François Icher

Beaux outils familiers, c’est par vous qu’on atteint
Ces travaux merveilleux, sur le bois ou la pierre
Toujours très adaptés, au beau travail des mains
Témoignant des anciens la pensée ouvrière.
Henri le Provençal, compagnon menuisier du devoir, 1996.

1acteurs de savoirprofessioncompagnon du devoir acteurs de savoirprofessionouvrierSoucieux de donner du sens à sa vie d’ouvrier, le compagnon n’hésite pas à « philosopher » autour de son métier. Pour cela, l’institution met à sa disposition un système de valeurs et de symboles à découvrir progressivement. Loin d’être ésotérique, ce système se structure autour du métier, allant de la conception de l’ouvrage jusqu’à sa finition. Dès lors, les outils sont appelés à prendre une part importante dans un processus qui sollicite l’intellect de l’homme « dit » manuel1.

2construction des savoirstraditiontransmissionLe compagnon souhaite également maintenir et transmettre la mémoire de son métier. En réfléchissant sur les outils que le métier lui propose, il sait qu’il perpétue une des missions les plus nobles de son institution : sauvegarder et transmettre un patrimoine à la fois professionnel, historique et culturel. Contrairement à une idée reçue, le compagnon n’est donc pas seulement l’opératif si souvent décrit dans des portraits réducteurs et superficiels. Il est aussi un spéculatif ; car, mieux que quiconque, il sait que la main et l’esprit sont indissociables.

3espaces savantscirculationvoyage acteurs de savoirsexe et genremasculin espaces savantslieuatelier pratiques savantespratique manuellegeste acteurs de savoirprofessionartisan construction des savoirséducationapprentissageDès son origine, le compagnonnage2 offre à des jeunes hommes3 de métier une forme d’apprentissage puis une méthode de perfectionnement professionnel où le voyage tient une place essentielle. Menuisier, ébéniste, charpentier, couvreur, tailleur de pierre, plombier, électricien, forgeron, maçon, maréchal-ferrant, métallier, serrurier, peintre, plâtrier stucateur, sellier, tonnelier, carrossier, chaudronnier, cordonnier-bottier, maroquinier, tapissier, boulanger, pâtissier, cuisinier, etc., constituent encore aujourd’hui les principaux corps d’état concernés par cette institution séculaire qui, depuis le Moyen Âge, voit dans le voyage un cadre privilégié pour la transmission des gestes du métier. Le réseau des sièges compagnonniques dans les principales villes jalonnant le tour de France 4 permet ainsi aux jeunes itinérants de découvrir progressivement, étape après étape, les difficultés techniques d’un métier et la diversité des outils nécessaires à sa bonne pratique. Ville après ville, le jeune homme est confronté à des situations et à des chantiers divers ; il est confié à différents formateurs qui, au fil du temps, vont enrichir son expérience. À chaque halte, le jeune adopté5, après avoir été accueilli par les compagnons, est placé auprès d’une entreprise. La journée de travail terminée, il regagne le siège compagnonnique pour y suivre un enseignement complémentaire. Cette alternance entreprise/siège constitue donc une des spécificités majeures du tour de France des compagnons. Mais cette dernière n’est pas exclusive ; car, au sein même du siège, outre les réunions et regroupements plus ou moins officiels, les moments du repas forment un autre espace de dialogue, d’écoute et d’enseignement cher au compagnonnage. Le terme même de compagnon fait allusion à ce partage du pain (cum/panis), un pain à la fois matériel et symbolique. En se retrouvant chaque jour autour de la même table, les hommes de métier partagent leur repas, mais aussi et surtout débattent de leur profession, des difficultés rencontrées ou à venir, de la vie quotidienne au travail : ainsi se forge progressivement une fraternité de métier6.

4Dans cette formation professionnelle originale, les outils occupent une place très particulière. Véritable interface entre la pensée et sa mise en œuvre, ils revêtent une importance que les compagnons ont toujours voulu et su mettre en valeur.

