C’est le théâtre tout indiqué de la vie philosophique, dans sa théâtralité même.

2. Une schola à Pompéi

16acteurs de savoirstatutmaître acteurs de savoirstatutsageLa voici, cette vie philosophique, représentée sur une mosaïque de Pompéi : sept philosophes sont réunis en plein air, trois colonnes et un arbre dessinant l’espace d’un jardin ou d’un portique, les uns assis sur une schola semi-circulaire, les autres debout, en conversation animée autour d’un papyrus déroulé sur les genoux de l’un d’entre eux33. Malgré la commune disposition en hémicycle et le chiffre 7, le contraste est frappant avec la mosaïque d’Apamée : à Pompéi, un désordre maîtrisé, un décor pittoresque, un document ouvert sur lequel sept savants débattent d’égal à égal ; en Apamée, nul décor, des Sages dont l’attitude appuie la parole de la figure centrale de Socrate. De la scholaouverte sur le paysage et le dialogue critique, on est passé à une schola refermée sur un maître dont les leçons ne se discutent pas. Voilà qui illustre le passage de la dialectique à la mystagogie. Cependant, la gravité des six Sages d’Apamée atténue l’écart entre le maître et les disciples : les Sages, autour de Socrate, s’offrent en témoins et modèles d’un passé paradigmatique. On est loin de ce bas-relief funéraire du ii e siècle trouvé à Ostie, où un philosophe inspiré, en tunique, apparaît debout sur une estrade que découvre un rideau suspendu ; il parle les yeux au ciel entre deux groupes de disciples béats (au nombre de sept), dont deux, au premier plan, notent avidement sur un codex chaque parole prononcée34. Avec le hiératisme des Sages d’Apamée, sans quitter la schola des philosophes, nous sommes presque entrés dans l’abside des saints.

Amélius et Numénius d’Apamée

17pratiques savantespratique lettréebrouillon inscription des savoirslivrenoteC’est pourtant le bas-relief d’Ostie qui rend le mieux compte de la mentalité des cercles néoplatoniciens. Leur premier représentant en Apamée, Amélius Gentilianus, originaire d’Étrurie, avait passé vingt-quatre ans à l’école de Plotin, enseignant et polémiquant pour le compte de son maître ; ayant religieusement pris des notes à ses leçons, il composa, de 246 à 269, des « scholies » à ces notes, d’autant plus précieuses que Plotin n’écrivit que des brouillons tardifs communiqués aux seuls happy few 35. On pense qu’avec ces notes Amélius réalisa la première édition, chronologique, de l’œuvre de Plotin qui nous est finalement parvenue sous la présentation systématique de Porphyre : ce dernier, tard venu à l’école de Plotin (de 263 à 268) où il se sentait accablé par sa propre infériorité, attendit la mort d’Amélius pour proposer son édition. Quant aux scholies, en cent livres, Amélius les légua à son fils adoptif Hostilianus Hésychius d’Apamée 36 : s’étant retiré dans cette ville en quittant Plotin, il paraît y avoir vécu plusieurs décennies.

Amélius et l’école d’Apamée

18construction des savoirséducationinitiation pratiques savantespratique lettréecommentaire pratiques savantespratique intellectuellemémorisationEn choisissant Apamée, Amélius rejoignait l’école de Numénius, dont il était féru de longue date : de cet auteur, le chrétien Eusèbe de Césarée, proche de Constantin, a sauvé de substantiels fragments sans doute empruntés à Amélius. Car Amélius « avait copié et rassemblé presque tous les écrits de Numénius et en avait appris par cœur la plupart37 ». Numénius était entouré : nous lui connaissons au moins un « compagnon » (hetairos 384 appelé Kronios (sans doute le platonicien dédicataire en 165 du pamphlet de Lucien Sur la mort de Pérégrinus ; Lucien à son tour, quoique plutôt épicurien, appelle Kronios son hetairos, ce qui suggère une amitié complice).

19construction des savoirséducationinitiation construction des savoirstraditionsagesse acteurs de savoirstatutgourouDans les œuvres de Numénius, Amélius lisait des commentaires (hupomnêmata) qui expliquaient Pythagore et Platon. La science n’y était plus à découvrir dans la nature, mais à décrypter sous les énigmes de prédécesseurs qu’on pouvait créditer de révélations capables d’en imposer aux sceptiques. Platon lui-même aurait seulement pénétré les énigmes de Pythagore, lequel dépendait à son tour des « sagesses barbares » (« les Brahmanes, les Juifs, les Mages et les Égyptiens »)39. Ce programme initiatique de Numénius ressemble à celui que réalisa directement, à en croire Philostrate (écrivant une génération plus tard pour l’impératrice syrienne Julia Domna), le gourou syrien Apollonios de Tyane, contemporain du Christ, qui, après s’être initié graduellement aux doctrines de toutes les écoles près d’un sanctuaire d’Asclépios, alla s’instruire de la vie pythagorique chez les brahmanes ! Numénius, lui, sur l’énigme des trois « Rois » de la Lettre II de Platon (312 d-e), avait bâti, en référence au Timée, une doctrine des trois Intellects démiurgiques, qui fondèrent l’ontologie néoplatonicienne. Kronios faisait l’exégèse du nombre nuptial et du mythe d’Er40.

