François Icher

1pratiques savantespratique manuelle acteurs de savoircommunauté construction des savoirstraditionhéritage construction des savoirstraditionpatrimoine immatérielDans le monde des arts, des sciences et des métiers, la notion de chef-d’œuvre est à manier avec prudence. On ne peut l’employer aujourd’hui sans une réflexion critique, sans une conscience affirmée de ce que cette expression implique d’histoire et de mémoire tant elle relève de critères propres à un espace et à un temps précis, tout en étant étroitement liée à une communauté de personnes réunies autour d’une pratique où, comme le proclamait déjà dans l’Antiquité le philosophe grec Anaxagore, la main est souvent considérée comme le prolongement de l’esprit1.

2construction des savoirsvalidationchef-d’œuvre acteurs de savoirprofessionouvrier acteurs de savoirprofessioncompagnon du devoirLorsque la notion de chef-d’œuvre se resserre pour s’appliquer à l’univers du compagnonnage, institution ouvrière par excellence, il est important de s’interroger sur les objectifs d’une telle pratique au sein d’un groupe social particulier dans la mesure où elle renvoie souvent au sentiment que la perfection a été atteinte et que la reconnaissance du travail accompli a été méritée. Cependant, le chef-d’œuvre du compagnon relève d’un processus beaucoup plus complexe où la seule grille de lecture professionnelle ne suffit pas. Dès lors, on s’intéressera moins à l’œuvre, au produit fini, qu’à la démarche et aux conditions qui ont accompagné son élaboration. On prendra soin également de porter le regard sur l’après-chef-d’œuvre car, loin d’être une fin en soi, ce travail très particulier est à considérer comme une étape dans la longue formation professionnelle et humaine du jeune homme de métier appelé à devenir compagnon.

Une coutume empruntée au modèle corporatif

3acteurs de savoirprofessionapprenti acteurs de savoirstatutmaître acteurs de savoirprofessioncompagnon du devoir typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialeshistoirehistoire des techniquesLe terme de « chef-d’œuvre » prend sa source dans l’univers des corporations de l’Ancien Régime. Rappelons, en premier lieu, que les métiers médiévaux étaient organisées en France selon une hiérarchie et un triptyque connus de tous : apprenti, conpagnon et maître2.


              , fin 
               siècle, gravure colorée, Paris, musée
            Carnavalet.
Figure 1. Un atelier de menuiserie à Paris, fin xviii e siècle, gravure colorée, Paris, musée Carnavalet.

4construction des savoirséducationformation construction des savoirséducationinitiation construction des savoirspolitique des savoirsgestionprofessionnalisationemploi espaces savantslieuboutiqueAu temps des corporations, le titre de maître désigne le propriétaire d’une boutique ou d’un atelier, celui qui, d’abord et surtout, maîtrise les tours de main et les techniques de son métier. Pour le seconder dans son travail, il se fait assister, en règle générale, par deux à quatre compagnons capables d’exécuter ses ordres et de fabriquer sans son aide. En échange de leur savoir-faire, ces derniers reçoivent des gages (ancêtre du mot « salaire ») ; d’où les verbes engager et dégager longtemps utilisés dans le monde du travail. Il est à noter, et l’information est essentielle, que le compagnon de la corporation ne peut quitter à sa guise son maître, qui seul détient le pouvoir de dégager son compagnon. Ce dernier, en effet, ne peut changer d’atelier qu’avec l’accord formel de son maître. En cas de non-respect de cette obligation, il s’expose à un signalement qui, en théorie, a pour but de rendre assez difficile sinon impossible toute nouvelle embauche. On trouve enfin, au bas de l’échelle des métiers, l’apprenti qui, comme son nom l’indique, est là pour découvrir, apprendre et approfondir les secrets d’un métier qu’il compte pratiquer dans le futur. En règle générale, chaque maître est autorisé à accueillir et à former de un à deux apprentis moyennant une compensation financière versée par la famille du jeune homme qui doit impérativement avoir douze ans pour être placé en apprentissage. Un contrat établi entre le maître et la famille du jeune garçon fixe la durée de l’apprentissage et la somme à verser au maître, car ce dernier, outre la transmission de son savoir, doit fournir à son protégé le gîte et le couvert3. Nous retrouvons ainsi la vieille coutume romaine du « don contre don » : savoir contre argent.

5construction des savoirsvalidationchef-d’œuvre construction des savoirsvalidationlégitimationSi, dans les premiers temps, l’accès à la maîtrise semble relever de l’esprit d’initiative lié à un petit capital immobilier et financier disponible, les statuts de la corporation imposent très vite, dès les premières décennies du xiv e siècle, l’obligation de présenter un chef-d’œuvre pour tout compagnon désireux de devenir maître à son tour. Ce titre de maître devient désormais nécessaire pour celui qui souhaite posséder un atelier ou une boutique, accueillir des apprentis en formation et engager quelques compagnons pour fabriquer puis vendre des produits en ville.

6acteurs de savoirstatutmaître construction des savoirséducationévaluation pédagogiqueexamenPour s’établir à son compte, il faut donc posséder un local et un minimum d’argent pour acheter les matériaux, les fournitures et les outils nécessaires au travail. Mais il faut aussi prouver aux yeux des autres maîtres de la ville la bonne connaissance de son art. La réalisation d’un chef-d’œuvre est donc, dans l’univers corporatif, essentiellement une épreuve de sélection fondée sur un ensemble contraignant de règles prédéterminées par les maîtres eux-mêmes, soucieux de valider un système qu’ils souhaitent installer durablement dans le temps.

7construction des savoirspolitique des savoirsreproduction sociale pratiques savantespratique rituellecérémonie construction des savoirséconomie des savoirsmonopole espaces savantsterritoireville construction des savoirstraditiongénéalogie construction des savoirstraditiontransfertL’exigence d’un chef-d’œuvre jugé par les seuls maîtres de la ville associée à la mise en place d’un barrage financier (cérémonies de réception coûteuses, droits d’entrée élevés, redevances régulières, etc.) permet à ces mêmes maîtres de recruter très rapidement leurs successeurs au sein de leurs propres familles. Le sentiment fraternel qui semblait animer les premières confréries et groupements de métier disparaît très vite. En effet, à la fin du xiv e siècle, le titre de maître, obligatoire pour s’installer à son compte, est de plus en plus réservé aux propres fils des maîtres ou, à défaut, à leurs gendres. Il faut voir, dans cette démarche, le souci de certaines familles urbaines d’asseoir solidement et définitivement leur emprise sur le monde des métiers : c’est le début d’un monopole qui est très vite perçu et vécu comme une injustice profonde par nombre de compagnons dès lors privés d’un espoir de promotion professionnelle et sociale.

8espaces savantscirculationmobilité espaces savantscirculationvoyage construction des savoirstraditionpatrimoine immatérielHistoriquement, le Tour de France des compagnons naît à cette époque pour répondre à deux frustrations majeures : d’une part, le fait de dépendre toujours du même maître, donc de ne disposer que d’un seul savoir forcément partiel et, d’autre part, la difficulté, de plus en plus évidente, d’accéder à la maîtrise du fait de maîtres jaloux de leurs prérogatives. Ces derniers n’entendent, désormais, confier leur patrimoine qu’à leurs héritiers directs, refusant ainsi à la majorité des compagnons l’accès à une promotion professionnelle et sociale qu’ils méritaient et revendiquaient à juste titre. Les premiers compagnonnages, connus sous le nom de « devoirs », vont donc regrouper quelques compagnons courageux et motivés qui décident de quitter l’univers des corporations pour organiser, dans la clandestinité, un réseau de haltes et d’étapes forgé autour d’un sentiment de fraternité ouvrière4 : le fameux Tour de France.