Une expression de la pensée

5pratiques savantespratique manuellemanipulation matérialité des savoirsinstrumentDès les premiers mois passés au sein d’un compagnonnage, le jeune homme est invité à porter un regard particulier sur les outils de son métier. Après une première rencontre avec les outils nécessaires à l’exercice de sa profession, il est appelé à les manipuler et à se les approprier. Bien évidemment, cet apprentissage se déploie dans le temps et il est rythmé par la diversité et la complexité croissante des ouvrages à réaliser. En ce sens, il y a bien une hiérarchie des outils, du plus banal au plus spécialisé. Le jeune se familiarise d’abord avec les outils basiques et génériques du métier, avant d’en découvrir d’autres, beaucoup moins connus, réservés à des tâches plus délicates et donc aux hommes de métier plus avertis et expérimentés que sont les compagnons. Dans la littérature ouvrière du xix e siècle, de nombreux mémoires de compagnons7 font état du sentiment de frustration des jeunes apprentis lorsque, durant les premiers mois de leur apprentissage, seuls les outils les plus modestes et les tâches les plus ingrates de la profession leur sont confiés. Frustration vécue par les jeunes, progression proposée par les anciens : cette double perception participe d’un processus initiatique solidement ancré dans les pratiques compagnonniques.

6typologie des savoirsobjets d’étudematièreUn des premiers messages adressés au jeune est que l’outil ne doit pas être considéré comme un simple objet. Par la parole et par le geste (autre signe distinctif de l’enseignement compagnonnique), l’ancien explique que chaque outil doit être vu comme un moyen d’expression mis au service de celui qui est appelé à l’utiliser. Au sein de l’entreprise ou dans une salle de cours du siège, le jeune n’est jamais seul. C’est grâce aux outils qui lui sont confiés que l’homme de métier peut traduire sa pensée dans la matière. Par eux et avec eux, l’ouvrier imprime au bois, à la pierre ou au métal sa volonté, ses plans, ses désirs, son dessein ou celui de l’employeur pour lequel il travaille. Dans l’Encyclopédie des métiers 8 réalisée sous les auspices des compagnons du devoir, il est rappelé que « les outils sont le trait d’union entre la représentation mentale de l’ouvrage et sa réalisation ».

7pratiques savantespratique manuellesavoir-faire pratiques savantespratique manuellegesteDans leurs discours comme dans leur travail, les compagnons insistent volontiers sur la forme de certains outils qui invite clairement à une bonne prise en main et annonce sans ambiguïté le travail qu’il permet d’accomplir. Cette rencontre entre l’outil et son utilisateur se transforme progressivement en une relation encore plus intime : « Tous les outils nécessitent un geste précis qu’il faut apprendre. Ce geste que lui transmet l’utilisateur, sans lequel l’outil n’est rien, est le plus que le profane ne voit parfois pas et qui fait tout : un angle, une direction, une douceur, un rien9… »

8Le terme de profane revêt ici une importance capitale : l’outil – ou du moins la façon de l’appréhender – est en effet l’élément susceptible de distinguer deux mondes. D’un côté, le monde profane où l’outil n’est qu’un objet parmi tant d’autres, où l’ouvrier exécute une tâche (le fameux tâcheron) sans véritablement la penser, utilisant les outils mis à sa disposition par son employeur, sans chercher à en maîtriser toutes les subtilités. De l’autre, le monde des ouvriers initiés – les compagnons – qui pensent leur ouvrage avant de l’exécuter et qui, contrairement au tâcheron, accordent à leurs outils une dimension, une valeur et un regard particuliers.

9matérialité des savoirsinstrumentinstrument de fabricationLoin d’être un objet anonyme, l’outil est investi de significations, car il est intimement lié à l’individu qui le sollicite. Son maniement trahit toujours le niveau de compétence de son utilisateur : tout geste d’homme de métier contient et exprime une expérience, un savoir-faire, un talent. Dans son Hymne à l’outil, le compagnon menuisier Henri Lorenzi exprime très bien cette relation entre la pensée, la main et l’outil :

Lithographie de Jacques Thomas.
Figure 1. Lithographie de Jacques Thomas.
construction des savoirsvalidationchef-d’œuvreOutil tu es le symbole de nos corps maladroits
Qui peuvent tout détruire, ou faire des exploits
Suivant ce que décide l’esprit qui te maîtrise
L’œuvre devient chef-d’œuvre et l’homme créateur10 !