20construction des savoirslangage et savoirsgenreoracle pratiques savantespratique lettréeexégèse pratiques savantespratique intellectuellecritique pratiques savantespratique lettréecommentaire Amélius produisit à son tour des commentaires de Platon et, commentaire de commentaire, une confrontation entre deux lectures de Platon respectivement par Numénius et par Plotin : il y défend Plotin que l’école d’Athènes accusait d’avoir plagié Numénius. Or, ces querelles d’exégèse s’inscrivent dans les querelles religieuses contemporaines. C’est ainsi qu’Amélius commenta aussi le Prologue de l’Évangile de Jean, reconnaissant dans le Logos l’Âme du monde (pour lui, comme pour Numénius, Platon n’est qu’un « Moïse qui parle grec41«). Ce commentaire appartenait-il à un ouvrage antignostique Contre le livre de Zostrien, où Amélius aurait combattu quelques-uns des propres élèves de Plotin 42 ? Amélius a-t-il pu ignorer, d’autre part, les Oracles chaldaïques, que Porphyre connaissait, peut-être par Numénius, et qui, composés du temps de Marc Aurèle, devinrent avec Jamblique le sommet du cursus néoplatonicien43 ? La théosophie d’Amélius ne dédaignait pas même la religion pratique : alors que, pour Plotin et Porphyre, le vrai « temple » du dieu (neôs)est un intellect (noos)purifié par des représentations pures du divin, Amélius tenait à s’acquitter des sacrifices « de la nouvelle lune et des fêtes » ; à la mort de Plotin, il s’informa auprès d’Apollon de la destinée de l’âme de son maître, et reçut en réponse un long oracle en vers que Porphyre cite en entier44.

Numénius d’Apamée, fragments 24-28

21pratiques savantespratique intellectuellejugement construction des savoirstraditionorthodoxie espaces savantslieuacadémieComment la philosophie, issue des mathématiques et des sciences de la nature, avait-elle pu évoluer vers l’exégèse pieuse ? La gestation du néoplatonisme dans les écoles de Numénius, ou d’Ammonius, maître de Plotin à Alexandrie, coïncide avec l’apparition, dans la seconde moitié du ii e siècle après J.-C., de l’adjectif platônikosdésignant les sectateurs de Platon. Ceux-ci, lassés de « suspendre » leur jugement dans une Académie sceptique déchirée de querelles internes, voulurent revenir aux leçons authentiques du maître, supposées cryptées. C’est sous la plume de Justin, né à Naplouse, martyrisé en 165, que le terme s’applique pour la première fois à un homme : dans son Dialogue avec Tryphon, le juif, Justin défend le christianisme en empruntant ses arguments à Platon ! Les sources font dès lors apparaître de nombreux platônikoi, souvent venus d’Asie et d’Orient : ainsi Taurus le Syrien qui instruisit Aulu-Gelle, Théon de Smyrne, auteur d’une introduction aux mathématiques de Platon et d’un classement de ses œuvres, voire le magicien Apulée de Madaure. Du temps de Plotin – initié au platonisme par l’ex-chrétien Ammonius –, les platoniciens d’Athènes se ralliaient au Syrien Numénius. Des Syriens, voire les brahmanes de l’Inde, passaient pour parler le plus pur attique45 !