9De cette époque date une confusion encore très présente aujourd’hui. Le compagnon de la corporation est trop souvent assimilé au compagnon du Tour de France, alors que tout les oppose. La liberté de voyager est la grande différence qui permet de les distinguer. La présentation d’un chef-d’œuvre est le point commun qui perpétue la confusion.

Un chef-d’œuvre de réception et non de sélection

10construction des savoirsvalidationchef-d’œuvreEn reprenant la pratique du chef-d’œuvre à leur compte, les premiers compagnonnages évacuent cependant du modèle corporatif la forte dimension sélective fondée sur l’hérédité. Ainsi, pour bien se démarquer de leur adversaire identitaire, les premières sociétés compagnonniques naissantes prennent-elles bien soin de considérer désormais la pratique du chef-d’œuvre comme une épreuve de réception et non plus de sélection ; la différence est fondamentale.

11acteurs de savoircommunauté acteurs de savoirmodes d'interactioncollaboration acteurs de savoirmodes d'interactionamitiéPour les premières associations compagnonniques, le chef-d’œuvre du compagnon permet d’abord de recevoir tout ouvrier « capable5« de travailler correctement. Fini le temps où la présentation du chef-d’œuvre servait à éliminer tous ceux qui n’appartenaient pas au cercle restreint des familles des maîtres. D’une épreuve de fermeture et d’exclusion en vigueur dans le système corporatif, le chef-d’œuvre se transforme aux yeux des compagnons en une épreuve d’ouverture et d’accueil au sein d’une famille qui s’honore d’afficher des valeurs de justice et de fraternité. Le travail demandé pour obtenir le titre de compagnon est considéré comme une invitation à poursuivre une formidable aventure qui a pour nom « le Tour de France ».

12espaces savantscirculationvoyage espaces savantscirculationmobilitéMais la place et le sens du chef-d’œuvre compagnonnique varient selon l’histoire du compagnonnage lui-même. Il est dangereux d’appliquer au chef-d’œuvre du compagnon une immuable grille de lecture alors que le compagnonnage lui-même évolue au sein d’un monde du travail lui aussi en mouvement. À cet effet, si nous prenons l’échelle du chef-d’œuvre, il convient de distinguer trois grandes périodes dans la longue histoire compagnonnale. La première, la plus longue, s’étend de la fin du Moyen Âge jusqu’aux dernières décennies du xviii e siècle, juste avant la révolution industrielle qui va placer le compagnonnage dans un état de grave crise identitaire face à un monde du travail en pleine mutation. Pendant près de cinq siècles, le compagnonnage s’affirme sans conteste comme la seule réponse proposée aux jeunes gens souhaitant s’affranchir du modèle officiel proposé par les pouvoirs publics. La vocation principale du chef-d’œuvre consiste alors à vérifier si le jeune ouvrier peut gagner son pain6 par la pratique de son métier tout au long d’un grand voyage à travers le royaume et les villes de France. Pas de difficulté exceptionnelle, aucune recherche d’excellence, juste une preuve que le candidat au voyage a correctement assimilé les fondamentaux du métier lui permettant de poursuivre son aventure professionnelle au sein d’un devoir où les mots « mobilité » et « solidarité » constituent les deux premiers piliers d’une institution qui commence à exercer un attrait certain dans les principales villes du royaume.

13acteurs de savoirqualités personnellesdévouementEn abolissant les corporations, la Révolution française confirme un mouvement déjà amorcé par Turgot 7, même si l’atelier artisanal reste le cadre légal et réel du monde du travail pour une grande majorité d’ouvriers sédentaires encore appelés « compagnons » – la mémoire des corporations n’ayant pas disparu avec leur abolition définitive. Certes, le peu d’archives de cette période n’autorise pas une analyse approfondie des travaux demandés aux candidats au compagnonnage, mais nous pouvons toutefois affirmer sans crainte de contresens que, face à un nombre croissant de demandes, le chef-d’œuvre d’alors permet d’accueillir les plus méritants, les plus motivés, les plus courageux, ceux qui sont « capables de » gagner leur vie par la pratique de leur art tout en voyageant à travers la France. Loin d’être une épreuve insurmontable, le chef-d’œuvre de réception a donc pour principale vocation de vérifier le savoir du candidat sans toutefois le juger à l’aune de l’excellence.

14construction des savoirséconomie des savoirsindustrie construction des savoirstraditiondiscontinuité espaces savantscirculationréseauréseau de transportréseau ferréLa deuxième grande période historique s’étend jusqu’aux premières décennies du xx e siècle. Le compagnonnage traverse alors une crise majeure qui faillit aboutir à sa disparition définitive8. Déstabilisé par le machinisme et le progrès industriel, relégué dans la marginalisation par les syndicats ouvriers naissants9, il cherche avec grande difficulté à renouer avec une jeunesse qui ne voit désormais en lui qu’un dernier conservatoire des gestes et des traditions d’antan. Mais, avec les progrès des chemins de fer et la multiplication des usines, le Tour de France à pied ne fait plus rêver depuis longtemps, et la présentation d’un chef-d’œuvre est de plus en plus perçue comme une coutume obsolète10.

15acteurs de savoircommunautéassociation construction des savoirstraditionévolution construction des savoirstraditionhéritage acteurs de savoirqualités personnellescompétenceLa troisième période débute avec la recomposition compagnonnique amorcée dans les années 1940 11. Avec elle, on assiste à un renouveau, une lente mais régulière régénération de l’institution compagnonnique, ponctuée de périodes de doute mais fondée sur un effort d’ouverture et de remise en question de la part des principaux dirigeants qui se sont succédé à la tête des trois mouvements qui composent l’actuel paysage compagnonnique français12. L’image d’excellence toujours associée au compagnonnage, sa formation de qualité et les débouchés assurés, après un Tour de France accompli, assurent au compagnonnage contemporain une perception très positive de la part d’une opinion publique sensible à une école des métiers particulièrement performante. Dans une société qui évolue très rapidement, dans un monde du travail recomposé par la révolution informatique, le compagnonnage est redevenu une valeur sûre dans l’univers des métiers manuels. Mais, aujourd’hui comme hier, le chef-d’œuvre reste incontournable pour l’obtention du titre de compagnon.

Une épreuve plus qu’une preuve

16pratiques savantespratique rituellerite de passage pratique rituellerite de passage construction des savoirséducationévaluation pédagogiqueTous les historiens du compagnonnage s’accordent pour souligner que l’entrée dans l’institution, quelle que soit l’époque concernée, n’est possible qu’après l’acceptation d’un « travail de réception ».

17Cette exigence du travail de réception, qui renvoie aux tout débuts de l’institution, peut fournir une explication essentielle quant à la mise au point du mode de fonctionnement compagnonnique. Loin d’être la simple copie d’une pratique déjà en vigueur dans le monde des corporations, cette obligation, hissée rapidement au rang de coutume, se révèle être une réponse à des exigences spécifiques nées avec la création des premiers mouvements compagnonniques. Ainsi, il nous semble capital d’examiner l’impact réel du travail de réception sur la décision d’admission d’un nouveau membre : l’analyse de cette problématique met en évidence la spécificité du compagnonnage, mais aussi les différences de fonctionnement et d’organisation entre les univers corporatif et compagnonnique.