10Le plus simple et le plus banal des outils est déjà porteur de sens : « Quand la scie pénètre dans le bois qu’elle sépare en deux, quand la varlope transforme en longs copeaux la surface du bois, qu’elle la laisse lisse et bien dressée, la connaissance, l’habileté, l’expérience se manifestent, se concrétisent, deviennent visibles et par conséquent peuvent être perçues et reçues11. » C’est donc grâce au geste que l’outil le plus rudimentaire prend toute sa dimension. « Le métier naît ainsi de la rencontre réussie entre un outil et son utilisateur, tous deux devant être de qualité, chacun n’ayant que peu de valeur et de sens sans l’autre12. » Ici réside donc le premier grand principe de la formation compagnonnique : l’homme de métier doit dialoguer symboliquement avec ses outils. De la qualité de ce dialogue dépendra celle de l’ouvrage à accomplir. Le philosophe Gilbert Simondon reprend à son compte cette idée de dialogue indispensable à la qualité de l’œuvre : « Entre l’homme et la matière, outil et instrument véhiculent de lui à elle et réciproquement soit une volonté soit une information13. » Simondon propose même une définition de l’outil qui s’inscrit dans cette perspective : « L’outil est l’objet technique qui permet de prolonger et d’armer le corps pour accomplir un geste14. » Un des éminents spécialistes de l’outil et grand ami des compagnons, Paul Feller (1913-1979), jésuite et principal initiateur de la maison de l’outil et de la pensée ouvrière de Troyes 15, a approfondi cette idée de dialogue allant même symboliquement jusqu’à faire parler l’outil lui-même : « L’outil nous interpelle mais écoutons-le bien ; ne disons pas trop vite devant un outil : “À quoi ça sert ?” Lui, pourrait nous répondre, “À qui je sers ?”16. »

Un outil ne se prête pas, il s’offre

11pratiques savantespratique corporelleposition du corps matérialité des savoirsinstrumentinstrument de fabricationmarteauUne visite à la maison de l’outil et de la pensée ouvrière de Troyes permet de mieux apprécier la relation privilégiée entre l’ouvrier et ses outils. Prenons par exemple les superbes collections de marteaux anciens. À leur vue, on devine aisément le travail du temps : les manches se polissent, se façonnent, se modèlent, se courbent progressivement au contact de la main qui, elle, durcira et se formera au contact du bois. Les doigts, serrés autour du manche, douloureux dans les premiers temps d’apprentissage, s’assoupliront avec l’usage répété du marteau en question. C’est cette complicité qui fait dire à l’homme de métier qu’il a ses outils « bien en main », condition indispensable au dialogue évoqué quelques lignes plus haut. De même, l’historien de l’art Henri Focillon (1881-1943) souligne que « neuf, l’outil n’est pas fait, il faut que s’établisse entre lui et les doigts qui le tiennent cet accord né d’une possession progressive de gestes légers et combinés, d’habitudes mutuelles et même d’une certaine usure17 ». On comprend mieux dès lors l’hésitation des hommes de métier à prêter leurs outils à des mains « étrangères », car l’emprunteur n’aura jamais la même manière de les saisir et de les utiliser. Aucune complicité, aucun dialogue, aucune histoire n’existent entre l’homme et un nouvel outil. De même l’homme de métier averti hésitera-t-il à solliciter les outils d’un autre, sachant mieux que quiconque que la qualité du travail ne sera pas à son maximum.

12construction des savoirstraditiontransmissionDans plusieurs images d’Épinal du xix e siècle, le compagnon parcourant son tour de France est toujours représenté avec un balluchon attaché à sa canne. À l’intérieur de cette malle à quatre nœuds18, il ne transporte pas, contrairement à une idée reçue, quelques habits ou de la nourriture ; il a placé, soigneusement protégés, ses outils, car il est hors de question d’en adopter de nouveaux à chaque étape. À une époque où les métiers se transmettent de génération en génération, les outils passent aussi de père en fils. Il s’agit alors d’un don symbolique exprimant avec beaucoup d’émotion et d’affection tout le sens de la transmission. L’éloignement géographique ou la mort peuvent séparer le père du fils, mais les outils perpétuent le souvenir du père. Mieux, ils font revivre le père disparu à chaque fois qu’ils entrent en action. L’ouvrier s’inscrit alors dans une chaîne qui défie le temps, l’espace et la mort.