1. La profusion des écoles

22acteurs de savoirstatutmaître construction des savoirstraditionécole de pensée construction des savoirstraditionorthodoxieLa revendication d’orthodoxie platonicienne traduit un désir d’ordre qui s’accompagne, au plan politique, de l’unification de l’Empire. Si depuis longtemps on se référait aux fondateurs d’écoles à l’aide d’adjectifs en -ikos (latin -icus) ou -eios, c’était pour désigner non des dogmes institués, mais des choix doctrinaux hétéroclites ( haire seis ). On rencontrait démocritéens, socratiques, antisthéniens, mégariques, eretrikoi, théodoriens, stôikoi, epikoureioi, etc. Il en ressortait une pénible confusion, que, jusqu’au début du iii e siècle, l’esprit surmontait de trois façons : par l’historiographie, par la caricature, par l’idéalisation de profils types. L’historiographie est illustrée par l’épicurien syrien Philodème, dont les cendres du Vésuve ont conservé les fragments d’une Histoire des philosophes 46. La caricature naissait de la polémique, naturelle à la philosophie : ainsi Lucien imagina, dans la satire des Philosophes à vendre, des représentants de chaque école vendus à la criée sur un marché d’esclaves. Citons encore Lucien pour l’idéalisation du philosophe cynique, le plus populaire dans la Grèce du ii e siècle : en la personne de son maître Démonax, barbe, bâton, besace et méchant manteau sont les attributs visibles d’un homme viril, ami du franc-parler, ouvert à tout le genre humain, content du minimum, vivant de l’air du temps, mais qui n’est vraiment chez lui qu’à Athènes 47. Toutefois avec Lucien, qui fut justement familier d’un « compagnon » de Numénius, nous sommes déjà tout près des platôni koi ! La confusion des doctrines était l’expérience de tous, le choix (hairesis) d’une école relevait de la décision de chacun, mais l’Histoire, en promouvant l’ordre et la hiérarchie, ne devait pas trancher en faveur des préférences de Lucien pour les cyniques ou les épicuriens.

2. La satire d’une décadence

23acteurs de savoirmodes d’interactioncompétition espaces savantslieuacadémie Eusèbe nous a conservé des passages d’une plaisante histoire des doctrines due à Numénius 48. Cette satire consacrée à « l’infidélité de l’Académie à Platon » déplore la cacophonie philosophique née de l’oubli de l’inspiration première. Elle présente les écoles (scholai)comme de petits États (politeiai) transmis en héritage (diadochê) d’un « scholarque » à l’autre, et toujours menacés par la rébellion (stasis), au point que la narration suit la métaphore d’une guerre burlesque. Depuis la Nouvelle Comédie, le bon sens se délectait à dénoncer les conséquences pratiques des doctrines appliquées à la lettre ; les divers noms d’écoles finirent par ne plus désigner des lieux d’enseignement distincts, mais des préférences doctrinales, dont découlaient des vies stéréotypées. Ainsi Numénius nous régale-t-il d’une anecdote sur l’académicien Lakydès, que ses serviteurs bernaient allégrement, tantôt parce qu’il « suspendait » son jugement à la mode de l’Académie sceptique, tantôt parce que les sophismes de ses esclaves, empruntés aux stoïciens, le battaient sur son propre terrain (fr. 26) : la satire porte sur la doctrine et le comportement qu’elle induit, et non pas sur l’école. Dans un cadre de vie philosophique uniforme, champ clos de luttes doctrinales, les belligérants sont évalués d’après leur vie même, selon des critères qui privilégient la discipline et la maîtrise de soi. Aussi bien, l’enseignement se prit à introduire tout exposé doctrinal par la biographie du fondateur.

24pratiques savantespratique corporelleposition du corpsposition couchée pratiques savantespratique corporelleposition du corpsposition assiseQualifiée de diatribê, l’école épicurienne, par sa stabilité, échappe à la critique de Numénius, mais c’est bien malgré lui. La diatribêest aussi associée parfois avec « promenades », peripatoi 49 : les deux termes, en désignant des types d’espace, suggèrent deux formes complémentaires de la prise de parole ; assis ou couchés en demi-cercle, les disciples conversent avec le maître dans une relation conviviale, au contraire, quand ils sont debout autour de lui, déambulant sous un portique, ils le suivent, se poussant les uns les autres pour attraper ses paroles. « Le plus large de tous marchait devant ; c’était un beau parleur […]50. » Polémon, troisième successeur de Platon, suivit son exemple :

Il argumentait tout en marchant. […] Il vivait à part et passait son temps dans le jardin [de l’Académie], près duquel ses disciples avaient construit des cabanons pour habiter près du sanctuaire des Muses et de l’exèdre51.

25pratiques savantespratique corporelleparole acteurs de savoirstatutdisciple pratiques savantespratique discursiveconférenceMais le rapport finit par s’inverser, la diatribêdevint salle de conférence – ou la conférence elle-même –, et la promenade (peripatos) séminaire ou récréation : quand, sans quitter le gymnase, l’éphébie se transforma, d’éducation militaire, en enseignement secondaire et supérieur, il fallut bien accueillir des classes entières, qui allaient grossir le public des « diatribes » conférences52. Le bas-relief d’Ostie, avec le maître debout devant des disciples spectateurs, prolongerait ce retournement que commandait l’afflux du public. Or le lexique de Numénius paraît refuser cette évolution : se mettre à l’école d’un maître, cela reste, dans son jargon, se faire son « auditeur » (akoustês)ou son « sectateur » (philakolouthos), le « fréquenter » (phoitan), ou « fréquenter ensemble » (sumphoitan)« chez » (para)lui, être son « familier » (gnôrimos). Sa langue conserve la trace d’un temps où le bouche-à-oreille suffisait à marquer les rendez-vous, comme on voit, dans Platon, Socrate se hâter vers une réunion de sophistes dans une maison amie53. Plutarque déjà revivait ces jours bénis, quand il se rendait avec ses condisciples à une invitation formelle au domicile du maître (mais on se réunit pour une distribution des prix, et la somnolence post-prandiale guette les cours de l’après-midi)54 ; la discussion feignait encore de s’instaurer librement, sur la base, par exemple, d’un exercice de parole proposé en jeu ; l’obsession encyclopédique et celle du salut commandaient pourtant déjà ces réunions, qui anticipaient idéalement la perfection à atteindre.