18pratiques savantespratique intellectuellecomparaison espaces savantscirculationexploration acteurs de savoirqualités personnelleshumilité acteurs de savoirqualités personnellestravailleur acteurs de savoirqualités personnellespatience acteurs de savoirqualités personnellespersévéranceLe chef-d’œuvre proposé par les compagnons se situe dans un contexte fonctionnel et symbolique nettement différent du chef-d’œuvre exigé par les corporations. La comparaison entre les pratiques corporative et compagnonnique permet de donner une précision importante : le chef-d’œuvre, longtemps considéré symboliquement par les corporations comme un lieu de vouloir et de pouvoir, cède progressivement le pas au chef-d’œuvre conçu par les compagnons comme un lieu de savoir, susceptible de mettre en lumière non pas les capacités finales d’un homme de métier, mais bien les vertus potentielles d’un homme en construction, conscient de l’immense marge de progression qu’il lui reste à accomplir. Apparaît alors toute une série d’indicateurs longtemps sous-estimés ou même souvent ignorés par l’ancien système corporatif : la motivation, la relation à l’effort, le comportement face à l’adversité, les qualités morales, les vertus d’un jeune homme qui, en découvrant les difficultés du métier, se découvre lui-même.

19construction des savoirséducationapprentissage acteurs de savoirstatutdébutantContrairement à une idée reçue, la réalisation du chef-d’œuvre de réception intervenait autrefois assez tôt. À peine sorti de l’apprentissage, le jeune garçon, devenu aspirant ou affilié13, était invité à présenter un travail de réception dès la deuxième ville de son Tour de France ou parfois même dès la première. Ainsi, le chef-d’œuvre, loin de symboliser la fin du Tour de France, en marquait surtout le début.

20Des siècles durant, ce positionnement du chef-d’œuvre en amont du cursus de compagnon a prévalu dans toutes les sociétés compagnonniques du devoir, du devoir de liberté puis de la jeune Union compagnonnique, fondée en 1889. Il faut sans doute voir dans cette politique l’exigence récurrente de se démarquer du vieux repère corporatif, mais, surtout, la volonté affichée de proposer un autre modèle de perfectionnement dans l’appropriation des gestes et de l’esprit du métier.

21acteurs de savoirstatutnoviceIl s’agit bel et bien d’un renversement des valeurs associées au chef-d’œuvre auquel nous convie l’étude attentive des pratiques du compagnonnage. En analysant les témoignages et la presse compagnonniques du xix e siècle, et ce jusque dans les années 1930, nous observons que la présentation du chef-d’œuvre s’effectue vers l’âge de dix-huit ou vingt ans. L’image du chef-d’œuvre synonyme d’expérience acquise et symbole d’excellence ne prévaut plus.

22construction des savoirséducationapprentissage construction des savoirstraditiontransfert acteurs de savoirmodes d'interactioncollaboration acteurs de savoirstatutmaître acteurs de savoirstatutnoviceDans la réalité du Tour de France, les compagnons les plus âgés proposent aux plus jeunes de prouver leur attachement à un métier qu’ils connaissent forcément bien moins que leurs aînés appelés à les juger au cours de l’épreuve dite « de la critique ». Cette dernière, hier comme aujourd’hui, se déroule « en chambre » ou « en cayenne14 ». La valeur du jugement recouvre et retrouve alors une légitimité et une justice auxquelles ne pouvaient ni ne voulaient prétendre les corporations. En confiant aux plus anciens le soin de juger les plus jeunes, le compagnonnage choisit et propose un modèle d’apprentissage puis de perfectionnement dans le métier entièrement fondé sur la confiance des plus jeunes envers des anciens qui ont fait leurs preuves et qui, par leur expérience et leur comportement, peuvent légitimement critiquer un travail sans courir le risque de commettre une erreur ou, pis, une injustice.

23acteurs de savoirqualités personnelleshumilité acteurs de savoirqualités personnellespersévérance acteurs de savoirqualités personnellestravailleurLe chef-d’œuvre du compagnon n’exprime donc pas un art totalement maîtrisé ni même un savoir accompli. Il se veut le reflet à un moment donné des virtualités du candidat au titre de compagnon : il aura désormais toute sa vie, bien au-delà du seul Tour de France, pour développer ses aptitudes et progresser sur le chemin d’une perfection qu’il sait désormais inaccessible. Le chef-d’œuvre de réception est donc aussi à considérer comme une première rencontre avec un concept essentiel dans le système de valeurs compagnonniques : l’humilité.

24acteurs de savoirqualités personnellessincérité acteurs de savoirqualités personnellestravailleurLa modestie est sans doute l’un des signes distinctifs que le compagnonnage souhaite inculquer à ses membres dès leur entrée dans l’institution. C’est d’ailleurs, l’une des maximes les plus célèbres attribuées à l’un des trois fondateurs légendaires15 du compagnonnage. En effet, aux côtés du roi Salomon et de maître Jacques, le père Soubise indique clairement aux compagnons le bon comportement à adopter. Sur toutes ses représentations imagées, encore visibles aujourd’hui dans les maisons compagnonniques, Soubise déroule un parchemin sur lequel on peut lire :

Travaillez, progressez mais restez modeste !

25pratiques savantespratique intellectuellejugement acteurs de savoirstatutmaître acteurs de savoirqualités personnellesfermetéIl faut par conséquent aux anciens, ceux qui vont recevoir (ou refuser) les nouveaux compagnons, une réelle compétence, un esprit de tolérance et une part de psychologie pour critiquer les chefs-d’œuvre présentés à leur jugement. Cette attitude n’exclut pas, pour autant, une sévérité certaine, toujours associée à un sentiment d’équité et de justice.

Une étape sur le chemin du savoir

Le bon Monsieur Pradoura m’insinuait une pensée toute neuve ; c’était de me faire recevoir compagnon. Il me semblait que j’étais trop malhabile encore dans mon état pour obtenir une si haute faveur. Un soir chez la mère, Clermont le Résolu, premier compagnon, me glissa aussi quelques mots à l’oreille. Il me faisait comprendre qu’il ne dépendait que de moi d’être ce qu’il était, c’est-à-dire de porter la canne, les couleurs, un nouveau nom. J’étais timide, je présumais trop peu de moi-même, et les avances étaient nécessaires pour m’enhardir et me faire monter dans la hiérarchie du compagnonnage16.

26acteurs de savoirprofessionartisanCes quelques paroles rapportées par le menuisier Agricol Perdiguier (1805-1875) permettent de mieux apprécier le sens du chef-d’œuvre dans le compagnonnage du début du xix e siècle.

27espaces savantscirculationexploration espaces savantslieuatelier espaces savantsterritoireville espaces savantscirculationvoyage espaces savantscirculationmobilitéComme des milliers d’autres jeunes hommes de son époque, Agricol Perdiguier a quitté son village natal (Morières, près d’Avignon) pour tenter l’aventure chez les compagnons menuisiers du devoir de liberté, une des nombreuses sociétés compagnonniques de ce temps-là17. En rejoignant une société compagnonnique, l’objectif de Perdiguier est double. Il s’agit d’abord de quitter l’atelier paternel pour apprendre un métier en voyageant de ville en ville et, ainsi, de bénéficier de la diversité des méthodes, des outils et des hommes qui composent ce fameux Tour de France. Ensuite, riche de cette expérience à nulle autre pareille, Agricol Perdiguier, devenu Avignonnais la Vertu, peut revenir au pays afin de s’y installer, auréolé d’un prestige que seul le compagnonnage peut conférer.