13L’outil offert n’est jamais choisi au hasard. Le maître donne à son disciple un outil qui « parlera », qui éveillera à chaque utilisation ou à chaque regard la mémoire et la conscience des valeurs essentielles. Parmi les présents usuels se trouvent le rabot, les ciseaux, la gouge, le marteau, en somme des outils peu encombrants pour le voyage qui reste à accomplir. Mais ils sont investis d’une valeur qui dépasse le cadre étroit de la pratique du métier.

De l’équerre et du compas

14acteurs de savoircommunauté matérialité des savoirsinstrumentinstrument de mesureéquerre matérialité des savoirsinstrumentinstrument de mesurecompas matérialité des savoirsinstrumentinstrument de mesureBien avant que la franc-maçonnerie ne les adopte au xviii e siècle, le compagnonnage fit de ces deux outils des symboles identitaires. Les traces les plus anciennes de cette pratique remontent au xv e siècle, époque où quelques miniatures représentent des hommes de métier organisés en confréries et regroupés autour de l’équerre et du compas, emblèmes de l’art de bâtir19.


              , Pierre d’Aubusson supervisant les réparations des
            fortifications de Rhodes. L’équerre et le compas sont placés au
            premier plan, au pied de la confrérie des charpentiers et
            tailleurs de pierre.
Figure 2. Histoire du siège de Rhodes, Pierre d’Aubusson supervisant les réparations des fortifications de Rhodes. L’équerre et le compas sont placés au premier plan, au pied de la confrérie des charpentiers et tailleurs de pierre.

15construction des savoirsépistémologiehypothèse pratiques savantespratique intellectuellecalcul acteurs de savoirstatutmaîtreOutil du maître d’œuvre, le compas est associé à la pensée : l’homme de métier doit d’abord calculer, réfléchir avant d’agir, tracer avant d’exécuter. Le compas rappelle ainsi une impérieuse nécessité pour l’artisan : penser, intellectualiser le futur ouvrage ; envisager plusieurs hypothèses avant de retenir la plus pertinente. Pour cela, il faut tracer une ébauche, une épure, un trait20 à l’aide notamment du compas.

16matérialité des savoirsinstrumentinstrument de mesureL’équerre est fondamentalement un outil de mesure et, surtout, de contrôle. Poser l’équerre sur un bloc de pierre déjà travaillé suffit à vérifier la rectitude de la taille. La moindre erreur saute immédiatement aux yeux. À elle seule l’équerre ne permet pas de débuter un travail, mais elle permet de vérifier si le résultat est conforme aux attentes et aux exigences de l’homme de métier. Ces outils se situent donc aux deux extrêmes de tout ouvrage : en amont, au moment de la conceptualisation, se trouve le compas. En aval, au moment du contrôle et de la vérification, on manie l’équerre. Mais le symbolisme ne s’arrête certainement pas là. Le compas, associé au cercle, est aussi le symbole de la création et de l’esprit ; l’équerre associée au carré devient le symbole de la matière. Esprit et matière, intellect et main confondus, tel est le message premier du compagnonnage : l’homme de métier se doit d’être un homme complet. L’outil dans la main permet ainsi de traduire dans la matière ce que l’esprit a pensé. Dans le compagnonnage intellectuel et manuel ne font qu’un.

La canne des compagnons

17pratiques savantespratique intellectuellemémorisation typologie des savoirsdisciplinessciences formelles et expérimentalesmathématiques matérialité des savoirssupportsupport d'inscriptionbâtonLa canne fut, des siècles durant, un des instruments de mesure sur les chantiers. Certains compagnons l’ont un temps considérée et présentée comme une sorte d’outil mathématique. Il suffisait parfois au compagnon de l’utiliser pour effectuer et mémoriser différents relevés approximatifs sur site avant de les traduire puis de les préciser sur un plan dans son atelier. Mais, au-delà de cette fonctionnalité première, la canne rappelle aussi et surtout l’itinérance du compagnon au cours de sa formation. Elle a quitté définitivement le statut d’outil occasionnel pour devenir un des symboles majeurs du compagnonnage. Si aujourd’hui le tour de France ne s’effectue plus à pied, la canne garde, intacte, toute sa dimension symbolique. Remise au compagnon le jour de sa réception, elle évoque le voyage, le devoir de se mettre en marche (fût-ce symboliquement) pour enrichir et remettre en cause ses connaissances. Toujours portée lors des réunions, défilés et fêtes patronales, la canne met en valeur l’essence même du compagnonnage : la nécessité de voyager et de rester humble afin de se perfectionner et d’enrichir ses connaissances.