26Numénius aspire à replacer la philosophie simultanément dans un cadre privé et sous une autorité unique. Or, tout en adoptant l’enseigne de Pythagore et de Platon, il désigne, quoique avec répugnance, l’épicurisme contemporain comme son modèle.

Des épicuriens d’Apamée

27Une découverte d’apparence mineure a mis près de trente ans pour trouver son commentateur : une inscription mise au jour à l’est de la Grande Colonnade d’Apamée, gravée sur une colonne réemployée, plusieurs fois visitée par l’épigraphiste qui la publia en 1973, mais disparue depuis, indique que tel objet dédicacé (une statue ?) le fut « sur l’ordre du saint dieu très grand Bêlos, par Aurélios Bêlios Philippos, prêtre et diadoque, en Apamée, des épicuriens ».

28construction des savoirslangage et savoirsgenreoracle pratiques savantespratique rituelledivinationLe nom théophore (Bêlios)ne laisse aucun doute : un épicurien prêtre du Bêl oraculaire ! Et cela dans la cité des néoplatoniciens dont la doctrine, au moins, appuyait la fréquentation des oracles ! Aucune date décisive ne put être proposée pour cette inscription, dont la forme paraît tardive, mais que la prosopographie invite à situer au ii e siècle, sous Hadrien, ou du temps de Lucius Vérus et de Marc Aurèle, quand les épicuriens rencontrèrent la faveur impériale. Le témoignage de Numénius, admiratif malgré lui de cette secte, corroborerait une datation de la seconde moitié du ii e siècle.

29pratiques savantespratique lettréeexégèseL’exégèse du document par Martin F. Smith, spécialiste de l’épigraphie épicurienne, relève nombre d’épicuriens issus de Syrie, ou qui s’y illustrèrent, de Basilidès de Tyr à Philodème de Gadara, mort vers 40 avant J.-C., dont la bibliothèque trouvée à Herculanum est toujours en cours de publication. L’auteur voit dans le « diadoque » un scholarque local. Il relève une poignée d’autres épicuriens attestés comme prêtres (nous avons tenté de compléter la liste et montré que la doctrine du Jardin en expliquait le mystère). Il suggère enfin que la dédicace a pu être financée par la communauté des épicuriens d’Apamée, et rappelle l’obligation de l’écot interne, attestée du temps d’Épicure 55.

30Numénius vantait la concorde épicurienne :

acteurs de savoirmodes d’interactionconformismeJamais sur aucun point on ne les a vus soutenir le contraire d’Épicure […]. L’école (diatribê)d’Épicure ressemble pour de bon à un État vierge de toute sédition […] ; ils ont été, ils sont, et selon toute apparence resteront ses sectateurs (philakolouthoi) 56.

31Au temps des chaires concurrentes, aux portes de l’école où s’opérait la synthèse néoplatonicienne, résistait donc paisiblement, avec l’estime publique, sous les yeux de Numénius, son utopie réalisée : une communauté unanime fondée sur une doctrine unique.

Apamée contre Laodicée

32Jean-Charles Balty, historien d’Apamée, en datant du règne de Julien les mosaïques trouvées sous la cathédrale chrétienne, a rappelé l’intérêt qu’à l’occasion d’une « querelle de préséance qui l’opposait à Laodicée » l’empereur manifesta pour la ville, en lui donnant la palme au nom de deux de ses grands hommes, Jamblique et Sopatros. Laodicée-sur-mer jouissait pourtant de beaux marbres, de bibliothèques à foison, et se vantait de « l’habileté d’un certain concitoyen » (politou tinos sophian) 57. Remarquons qu’elle pouvait en effet se réclamer d’un illustre savant : Philonidès de Laodicée. Or, Philonidès était épicurien.