28construction des savoirsvalidationlégitimation acteurs de savoirqualités personnelleshonneur inscription des savoirsvisualisationvisualisation de l'informationmaquetteAprès seulement quelques mois d’apprentissage et de voyage, les compagnons suggèrent au jeune Agricol Perdiguier de se préparer à présenter un travail de menuiserie, une petite maquette d’escalier, afin d’être reçu compagnon. Cette simple annonce émeut notre affilié, certes timide comme il le confesse, mais qui a surtout besoin d’encouragement pour affronter cette proposition. Il faut reconnaître que cette invitation à réaliser son chef-d’œuvre a de quoi émouvoir notre jeune ouvrier. Depuis qu’il est entré en compagnonnage en qualité d’affilié, il sait qu’une telle épreuve n’est pas synonyme d’un succès assuré. Tout travail incomplet, toute erreur grossière entraînera la honte et le déshonneur. Au contraire, si le travail et son attitude en dehors de l’atelier correspondent aux attentes de la société des compagnons, le chef-d’œuvre ouvrira alors les portes de l’honneur et de la gloire d’être reçu compagnon.

Mes chers coteries, je vais vous chanter la gloire,
La gloire de tous les compagnons.
C’est à Lyon, dans une auguste enceinte,
Aux compagnons, je me suis présenté,
Le cœur agité par la crainte,
La crainte d’y être refusé.
Mais cependant, prenant courage,
L’on m’a reçu compagnon charpentier18.

29acteurs de savoirqualités personnelleshumilité acteurs de savoirqualités personnelleshonneurOn ne peut qu’être frappé par la similitude de ces deux témoignages de compagnons. Cent ans avant le menuisier Avignonnais la Vertu, le charpentier Nivernais Sans Regret exprime les mêmes sentiments au moment de l’épreuve du chef-d’œuvre : la crainte et l’honneur. Nombreux sont les témoignages compagnonniques des xviii e et xix e siècles identiques aux deux exemples cités ci-dessus. Ainsi, au début du xx e siècle, le jeune maréchal-ferrant Abel Boyer 19, à la veille de présenter son chef-d’œuvre, est envahi par le doute : « Si je ne suis pas reçu, où irais-je cacher ma honte ? » Tout aussi nombreux et similaires sont les témoignages des jeunes ouvriers d’aujourd’hui invités à préparer leur chef-d’œuvre de réception.

30acteurs de savoirémotionpeurDès l’annonce de l’épreuve du chef-d’œuvre, le jeune candidat est envahi par la crainte de ne pas être à la hauteur des attentes des compagnons. Mais, ce moment de doute passé, le jeune ouvrier considère cette proposition comme une marque d’estime et de confiance qu’il convient d’honorer.

31Si la bonne connaissance du métier est une condition nécessaire pour accéder au titre de compagnon, la qualité du travail n’est en aucun cas une condition suffisante, car elle ne peut prétendre à elle seule mettre en lumière les vertus du candidat à la réception.

32construction des savoirstraditiontransfert construction des savoirstraditionprogrès acteurs de savoirqualités personnellescompétence Jean Bernard (1908-1994), dit La Fidélité d’Argenteuil, fondateur de l’Association ouvrière des compagnons du devoir du Tour de France, a analysé avec force les enjeux du chef-d’œuvre :

S’il est une fin en soi, s’il est un terme absolu, si l’ouvrier, après l’avoir achevé, considère qu’il n’a plus rien à apporter et que tout est consommé de ce qu’il devait faire, il se trouve alors devant un mur, il se replie sur lui-même, il n’est plus qu’un homme qui a terminé sa marche. Au besoin, il passera le restant de sa vie à montrer son chef-d’œuvre, à en parler, à en vivre. Il n’aura donc plus de vie véritable, car la vraie vie est action et don20.

33acteurs de savoirqualités personnellesdévouement acteurs de savoirqualités personnellespersévérance construction des savoirstraditioninvention espaces savantscirculationvoyageLa mise en garde est on ne peut plus nette. Si le compagnon considère le chef-d’œuvre comme le couronnement de son parcours dans le compagnonnage, il n’a pas saisi le sens profond du message compagnonnique résumé dans ce symbole très beau qu’est la canne offerte le jour même de sa réception. La canne compagnonnique est en effet une invitation au voyage (matériel et symbolique), un rappel qu’il faut toujours être en mouvement, que la connaissance se construit jour après jour jusqu’au dernier instant. Le compagnon digne de son titre doit considérer son chef-d’œuvre comme le reflet d’une étape, d’un état précis à un moment donné et non pas comme une fin en soi.

Mais si, loin d’être un mur devant lequel toute action nouvelle se brise, il est tout d’abord l’occasion de travailler non pour soi, mais pour quelque chose qui dépasse l’homme, s’il est une porte qui permette de passer vers de nouveaux horizons, s’il est une marche qui rende possible l’ascension, alors qu’il soit permis de penser que le compagnonnage n’est pas un circuit fermé et que son chef-d’œuvre n’est pas une borne sur laquelle vient inexorablement s’arrêter un bel effort poursuivi avec ardeur tout au long d’une jeunesse si laborieuse21.

34acteurs de savoirqualités personnellescompétenceAvec l’image d’une « porte qui permette de passer vers de nouveaux horizons », La Fidélité d’Argenteuil présente le chef-d’œuvre comme un moyen d’élévation du compagnon dans le cadre d’un cheminement orienté par une recherche constante de perfectibilité. Cette idée d’un travail de réception qui offre à son auteur la possibilité de se transcender est une des clés principales pour apprécier au plus juste le système de valeurs cher aux compagnons.

35construction des savoirsvalidationchef-d’œuvre acteurs de savoirqualités personnellesNous sommes ici bien loin du statut du chef-d’œuvre en vigueur dans les corporations. Avec cette vision compagnonnique du chef-d’œuvre, nous quittons le plan strictement professionnel pour atteindre un niveau où le travail de réception demandé au candidat est le moteur d’accomplissement intérieur, un moyen de réalisation personnelle, un engagement fondé sur une éthique prenant appui sur le métier. Il existe donc une vie compagnonnique après le chef-d’œuvre ; en réalité, grâce au chef-d’œuvre, elle commence seulement à prendre un nouveau sens et une dimension sinon spirituelle, du moins éthique.

36acteurs de savoircatégorie socialeélite acteurs de savoirprofessionouvrierLe chef-d’œuvre de réception n’est donc pas réservé à une élite professionnelle comme on l’a trop souvent répété, mais, plutôt, à des jeunes ouvriers appréciés pour leur attachement au métier, pour leur dévouement, leur générosité et leur courage face à l’effort à produire et aux difficultés à affronter. « Les compagnons sont ceux qui, après un noviciat d’au moins trois mois, ont fait preuve d’une certaine capacité professionnelle22«, peut-on lire dans les statuts de l’Union compagnonnique, en 1945. Dans cet esprit, un jeune ouvrier généreux, dévoué à sa société, courageux au travail et désireux d’apprendre, peut, en dépit de quelques lacunes professionnelles, être admis à présenter son chef-d’œuvre en vue d’être reçu compagnon. Sans nul doute, il aura beaucoup plus de chances d’être reçu que le candidat doué techniquement, mais ayant fait preuve d’égoïsme, d’orgueil ou de jalousie durant son séjour chez les compagnons.

37acteurs de savoirqualités personnellespersévérance construction des savoirstraditionévolutionCela ne signifie pas, pour autant, que le travail présenté est de second ordre ; il démontre au contraire la faculté d’apprendre, le degré de motivation de ces jeunes gens qui, très tôt, ont à prouver leur capacité professionnelle.