18La canne compagnonnique est composée de trois parties : un bout ferré, un jonc et un pommeau au centre duquel est fixée une pastille en métal ou en ivoire. Sur cette dernière sont gravés le nom du compagnon, la ville et l’année de sa réception, son métier et son rite21. L’équerre et le compas entrecroisés sont placés au centre de la pastille. Pour désigner le métier du compagnon, un troisième outil, caractéristique, est placé entre les deux premiers qui sont emblématiques de l’institution et non de la profession. On trouve ainsi une raclette pour les boulangers, une truelle pour les maçons, une bisaiguë pour les charpentiers, un boutoir pour les maréchaux, etc. Un cordon terminé par deux glands, dont la couleur varie selon les métiers et les rites, parcourt le jonc de la canne pour se terminer au niveau du bout ferré.

19D’instrument, la canne est devenue l’un des symboles majeurs du compagnonnage, invitant l’homme de métier à ne jamais oublier sa vocation première : voyager pour progresser.

De l’outil fonctionnel à l’outil symbolique

20acteurs de savoirémotion construction des savoirséducationinitiationDans le compagnonnage, chaque outil ou instrument se prête ainsi à une réflexion qui dépasse le cadre étroit de la pratique du métier. Au fil du tour de France et même après ce dernier, le regard porté sur l’outil ne cesse d’évoluer. Une réelle complicité s’est établie entre l’homme de métier et l’objet qu’il sollicite en fonction du degré de difficulté de l’œuvre à réaliser. Cette complicité se transforme progressivement en un dialogue de plus en plus subtil et complexe où se confondent des appréciations et des sentiments multiples. En sollicitant l’intellect du compagnon comme en faisant appel à ses émotions, l’outil-symbole se veut un repère supplémentaire sur le long chemin d’une initiation qui ne s’adresse pas uniquement à l’homme de métier, mais à l’homme tout simplement, considéré dans la globalité de ses potentiels professionnels et intellectuels.

Notes
1.

Icher, 1999.

2.

Le paysage compagnonnique français est aujourd’hui constitué de trois mouvements distincts : l’Association ouvrière des compagnons du devoir du tour de France ; la Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment ; l’Union compagnonnique des compagnons du tour de France des devoirs unis.

3.

Depuis 2004, l’Association ouvrière des compagnons du devoir du tour de France accepte les femmes en son sein ; c’est à ce jour le seul des trois compagnonnages à leur proposer le titre de compagnon.

4.

Les compagnonnages actuels proposent désormais un voyage professionnel qui dépasse le cadre étroit des frontières de la France. Ainsi de nombreux jeunes aspirants ou compagnons se voient-ils offrir la possibilité d’une formation en Allemagne, Belgique, Luxembourg, Suisse, dans les pays scandinaves mais aussi aux États-Unis, au Canada, au Japon, en Australie, etc.

5.

Après plusieurs mois passés dans le siège compagnonnique, le jeune est invité à s’engager officiellement dans le compagnonnage au cours d’une cérémonie dite d’adoption. Il reçoit alors le titre d’aspirant qui lui ouvre les portes du tour de France. Dans d’autres sociétés compagnonniques (comme les menuisiers et serruriers du devoir de liberté), le terme d’affilié est préféré à celui d’aspirant.

6.

Les repas ne sont qu’un élément parmi d’autres. À l’époque où le tour de France s’effectuait en grande partie à pied (jamais dans sa totalité), la route était le prétexte à de longues discussions qui consolidaient le sentiment d’appartenance à une communauté fraternelle.

7.

Perdiguier, 1854.

8.