Philonidès de Laodicée

33pratiques savantespratique lettréedéchiffrement construction des savoirstraditionorthodoxie matérialité des savoirsmatériaupapyrusUn papyrus d’Herculanum en mauvais état contenant une Vie de Philonidès, rapproché de trois inscriptions et d’un passage du mathématicien Apollonios de Pergé, qui exerça à Pergame et en Alexandrie vers 200 avant J.-C., voilà tout ce qui est conservé de ce personnage qui était applaudi dans Athènes – où sa famille avait un rôle diplomatique –, à la cour séleucide, et par les savants de son temps58. On perd sa trace après 150 avant J.-C. Le papyrus seul révèle en lui un épicurien, dont l’activité politique et la science mathématique, ainsi que la mention, en des contextes indéchiffrables, de trois des rares épicuriens dissidents connus59, ont fait même douter de l’orthodoxie. On peut conjecturer que Philodème, son auteur probable, avait voulu rendre justice à une grande figure de l’épicurisme syrien dont il était issu lui-même et qui, dès le temps de Philonidès, s’était déjà déployé jusqu’à Rome 60 – pourquoi pas grâce à lui ?

1. La carrière de Philonidès

34acteurs de savoirmodes d'interactionconflit espaces savantslieuécoleAu temps de Philonidès, Athènes même empruntait déjà à la Syrie une part de son éclat : le roi Antiochos IV Épiphane lui envoya plans et finances pour étendre son pharaonique temple de Zeus, l’Olympieion 61 ; et Philonidès suivit les leçons de deux Syriens, le scholarque Basilidès de Tyr et Thespis, son possible successeur à la tête du Jardin d’Athènes. Lui était-il d’ailleurs si nécessaire de se rendre à Athènes ? Il avait écouté à Éphèse le mathématicien Eudème, qui l’avait présenté à Apollonios de Pergé ; en Carie, l’enseignement de Dionisodoros de Caunos, auteur d’un traité Sur la sphère. Il était en contact avec Iolaos de Bithynie, médecin et naturaliste, et Zénodoros, de qui nous connaissons un traité de géométrie. On l’estimait jusque dans les sectes rivales : témoin le stoïcien Diogène de Babylone, qui a pu le faire connaître à Rome (fr. 53). À Antioche sans doute, il fonda une école concurrente de celle d’Artémon, son maître en épicurisme, qu’il ruina. Il y réunit, à ses frais, tous les ouvrages d’Épicure (fr. 66). Le roi Démétrios Ier Sôtêr « montait » à ses leçons, au milieu d’une foule de lettrés, philologoi, gardait le contact en permanence, progressait beaucoup, et il était traité comme un élève parmi d’autres (fr. 12)62. Pour mieux participer aux séminaires et aux cours (sundiatripsei, suscholasei), il offrit au maître une maison en face du palais ; s’il recourait à son conseil, il abordait toujours en lui le philosophe, non un ministre ni un homme de cour (fr. 27). Philonidès publia cent vingt-cinq traités pour convertir le roi à sa doctrine (hairesis, fr. 30) : les enjeux étaient grands, à en croire les dissensions au sein même du Jardin (fr. 33 et 34) et les débuts de la conquête des esprits à Rome ; et les épicuriens n’avaient pas que des amis (fr. 30 et 32).

2. L’établissement du canon épicurien

35pratiques savantespratique lettréecommentaire construction des savoirstradition construction des savoirstraditioncanonisationC’est au milieu de cette effervescence intellectuelle que Philonidès, semble-t-il, réorganisa l’enseignement épicurien, et le rendit propre à convertir au loin. On devine une remarquable pédagogie de la transmission, fondatrice d’orthodoxie, par les abrégés, les traités sur des questions particulières, les commentaires, les commentaires de commentaires, et les textes polémiques, sans que soit abandonnée la recherche en commun (sunezêtêkotôn, fr. 19). Chacun de ces types d’ouvrages s’adresse à un public spécifique.

36Les abrégés des lettres des quatre fondateurs de l’épicurisme (Épicure, Métrodore, Polyène, Hermarque), ainsi que le recueil thématique de leurs lettres didactiques, composaient un catéchisme familiarisant « les jeunes gens paresseux » avec le quatuor modèle (fr. 14). Les traités servaient à réduire les objections ponctuelles : d’où leur multiplication (fr. 30). Les Commentaires publient les cours sur le texte central d’Épicure, De la nature : Philonidès en commente le sixième livre, comme Amélius commentera Platon. Les commentaires de commentaires donnent à lire, aux participants des séminaires, les notes tirées des leçons d’autrui (à la manière dont Amélius annotera les cours de Plotin). Un ouvrage polémique contre « le Pataréen » pourrait viser un épicurien non orthodoxe (fr. 7).