38matérialité des savoirsmatériaumétal matérialité des savoirsmatériaubois inscription des savoirsvisualisationvisualisation de l'informationmodèle réduit inscription des savoirsvisualisationvisualisation de l'informationmaquetteIl convient de ne pas oublier que le chef-d’œuvre est en étroite relation avec le contexte économique du moment. Les anciens ne demandent jamais aux jeunes de faire de l’art pour l’art, mais d’« être capables » de répondre aux exigences du métier à un moment précis de son histoire. En 1824, Agricol Perdiguier doit tailler une maquette d’escalier de treize marches en spirale quart de tour pour mériter le titre de compagnon et le nom d’Avignonnais la Vertu ; en 1900, le maréchal-ferrant Abel Boyer doit présenter deux petits fers à cheval pour devenir Périgord Cœur Loyal. Mais, en remontant dans le temps, on constate que l’obligation du chef-d’œuvre peut se révéler encore plus simple quant aux exigences imposées au jeune aspirant. Ainsi, au début du xviii e siècle, les compagnons tondeurs de drap demandent au candidat d’« être dans le cas de remplir sa journée, l’ouvrage bien fait ». En 1820, les compagnons tanneurs corroyeurs exigent simplement de leur candidat « qu’il soit capable de contenter un bourgeois23 ».

39acteurs de savoirqualités personnellescompétence acteurs de savoirqualités personnellespatience espaces savantscirculationvoyage acteurs de savoirqualités personnellesméticulositéDepuis les années 1950, les différents mouvements compagnonniques proposent aux jeunes stagiaires en compagnonnage de préparer un travail d’adoption (ou d’affiliation) pour obtenir le titre d’aspirant (ou d’affilié). Ce titre est désormais nécessaire pour qui voudrait poursuivre le Tour de France. En inscrivant cette nouvelle exigence dans le cursus imposé au jeune ouvrier, le compagnonnage contemporain souhaite proposer un parcours professionnel et initiatique plus long, ne délivrant le titre de compagnon qu’après plusieurs années de voyage dans le cadre d’un Tour de France beaucoup plus structuré que dans le passé. Les milliers de jeunes gens entrés dans l’un des trois mouvements compagnonniques accordent un temps considérable à ce travail auquel ils consacrent de longues recherches en amont. Le candidat s’investit énormément pour donner le meilleur de lui-même afin d’être admis à poursuivre le Tour de France. Il en résulte des travaux plus complexes, de dimensions souvent plus grandes, un souci de perfection qui laisse déjà augurer de futurs chefs-d’œuvre de réception nettement plus élaborés que ceux de leurs nombreux prédécesseurs désireux, comme eux, d’obtenir le titre de compagnon. Mais le même sentiment d’humilité doit toujours guider les pas du candidat sous peine d’une déception à la hauteur d’un orgueil mal placé.

Un chef-d’œuvre pluriel

40espaces savantslieumuséeIl faut donc convenir qu’il n’existe pas un, mais plusieurs chefs-d’œuvre proposés au compagnon durant son parcours professionnel et initiatique dans cette institution ouvrière qui place l’homme ouvrier au centre de ses préoccupations. Au début des années 1980, le conservateur du musée du Compagnonnage de Tours, Roger Lecotté, s’est attaché à dresser une typologie des chefs-d’œuvre24. Si l’on écarte le travail d’adoption ou d’affiliation qui ne peut prétendre au label de chef-d’œuvre, il est possible de distinguer différents chefs-d’œuvre qui répondent à des exigences particulières.

Le chef-d’œuvre de réception

41construction des savoirséducationcycle éducatif pratiques savantespratique manuelletaille matérialité des savoirsmatériau acteurs de savoirqualités personnellespersévérance inscription des savoirsvisualisationvisualisation de l'informationmaquette inscription des savoirsvisualisationvisualisation de l'informationéchelleC’est le plus important de tous, car c’est par lui que s’obtient le titre de compagnon. De plus en plus appelé « pièce de réception », il nécessite, à l’heure actuelle, de longs mois de préparation et un travail intensif en amont de la date prévue pour la réception du futur compagnon25. C’est ici que réside un changement profond par rapport au passé de l’institution. Naguère proposé en début de Tour, le chef-d’œuvre de réception est repositionné de nos jours plus en aval – après trois ans de voyage minimum –, les compagnons ayant affirmé leur volonté de former leurs membres sur une plus longue durée. Le thème du sujet peut être laissé au candidat ou bien, selon les sociétés, il est imposé au jeune aspirant. Il peut s’agir d’un travail particulier à réaliser sur un chantier ; mais, en règle générale, les compagnons préfèrent un travail à échelle réduite – la fameuse maquette – qui offre l’immense avantage de pouvoir être transporté durant le Tour de France, puis montré à un plus grand nombre. Une fois le thème arrêté officiellement, le jeune ouvrier doit d’abord tracer l’épure de son travail. Il met alors à profit les cours de trait dont il a bénéficié depuis son admission sur le Tour de France. Cette étape est très importante, car il s’agit de transférer un projet sur une ou plusieurs feuilles à dessin afin de le rendre « visible ». La maîtrise du trait permet rapidement au jeune homme de délimiter et de mesurer le degré de difficulté de son futur ouvrage. Selon la formule chère aux compagnons, le trait fait de celui qui le possède « un visionnaire de l’espace26 ». La pièce de réception apparaît ainsi dans toutes ses dimensions et ses projections selon un rapport géométrique très précis. Une fois l’épure terminée, le travail sur la matière peut commencer : les compagnons disent alors du candidat qu’il « taille » son futur chef-d’œuvre. Ce sont de longs mois et des centaines d’heures prises en dehors de la journée de travail qui attendent l’aspirant. En taillant, ce dernier doit garder à l’esprit la finalité de son ouvrage : témoigner du savoir accumulé après plusieurs années de Tour de France tout en évitant le piège de choisir ou d’accepter des difficultés impossibles à relever pour l’instant.

42pratiques savantespratique manuellefaçonnage construction des savoirsvalidationdémonstration pratiques savantespratique manuellesavoir-faire acteurs de savoirqualités personnelleshumilitéCette étape est une épreuve initiatique essentielle : le jeune homme est invité à faire le point sur ses connaissances, ses compétences et ses lacunes, car la perfection n’existe pas. Pour la première fois de sa vie, il se heurte à un chantier « extraordinaire » qui l’oblige à sortir du quotidien pour s’investir totalement dans une mission qui le transcende. Au cours de « l’épreuve de la critique », l’assemblée des compagnons, réunie en cayenne, examine consciencieusement l’œuvre présentée, puis délibère en vue d’accepter ou de refuser le candidat. Grâce à ce type de chef-d’œuvre, les compagnons peuvent jauger et juger le savoir du postulant, mais, nous l’avons évoqué plus haut, des critères autres que professionnels sont aussi pris en considération. Dans la majorité des cas, la pièce de réception présentée obtient l’approbation des compagnons. Mais il arrive parfois que certaines pièces soient jugées d’un niveau insuffisant par rapport aux attentes et aux autres exigences du compagnonnage. L’aspirant est alors invité à améliorer ou reconsidérer son travail pour le représenter quelques mois plus tard. Cette décision qui met à rude épreuve la fierté et l’amour-propre du candidat est, dans bien des cas, perçue comme un échec douloureux et se traduit parfois par un départ du compagnonnage.

Le chef-d’œuvre de finition

43pratiques savantespratique manuellegeste pratiques savantespratique rituellerite de passage pratiques savantespratique manuellesavoir-faire Roger Lecotté l’a fort curieusement oublié dans sa typologie dressée en 1981. Ce chef-d’œuvre permet au compagnon reçu d’obtenir le titre de compagnon fini, statut qui témoigne d’un degré supplémentaire atteint dans la connaissance du métier. Le travail est alors plus complexe, et les difficultés à surmonter sont aussi plus nombreuses. Au cours d’une cérémonie dite « de finition », le compagnon reçoit de nouvelles couleurs témoignant de son nouvel état. Ce type de chef-d’œuvre ne revêt aucun caractère obligatoire, mais il est considéré comme une épreuve initiatique supplémentaire proposée par le compagnonnage. La finition du travail, tout comme celle de l’individu, n’est pas pour autant accomplie, une fois ce type de chef-d’œuvre terminé. Il s’agit encore une fois de franchir une nouvelle étape initiatique dans la connaissance du métier et de soi-même.