Depuis trente ans, les compagnons du devoir ont entrepris de rassembler les savoirs et savoir-faire accumulés depuis des générations. Conçus autour de la rencontre de compagnons du devoir, d’architectes, d’ingénieurs et d’historiens, ces volumes témoignent de la culture des métiers. La collection comprend les ouvrages suivants : La carrosserie, La charpente et la construction en bois, L’art du couvreur, Les verrières, La plâtrerie, le staff et le stuc, La maçonnerie et la taille de pierre, La menuiserie. Pour tout renseignement concernant l’Encyclopédie des métiers : 82, rue de l’Hôtel-de-Ville, 75004 Paris. Tél. : 01 44 78 22 50.

9.

Encyclopédie des métiers, La menuiserie.

10.

Chansonnier des compagnons du devoir, 1986.

11.

Encyclopédie des métiers, La menuiserie.

12.

Ibid.

13.

Simondon, 1958.

14.

Ibid.

15.

Maison de l’outil et de la pensée ouvrière, 10 rue de la Trinité, 10 000 Troyes.

16.

Feller et Touret, 1987.

17.

Forcillon, 1934.

18.

La malle à quatre nœuds fut longtemps utilisée par les ouvriers itinérants, et surtout par les compagnons, qui se déplacent de chantier en chantier. Faite d’un carré en toile souple et solide, aux quatre coins noués ensemble, elle était enfilée sur un bâton ou une canne, ou bien portée en bandoulière attachée à une lanière de cuir.

19.

On citera surtout le célèbre « siège de Rhodes », Paris, BnF, Ms. Lat. 6067, document découvert en 1947 par Roger Lecotté et considéré à ce jour comme la plus ancienne image représentant des compagnons en assemblée.

20.

Pour les compagnons, le trait désigne l’opération qui consiste à dessiner, à grandeur d’exécution ou à échelle réduite, sur du papier ou à même le sol, les projections horizontales et verticales, les sections et rabattements des diverses parties d’une construction de telle sorte que l’appareilleur puisse découper les panneaux d’appareil, le gâcheur faire tailler les pièces de bois qui constituent une œuvre de charpenterie etc. Les compagnons aiment à comparer le trait à « une sorte de géométrie descriptive qui ne nécessite pas pour autant l’aide de formules abstraites ».

21.

Depuis son origine, le compagnonnage est pluriel et divisé en sociétés, qui se distinguent en fonction des métiers acceptés mais aussi et surtout du rite pratiqué. Trois rites composent le patrimoine compagnonnique ; ils sont associés à des légendes qui prennent source lors de la construction du temple de Jérusalem. À côté du rite de Salomon (protecteur du devoir de liberté), deux autres rites composent le compagnonnage du devoir autour des personnages allégoriques que sont maître Jacques et le père Soubise.

Appendix A Bibliographie

Sources
  1. Chansonnier des compagnons du devoir, 1986 et 1996, Paris.
  2. Diderot et d’Alembert, 1751-1780 : Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une société de gens de lettres, mis en ordre et publié par M. Diderot […] et pour la partie mathématique par M. d’Alembert […], 35 volumes, Paris.
  3. Encyclopédie des métiers, 2006, La menuiserie, vol. 2, Paris.
  4. Feller et Touret, 1987 : Paul Feller et Fernand Touret, L’Outil, dialogue de la main avec la matière, Bruxelles.
  5. Focillon, 1934 : Henri Focillon, Vie des formes, éloge de la main, Paris.
  6. Icher, 1999 : François Icher, Les Compagnonnages en France, histoire, mémoire et représentations, Paris.
  7. Icher, 2000 : Fr. Icher, Le Compagnonnage, Petit dictionnaire, Paris.
  8. Perdiguier, 1854 : Agricol Perdiguier, Mémoires d’un compagnon, Genève.
  9. Roubo, 1769 : André Jacob Roubo, L’Art du menuisier, Paris.
  10. Simondon, 1958 : Gilbert Simondon, Du mode d’existence des objets techniques, Paris.
Autres références
  1. Icher, 1989 : François Icher, Les Compagnons ou l’amour de la belle ouvrage, Paris.
  2. Icher, 2006 : Fr. Icher, La Sagesse des artisans, Paris.