3. Le précepteur et l’ami

37construction des savoirséducationpédagogie acteurs de savoirstatutmaître acteurs de savoirmodes d'interactionamitiéParadoxalement, cet enseignement si bien structuré passe par l’entretien privé : témoin le mot kathêgêtês, qui désigne ici Artémon (fr. 33), maître épicurien de Philonidès en Syrie. On rencontre le terme dans des lettres d’Égypte relatives à l’éducation : des parents envoient leurs enfants auprès de maîtres dont ils paient de leur mieux les services63. Le kathêgêtêsenseigne à titre privé ce qu’on attend de lui, un savoir dont on sait mesurer l’extension. Des parents se feront ainsi une idée précise des progrès de leur enfant arrivé à la lecture du « Z » (to zêta), c’est-à-dire du sixième chant de l’Iliade 64. Une école de philosophie en charge de la pédagogie d’une doctrine fixée – et non pas de son invention progressive – n’a pas manqué d’établir, elle aussi, ses grilles d’évaluation. Aussi n’est-on pas étonné de trouver dans la Vie de Philonidès cette nomenclature qui énumère familièrement, d’après leur numéro de série, sans autre précision, les trente-sept livres de la Bible d’Épicure Sur la nature, avec les leçons d’Artémon sur les « 1 à 31 », et le commentaire au « 6 », exprimé sous sa forme chiffrée (to hekton).

38acteurs de savoirmodes d’interactionamitiéL’emploi du mot kathêgêtês enseigne que le maître épicurien doit être à la fois un répétiteur et un ami. Il doit guider sur un chemin qui, quoique déjà frayé par Épicure, reste chaque fois un parcours singulier vers des vérités déjà là65. D’où la débauche d’efforts en faveur d’un élève unique (Lucrèce à Memmius, Philonidès à Démétrios Ie r), et, en corollaire, l’attachement de l’élève au maître. La concorde épicurienne est une réussite pédagogique.

Sauvé des flots

39espaces savantscirculationvoyage acteurs de savoircatégorie socialeesclave Philonidès a voyagé sur mer (fr. 45). Athènes a sauvé son père (et lui-même ?) de l’esclavage (en offrant rançon à des pirates ?)66 : Platon déjà avait connu pareille mésaventure. Épicure aurait essuyé un naufrage67. Les périls de la mer ont hanté les épicuriens comme ils avaient hanté Platon et hanteront les néoplatoniciens, sous l’allégorie des voyages d’Ulysse. Diogène d’Œnoanda en a fait inscrire dans la pierre une description dramatique68. La sécurité de la terre ferme est célébrée par Horace et par Lucrèce : il est doux, depuis le port, de contempler les orages sur la vaste mer…

40espaces savantslieujardinMais contre les tourments de la mer le remède épicurien était à portée de main, en une sagesse résumée dans le visage des maîtres rendus familiers par des lectures assidues. Le Jardin entourait ses réunions de leurs images : à Dion, au pied du mont Olympe, on trouva quatre statues à l’imitation du portrait d’Épicure, dans la salle d’apparat d’une riche villa ; ou bien les portraits des maîtres étaient incrustés dans le pavement d’une salle à abside, avec les maximes résumant leurs pensées, comme à Autun en Gaule, près de deux siècles avant Apamée 69 : en festoyant sobrement devant ces images, à ce banquet humain on égalait d’emblée le bonheur des dieux. Chaque « tunique de chair », chaque vérité de science enfermait la totalité du salut.

Notes
1.

Plutarque, Vie de Dion, 13, 4.

2.

Xénophon, Anabase, I, 4, 9 ; Strabon, Géographie, XVI, 2, 10 (C752) ; CIL, III, supplément 1, 6687 ; Flavius Josèphe, Guerre des juifs, II, 479.

3.

Balty, J. Ch., 1988, p. 94 et suiv. Récemment, non pris en compte dans cette étude : Athanassiadi, 2006, p. 58 et suiv.

4.

Sopatros : voir RE, III A, 1, 1006 et suiv., s.v. « Sopatros » [Seeck], 11. Il participa à la fondation de Constantinople, en 330. La vindicte populaire obligea Constantin à le faire mettre à mort ; Poseidonios : Laffranque, 1964, p. 48-56. Sur cette histoire d’Apamée, voir Balty, J. et J. Ch., 1977, p. 104-108, 112, 117-120, 123-128, Will, 1989a, p. 228 et suiv., 232-234. Sur le site : Balty, J. Ch., 1981.

5.

Balty, J., 1970, p. 86-87 et fig. 11.

6.

Julien, Lettre à Thémistios, 264 d. Pour l’identification discutée du commanditaire, voir Athanassiadi, 2006, p. 63 et suiv., n. 116.

7.

Balty, J. Ch., 1972, p. 163-174 (Balty, J., 1977, p. 76-81 ; Balty, J. Ch., 1981, p. 105-119 et p. 186-191, pour le site de la cathédrale et les mosaïques).

8.

Julien, Second Panégyrique de Constance, 96 c (I, 1, p. 174).

9.