44La Grande Règle du Tour de France en vigueur chez les compagnons du devoir est la preuve de la forte dimension initiatique qui distingue le compagnonnage de toute autre organisation ouvrière ou école professionnelle. On peut y lire en effet que :

L’aspirant est le jeune homme dont on prépare la conscience.
Le compagnon est l’homme dont la conscience est ouverte au métier.
Le compagnon fini est l’homme dont la conscience est ouverte à l’homme27.

Le chef-d’œuvre de compétition

45acteurs de savoirmodes d'interactioncollaboration matérialité des savoirsmatériaumétal matérialité des savoirsmatériaubois pratiques savantespratique manuellegeste pratiques savantespratique manuellesavoir-faire acteurs de savoirmodes d'interactioncompétitionJusqu’à la fin du xix e siècle les sociétés compagnonniques rivales se lançaient des défis de chefs-d’œuvre, notamment pour déterminer celle qui aurait le droit exclusif de s’installer dans une ville. C’étaient les fameux concours de chefs-d’œuvre dont les plus célèbres restent, sans nul doute, ceux de Lyon, de Montpellier et de Marseille qui se déroulèrent dans les premières décennies du xix e siècle 28. Le concours de Lyon opposa les compagnons charpentiers des deux rites (Salomon et Soubise) qui se disputaient la ville. Chaque société rivale se vit confier la construction d’une moitié d’un pont à élever sur la Saône. La partie la mieux réalisée donnerait la victoire. Au moment où les deux moitiés du pont se rejoignirent, le travail était d’une telle qualité de part et d’autre que tout s’emboîta sans aucune retouche. La ville fut alors attribuée aux deux sociétés qui vécurent en respect mutuel durant quelques années avant de retomber dans les affres de la discorde. À Montpellier, le concours opposa les menuisiers du devoir à ceux du devoir de liberté. Le jury, composé de personnalités étrangères au compagnonnage, imposa la réalisation d’une chaire à prêcher afin de départager les deux sociétés. Après de longs mois de travail, les devoirants furent déclarés vainqueurs, car leur champion, Nanquette le Liégeois, avait réalisé une chaire qu'il pouvait démonter et remonter en quelques minutes, une manoeuvre impossible pour les gavots en dépit d'un travail de très haute qualité. À Marseille, enfin, les serruriers se défièrent autour de la réalisation d'une serrure exceptionnelle. Ce furent les compagnons du devoir qui gagnèrent la ville en proposant une serrure d’une extrême complexité représentant la croix de la Légion d’honneur. Son auteur, Ange le Dauphiné, avait travaillé dix-huit mois pour arracher la victoire. Dans tous ces concours, le savoir permettait de départager les sociétés rivales tout en évitant batailles et rixes si courantes à l’époque pour s’attribuer le contrôle exclusif du placement des compagnons dans les ateliers de la ville.

Le chef-d’œuvre de prestige

46acteurs de savoirqualités personnellespatience construction des savoirsvalidationlégitimation construction des savoirstraditionpatrimoine matériel acteurs de savoirqualités personnellespersévérance matérialité des savoirsmatériauboisIl désigne surtout le travail réalisé dans le cadre des expositions universelles du xix e siècle en vue d’obtenir les plus hautes récompenses pour la renommée de la société. Les compagnons charpentiers du devoir (les Soubises) ou du devoir de liberté (les Indiens) furent les grands spécialistes de ces travaux d’exception en présentant des œuvres très complexes et majestueuses. C’est l’époque du fameux chef-d’œuvre dirigé par le charpentier du devoir Mazerolles, dit Bourbonnais Va de Bon Cœur, un superbe baldaquin de 4,38 mètres de hauteur qui nécessita vingt années de travail à lui seul. En écho à cet exploit, les charpentiers du devoir de liberté, sous la direction de Viannay dit Dauphiné l’Espérance, réalisèrent une immense et magnifique représentation du temple de Jérusalem 29, s’élevant sur une hauteur de 5,70 mètres. Au-delà du défi technique, il s’agissait aussi pour tous ces compagnons d’obtenir une reconnaissance officielle des pouvoirs publics à une époque où le compagnonnage traversait une crise profonde.

Le public se figure aisément que ces chefs-d’œuvre constituent un travail de patience exécuté à loisir, prouvant seulement l’habileté de ceux qui s’en sont occupés. Ce n’est pas rien que cela. Pour les compagnons charpentiers, les chefs-d’œuvre sont des modèles à mettre sous les yeux des nouveaux compagnons, soit au siège social, soit dans les écoles qu’ils tiennent entre eux et où les plus instruits sont les professeurs des plus faibles. Ces chefs-d’œuvre sont exécutés par des compagnons qui donnent ainsi à leur corporation la preuve qu’ils sont passés maîtres ; ils sont ensuite offerts comme modèles aux nouveaux30.

47espaces savantslieuacadémie acteurs de savoirprofessionartisan construction des savoirstraditionpatrimonialisation construction des savoirsvalidationlégitimation pratiques savantespratique artistiqueÀ l’image des « morceaux d’exception31« dans les académies italiennes du xvii e siècle, ces œuvres personnelles ou collectives d’exception étaient destinées en premier lieu à prouver la compétence de la société qui en était l’auteur. Dans ce sens, ces chefs-d’œuvre servaient explicitement à affirmer et afficher aux yeux du plus grand nombre le bien-fondé de la présence compagnonnique à une époque où celle-ci était fortement contestée. Mais il serait injuste de ne pas souligner un autre objectif tout aussi important. Ces chefs-d’œuvre d’exception offraient à chaque société la possibilité de se créer une collection d’œuvres d’art, ces dernières étant à la fois une source inestimable de documentation pour les plus jeunes et un moyen de perpétuer la mémoire du groupe.

D’autres chefs-d’œuvre

48D’autres types de chefs-d’œuvre complètent cette gamme d’ouvrages aux objectifs distincts. Ainsi en est-il du chef-d’œuvre de reconnaissance qui correspond à un travail offert par les compagnons à une personnalité ou à un groupe (une municipalité) qui a soutenu, secouru ou encouragé le compagnonnage dans une situation précise. Le « Berryer32 » demeure l’exemple le plus connu à ce jour.

49acteurs de savoirqualités personnellescompétence construction des savoirstraditioncumulativité espaces savantscirculationvoyageLe chef-d’œuvre enseigne est devenu l’un des éléments essentiels de la mémoire du patrimoine artisanal des villages. Il répond pleinement au souci qu’a le compagnon d’affirmer son savoir aux yeux de tous. Loin d’être une marque de suffisance ou d’orgueil, notions étrangères à l’esprit du compagnonnage, le chef-d’œuvre enseigne permet d’afficher les compétences et le savoir accumulés durant le Tour de France. Même si cette tradition séculaire a rapidement décliné entre les deux guerres mondiales, il convient de souligner l’extrême beauté des chefs-d’œuvre enseignes des serruriers ou des maréchaux-ferrants, ces derniers ayant pour habitude de placer au-dessus de leur atelier un assemblage des fers à cheval qu’ils étaient capables de forger ; c’était le fameux bouquet de saint Éloi33, encore visible dans quelques villages de France.


                , chef-d’œuvre de maréchal-ferrant, fer, Paris, musée
              des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée.
Figure 2. Bouquet de saint Éloi, chef-d’œuvre de maréchal-ferrant, fer, Paris, musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée.

50construction des savoirstraditionpatrimoine immatérielBien d’autres types de chefs-d’œuvre existent. Du chef-d’œuvre de commémoration au chef-d’œuvre de retraité, les compagnons ont su décliner toutes les variantes d’un travail extraordinaire destiné à témoigner d’un savoir-faire de haut niveau. Le point commun de tous ces ouvrages réside dans l’affirmation d’un savoir accumulé tout au long des années de compagnonnage sur le Tour de France.

Le devoir de transmettre

51acteurs de savoirqualités personnellespatience acteurs de savoirqualités personnelleshumilité matérialité des savoirsmatériauAinsi le chef-d’œuvre, quelle que soit sa dimension ou sa vocation, poursuit-il toujours un objectif majeur : éclairer l’état du savoir d’un homme ou d’un groupe à un moment particulier de son histoire. Mais, par le chef-d’œuvre, le compagnon ne prétend pas seulement prouver son habileté ; il cherche aussi à mettre en lumière toute la philosophie dont il s’est imprégné depuis son entrée dans le compagnonnage. Dans l’accomplissement de cette épreuve, le jeune ouvrier doit se surpasser, prouver sa valeur par un témoignage d’adresse, d’astuce, mais aussi et surtout d’humilité et de patience, le tout en respectant des règles dictées à la fois par le matériau travaillé et les critères propres à son métier. Qualités professionnelles et qualités morales se conjuguent donc pour que soit affirmé le prestige de ce que la sociologue Annie Guédez nomme « l’homme complet34 ».

52acteurs de savoirprofessionapprenti acteurs de savoirstatutmaître acteurs de savoirmodes d'interactioncollaboration acteurs de savoirqualités personnelleshonneurDans le système de valeurs des compagnons, le chef-d’œuvre (quel qu’il soit) est une affaire d’honneur marquant solennellement le passage de l’ouvrier exécutant à l’ouvrier inventeur. Pour illustrer symboliquement ce passage, le compagnonnage puise dans l’imaginaire médiéval avec les deux modèles qui illustrent à merveille le parcours initiatique et professionnel du bâtisseur de cathédrale : le tâcheron et le maître d’œuvre. Le premier correspond au jeune stagiaire, à cet apprenti qui souhaite découvrir les gestes et les techniques d’un métier qu’il ne connaît que très superficiellement ; le second est capable de penser ce qu’il va faire et de faire ce qu’il a pensé.

53pratiques savantespratique manuellesavoir-faire construction des savoirséconomie des savoirsinnovation construction des savoirstraditioninventionMême s’il témoigne de toutes les connaissances acquises durant le Tour de France, le chef-d’œuvre n’est plus à considérer, sous peine d’un énorme contresens, comme la simple application d’un savoir-faire hérité des anciens. Son auteur doit être capable d’innover, montrant ainsi que la transmission ne se traduit pas par une pure répétition, mais implique aussi un enrichissement et un dépassement du système antérieur de connaissances. La récompense est ici d’ordre symbolique : c’est la louange des compagnons qui ouvrent leur porte à celui qui a réussi l’épreuve.

54acteurs de savoirqualités personnelleshonneurLe chef-d’œuvre accompli apporte alors à son auteur un honneur et une fierté bien éloignés du sentiment d’orgueil, d’ailleurs étranger à l’esprit du compagnonnage. Il est « la chose » qui permet de quitter l’état de l’adoption pour celui, plus profond, de la réception, puis de la finition au sein d’une fraternité ouvrière pour laquelle le métier devient une affaire d’honneur, le pivot central autour duquel s’organise ce que les compagnons nomment, avec beaucoup de respect, le Devoir35.

55acteurs de savoirqualités personnellesdévouement acteurs de savoirqualités personnelleshumilité espaces savantscirculationvoyageLe chef-d’œuvre reste enfin quelque chose d’indéfinissable pour celui qui n’est pas encore compagnon, une invitation implicite à se lancer dans une aventure similaire et différente à la fois. Ainsi le labyrinthe présent dans les cathédrales et gravé sur les couleurs36 de certains compagnons se veut-il lui aussi le témoignage de cette démarche. Le cheminement qu’il propose illustre à merveille le parcours sinueux qui mène au savoir. Une fois parvenu au centre, une fois le savoir acquis dans ses principes fondamentaux, l’autre moitié du chemin reste encore à accomplir. Il faut, en effet, ressortir du labyrinthe pour témoigner de ses découvertes et les transmettre aux autres en leur donnant l’envie de voyager dans ce parcours initiatique. C’est dans cet esprit qu’un compagnon du Tour de France me confiait un jour : « Le compagnonnage ne m’a donné aucun savoir, il m’a tout prêté  ! » Le chef-d’œuvre du compagnon relève fondamentalement de cette problématique généreuse de la transmission.

Notes
1.

« L’homme pense parce qu’il a une main. » Cette maxime d’Anaxagore, inscrite sur une poutre maîtresse, accueille, dès le hall d’entrée, le visiteur du musée du Compagnonnage de Tours.

2.

Benoist, 1968.

3.

Coornaert, 1968.

4.

Duroy, 1991.

5.

Encore aujourd’hui, on retrouve cette expression rituelle lors de l’invitation à chanter formulée au nouveau compagnon reçu à la fin du banquet qui suit sa réception : « – Compagnons, estimez-vous Languedoc l’Ami du Travail capable de nous chanter une chanson ?/ – Capable ! répondent en chœur tous les compagnons. »

6.

Il convient de souligner ici l’origine latine du mot « compagnon », cum- (« avec ») / panis (« pain »), qui évoque ce devoir de partager le pain, nourriture matérielle certes, mais très vite hissée au rang de symbole avec l’image du compagnon qui partage avec d’autres ses connaissances professionnelles et intellectuelles.

7.

Icher, 1995.

8.

Martin Saint-Léon, 1901.

9.

Bris, 1984.

10.

Les premières publications ouvertement anti-compagnonniques apparaissent sous l’impulsion de la CGT (Confédération générale du travail) naissante. On y raille les cérémonies de réception comme dans le fameux ouvrage de Jean Connay (nom à la sonorité bien significative : « j’en connais », sous-entendu, beaucoup sur le compagnonnage) publié en 1909, où l’auteur, ancien compagnon, cherche à ridiculiser des pratiques et des coutumes considérées comme archaïques. Cf. Connay, 1909.

11.

Icher, 1999.

12.

Depuis les années 1950, le paysage compagnonnique français est organisé autour de trois familles distinctes : l’Association ouvrière des compagnons du devoir du Tour de France (AO), la Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment (FCMB) et l’Union compagnonnique des compagnons du Tour de France des devoirs unis (UC). Elles se distinguent par les rites traditionnels du compagnonnage qu’elles abritent (Soubise, Jacques ou Salomon) mais, surtout, par le nombre et la nature des métiers qu’elles accueillent en leur sein. L’organisation plus ou moins structurée de leur Tour de France, les capacités d’accueil et de formation, les moyens financiers dont chaque mouvement dispose constituent les autres éléments majeurs qui permettent de les distinguer.

13.

Dans les sociétés du devoir, l’« aspirant » est le titre donné au jeune garçon autorisé à effectuer son Tour de France. Ce titre lui est accordé au cours d’une cérémonie solennelle appelée l’« adoption ». Dans le devoir de liberté, le terme d’« aspirant » est remplacé par celui d’« affilié » ; la cérémonie se nomme alors l’« affiliation ».

14.