Balty, J. Ch., 1972, p. 174-181 (Balty, J., 1977, p. 82-88 ; Balty, J. Ch., 1981, p. 212-215).

10.

Simplicius, Commentaire sur le Manuel d’Épictète, « Prooemion », 90-104.

11.

Eunape, Vies des sophistes ; Jamblique, 457 et suiv.

12.

Diogène Laërce, Vies et doctrines, II, 79 ; Platon, République, VII, 522c-531c ; Maxime de Tyr, Discours 37 ; voir Hadot, I., 1984, p. 153 et suiv.

13.

Philon d’Alexandrie, De congressu (cf. Quet, 1993, p. 155-157), aurait pu y voir Agar, la servante, incarnation du cycle des sciences, et Sarah, l’épouse d’Abraham, la science dernière.

14.

Bouffartigue, 1992, p. 508-510 et 562 et suiv. ; les réinterprétations de l’opposition entre théurgie et philosophie par un Martianus Cappella, dans Les Noces de Mercure et de la Philologie, ou par Hiéroclès d’Alexandrie, amèneront à privilégier la philosophie : la théurgie et les arts mantiques sont alors un ersatz pour la multitude. Cf. Hadot, I., 1984, p. 150 et suiv. ; Hadot, I. et P., 2004, p. 187-193.

15.

En l’an 361 : cf. Libanius, Lettres, 663 (W. 577), 668 (W. 582), 1172 (W. 1309). À Athènes, un certain Plutarque, peut-être le fondateur de l’école néoplatonicienne, finança trois fois la barque sacrée des Panathénées (Koch, 2005, p. 200).

16.

Goulet, 2001, p. 378-380 ; Bouffartigue, 1992, p. 47.

17.

Bouffartigue, 1992, p. 547-567.

18.

Ibid., p. 44 et 560 et suiv.

19.

Épictète, Manuel, 49.

20.

Bouffartigue, 1992, p. 44 et 547.

21.

Porphyre, De l’abstinence, II, 45, 4 (p. 111-112).

22.

Hiéroclès, Commentaires sur les « Vers d’or », XXVI, 21-22, p. 116-117.

23.

Donnay, 1984, se référant à Ammien Marcellin, Histoire romaine, 29, 1.

24.

Voir, par exemple Michel Psellos, 1133 A, cité par Lewy, 1978, p. 247-257 ; pour le dossier de l’iynx, cf. Gow, 1934, p. 1-13. Pour une nouvelle interprétation, voir Athanassiadi, 2006, p. 63.

25.

Marinus, Proclus, § 36, 10-23.

26.

Koch, 2005, p. 201-204.

27.

Cf. Goulet, 2001, p. 383-386.

28.

Voir le règlement de Iobacchoi athéniens, in Jaccottet, 2003, vol. 2, p. 27-34. Gernet, [1928], rééd. 1982, p. 32-46, décrit les « frairies antiques ». Cf. Platon, République, II, 372 b.

29.

Plutarque, Vie de Lucullus, 42, 1-3, trad. A.-M. Ozanam, légèrement modifiée.

30.

Cf. Préaux, 1978, p. 230-238 ; Jacob, 1996, p. 50-69.

31.

Egelhaaf-Gaiser, 2001, et 2005, p. 255-258.

32.

Cicéron, De la nature des dieux, I, 15 ; voir Plutarque, Vie de Brutus, 14, 2, pour un usage public de l’exèdre.

33.

Pompéi, i er siècle av. J.-C., conservé à Naples, Museo nazionale, cf. Zanker, 1995, p. 295, fig. 160.

34.

Ibid., p. 261, fig. 140 : musée d’Ostie.

35.

Porphyre, Vie de Plotin, IV, 9-16. Pour l’ensemble de la question, voir Brisson, 1987, et Des   Places, 1973, « Notice », p. 7-32 ; Dodds, 1957, p. 3-32.

36.

Porphyre, Vie de Plotin, III, 46-48.

37.

Ibid., 43-45.

38.

Porphyre, L’Antre des nymphes, 21.

39.

Numénius, fr. 1.

40.

Voir Proclus, Commentaire sur la République de Platon, II, 22, 20 et suiv. ; 110, 4. Cf. Brisson, 1987, p. 802 et suiv.

41.

Numénius, fr. 8.

42.

Porphyre, Vie de Plotin, XVI.

43.

Des Places, 1973, p. 17.

44.

Porphyre, Vie de Plotin, X, 15-28 ; XXII, 13-63.

45.

Philostrate, Vie d’Apollonios, I, 7 ; III, 31.

46.

Voir notamment Philodème, Histoire de l’Académie.

47.

Lucien, Démonax, passim.

48.

Numénius, fr. 24-28.

49.

Numénius, fr. 27, l. 50.

50.

Timon, évoquant Platon, in Diogène Laërce, Vies et doctrines, V, 7.

51.

Diogène Laërce, Vies et doctrines, IV, 19.

52.

Voir pour Athènes, IG, II2, 1006, l. 19-20 et 62-64 (121 av. J.-C.).

53.

Voir par exemple Platon, le prologue du Protagoras.

54.

Plutarque, Propos de table, VII, 3, Moralia 720C ; IX, Moralia 736 et suiv. Voir Romeri, 2002, p. 134-138.

55.

Voir Rey-Coquais, 1973, p. 66-68 ; Smith, 1996, p. 120-130 ; Koch, 2005, p. 226-230.

56.

Numérius, fr. 24, l. 20-26.

57.

Balty, J. et J. Ch., 1974, p. 267 et suiv., cf. Libanius, Epitaphios, Discours XVIII, 187 (t. II, p. 318 et suiv. ; cf. XI, p. 340).

58.

Fraser, 1972, I, p. 416 et suiv. ; II, p. 601 et suiv. et 611 et suiv.

59.

Le « Pataréen », Antiphane et Timasagoras, fr. 7, 24, 34.

60.

Élien, Histoire variée, IX, 12, cf. Aulu-Gelle, Nuits attiques, XV, 11 ; Athénée, Deipnosophistes, XII, 547 a.

61.

Tite-Live, Histoire romaine, XLI, 20, cf. Polybe, Histoire, XXVI, 1, 10-11.

62.

Polybe, Histoire, XXXIII, 14 (cf. Athénée, Deipnosophistes, X, 440 b) le décrit comme un ivrogne : accusation courante contre des épicuriens.

63.

Glucker, 1978, p. 127-134 ; Préaux, 1929, p. 780-785.

64.

Préaux, 1929, p. 780 et suiv.

65.

Cf. Lucrèce, De la nature, IV, 1-3.

66.

IG, II2, 1236.

67.

Épicure, Epicurea, fr. 189. Cf. Clay, 1998.

68.

Diogène d’Œnoanda, fr. 72 (éd. Smith) ; trad. 1996, p. 57.

69.

Pandermalis, 1999, p. 166-173 ; Blanchard, 1991 et 1992 ; Blanchard-Lemée et Blanchard, 1993 ; cf. Koch, 2005, p. 210 et suiv.

Appendix A Bibliographie

Sources et éditions consultées
  1. Athénée, Deipnosophistes : Athénée, The Deipnosophists, éd. bilingue grec/anglais par Ch. B. Gulick, Cambridge (Mass.)-Londres, 1961.
  2. Aulu-Gelle, Nuits attiques : Aulu-Gelle, Les Nuits attiques, 3 vol., Paris, 1967-1989.
  3. Cicéron, De la nature des dieux : Cicéron, De natura deorum, éd. et trad. par M. Van Den Bruwaene, 2 vol., Bruxelles, 1970-1986 ; Cicéron, La Nature des dieux, trad. et éd. par Cl. Auvray-Assayas, Paris, 2002.
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  6. Diogène Laërce, Vies et doctrines : Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres, trad. M.-O. Goulet-Cazé et al., Paris, 1999.
  7. Élien, Histoire variée : Élien, Historical Miscellany, éd. bilingue grec/anglais par N. G. Wilson, Cambridge (Mass.)-Londres, 1997.
  8. Épictète, Manuel : Épictète, The Manuel, in The Discourses as reported by Arrian ; The Manual ; and Fragments, éd. bilingue grec/anglais par W. A. Oldfather, 2 vol., Cambridge (Mass.), 1959-1961.
  9. Épicure, Epicurea, éd. H. Usener, Leipzig, 1887.
  10. Eunape, Vies des sophistes : Eunape et Philostrate l’Athénien, The Lives of the Sophists, éd. bilingue grec/anglais par W. C. Wright, Londres-Cambridge (Mass.), 1921.
  11. Flavius Josèphe, Guerre des juifs, éd. bilingue grec/français par A. Pelletier, 3 vol., Paris, 1975-1982.
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  13. IG : Inscriptiones graecae, Berlin, 1903-.
  14. Julien : L’Empereur Julien. Œuvres complètes, éd. bilingue J. Bidez, 4 vol., Paris, 1963-1972.
  15. Libanius : in Libanii opera, éd. R. Förster, Hildesheim, 12 vol., 1963.
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  17. Lucrèce, De la nature : Lucrèce , De rerum natura, éd. bilingue latin/français par J. Kany-Turpin, Paris, 1993.
  18. Marinus, Proclus : Marinus, Proclus ou Sur le bonheur, éd. bilingue latin/français par H. D. Saffrey et A.-Ph. Segonds, Paris, 2001.
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Autres références
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