Selon les métiers et les rites du compagnonnage, les compagnons se réunissent en chambre ou en cayenne, nom donné au local qui accueille les assemblées. Deux expressions rituelles ont ainsi vu le jour pour désigner le début de ces réunions réservées aux seuls compagnons : « descendre en cayenne » ou « monter en chambre ».

15.

Si, historiquement, le compagnonnage se structure dans les deux derniers siècles du Moyen Âge, les compagnons ont très vite éprouvé le besoin de se constituer un univers imaginaire et mythologique qui voit leur ordre prendre naissance au temps de la construction du temple de Jérusalem, sous l’autorité du roi Salomon. À ses côtés, deux autres personnages légendaires, Jacques et Soubise, vont l’assister dans la direction de ce chantier extraordinaire. Outre le triptyque symbolique en vigueur au Moyen Âge (celui qui commande, Salomon, celui qui prie, Soubise, et celui qui travaille, Jacques), il faut voir dans ces trois personnages la volonté des compagnonnages naissants de revendiquer un double héritage, oriental (Salomon) et occidental (Jacques et Soubise), pour ce qui est des traditions de l’art de bâtir. N’oublions pas que les premiers compagnonnages naissent dans la dynamique des croisades qui voient se rencontrer Orient et Occident. Il est également permis de discerner le souci de rassembler des ouvriers issus de la religion chrétienne (Jacques et Soubise) et d’autres qui sont étrangers à cette dernière (Salomon). La nature des métiers rattachés à chacun des trois personnages est également très significative : Salomon est toujours flanqué de son maître d’œuvre Hiram, réputé pour ses talents dans l’art de travailler le fer ; Jacques est un tailleur de pierre, tandis que Soubise est le maître des charpentiers. Ainsi le triptyque fer, pierre et bois apparaît-il pour affirmer qu’aucune construction majeure ne peut se dispenser de ces trois matériaux de base. Enfin, et c’est ici un point fondamental pour notre étude, le temple de Jérusalem est le prototype du chef-d’œuvre idéal, un modèle d’excellence vers lequel tout compagnon doit tendre, un temple que ne se priveront pas d’imiter, dans leurs grands chefs-d’œuvre de prestige, les compagnons charpentiers du xix e  siècle.

16.

Briquet, 1955.

17.

Chez les compagnons menuisiers, deux sociétés rivales se sont longtemps opposées : les devoirants, compagnons du devoir, enfants de maître Jacques, et les gavots, compagnons du devoir de liberté, se réclamant du roi Salomon. Ces deux rites existent encore aujourd’hui. Les gavots sont accueillis au sein de la Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment ; les menuisiers du devoir constituent une des composantes majeures de l’Association ouvrière des compagnons du devoir du Tour de France.

18.

Chanson datée du xviii e siècle, in Chansonnier des compagnons du devoir, Paris, rééd., 1981.

19.

Boyer, 1947.

20.

Bernard, 1982.

21.

Bernard, 1982.

22.

Statuts publiés dans le Journal officiel du 25 décembre 1945.

23.

Lecotté, 1956.

24.

Lecotté, 1980.

25.

Les dates de réception sont encore calculées en fonction du saint patron du métier concerné. Ainsi les nouveaux compagnons charpentiers seront-ils reçus de préférence le 19 mars, jour de la Saint-Joseph. Des siècles durant, les charrons furent reçus le jour de la Sainte-Catherine, les menuisiers à la Sainte-Anne, les boulangers à la Saint-Honoré, les cordonniers à la Saint-Crépin, etc

26.

Cette formule a été employée, en 1973, par Aveyronnais la Clef des Cœurs, compagnon charpentier du devoir de liberté.

27.

Extraits des statuts des compagnons du devoir, 1978.

28.

Icher, 1993.

29.

Ces deux magnifiques chefs-d’œuvre sont toujours visibles au siège des compagnons charpentiers des devoirs de Paris (Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment).

30.

La Fédération compagnonnique, 5 mars 1882.

31.

Galard, 2000.

32.

Nom donné au chef-d’œuvre offert, par les compagnons charpentiers du devoir, à l’avocat parisien Pierre Antoine Berryer qui avait défendu les compagnons lors des grèves de 1845, en refusant tout honoraire.

33.

Du nom du saint patron des métiers du fer.

34.

Guédez, 1994.

35.

De nombreux textes, chansons et poésies compagnonniques passés ou actuels tentent de définir le Devoir. En règle générale, les compagnons s’accordent pour exprimer par ce terme toutes les valeurs et toutes les vertus véhiculées par le compagnonnage. Ainsi, au début du xx e siècle, Agenais la Philosophie de l’Union proposait la définition suivante : « L’amour du travail bien fait, la connaissance du métier, la perfection de l’ouvrage, les obligations envers ses frères, la solidarité dans les épreuves comme dans les réjouissances, les rapports envers la société profane, tout cela constitue le Devoir. »

36.

On nomme ainsi les écharpes symboliques en velours ou en soie portées par les compagnons.

Appendix A Bibliographie

Sources
  1. Benoist, 1968 : Luc Benoist, Le Compagnonnage et les métiers, Paris.
  2. Bernard, 1982 : Jean Bernard, Le Compagnonnage, rencontre de la jeunesse et de la tradition, Paris.
  3. Boyer, 1947 : Abel Boyer , Le Tour de France d’un compagnon du devoir, Paris.
  4. Briquet, 1955 : Jean Briquet, Agricol Perdiguier, compagnon du Tour de France et représentant du peuple, Paris.
  5. Bris, 1984 : Marcel Bris, Le Compagnonnage à la recherche de sa vocation : 1900-1946, Paris.
  6. Chansonnier des compagnons du devoir, Paris, 1981.
  7. Connay, 1909 : Jean Connay, Le Compagnonnage, son histoire, ses mystères, Paris.
  8. Coornaert, 1966 : Émile Coornaert, Les Compagnonnages en France du Moyen Âge à nos jours, Paris.
  9. Coornaert, 1968 : É. Coornaert, Les Corporations en France avant 1789, Paris.
  10. Duroy, 1991 : Jean-Pierre Duroy, Le Compagnonnage aux sources de l’économie sociale, Paris.
  11. Galard, 2000 : Jean Galard (éd.), Qu’est-ce qu’un chef-d’œuvre ?, Paris.
  12. Guédez, 1994 : Annie Guédez, Compagnonnage et apprentissage, Paris.
  13. Icher, 1989 : François Icher, Le Compagnonnage, une tradition d’avenir, Paris.
  14. Icher, 1993 : Fr. Icher, La France des compagnons, Paris.
  15. Icher, 1995 : Fr. Icher, Les Compagnons ou l’Amour de la belle ouvrage, Paris.
  16. Icher, 1999 : Fr. Icher, Les Compagnonnages en France, histoire, mémoire et représentations, Paris.
  17. Lecotté, 1980 : Roger Lecotté, Chefs-d’œuvre de compagnons, Paris.
  18. Martin Saint-Léon, 1901 : Étienne Martin Saint-Léon, Le Compagnonnage, son histoire, ses coutumes, ses règlements et ses rites, Paris.
  19. Mouret, 1996 : Jean-Noël Mouret, Les Compagnons, chefs-d’œuvre inédits, anciens et contemporains, Paris.
Autres références
  1. Barret et Gurgand, 1980 : Pierre Barret et Jean-Noël Gurgand, Ils voyageaient la France, Paris.
  2. Hautin et Billier, 2000 : Christine Hautin et Dominique Billier, Être compagnon, Paris.
  3. Lecotté, 1956 : Roger Lecotté, Archives historiques du compagnonnage, Paris.