Georgy Lappo and Pavel Polian

‘Pendant quarante ans cette ville [Krasnoïarsk-26, c’est-à-dire Jeleznogorsk] a existé comme en dehors du temps et de l’espace, dans un type particulier d’utopie (ou d’« anti-utopie », aujourd’hui, à la fin du xx e siècle, ces deux termes ont le même sens). Bien qu’à l’époque elle n’ait pas été surmontée d’une coupole matérielle, elle était quand même protégée de la réalité par une barrière solide et invisible. Deux générations de citoyens ont vécu dans ces conditions. Aujourd’hui, il leur revient de vivre dans le temps réel, d’assimiler l’espace réel, en définissant leur position d’après des paramètres culturels, sociaux (et tout simplement géographiques) réels. La ville-utopie, la ville-mirage a cessé d’exister1.’

1construction des savoirséconomie des savoirsindustrie espaces savantsterritoirevilleLe terme de naoukograd (« cité scientifique ») n’est entré dans l’usage que tout récemment, au début des années 1990. À l’origine, il désignait des villes et des localités qui devaient leur statut à des organisations de recherche scientifique appliquée au service de l’État2. Selon la définition la plus récente, les naoukograds sont des villes (ou des parties de villes) présentant un potentiel intellectuel et scientifique très concentré – organismes et entreprises dans les domaines de la science, de l’éducation et de la production industrielle3.

2Ces villes ont joué un rôle très important en URSS pour le développement de secteurs de pointe comme la construction aéronautique, l’électronique, l’industrie aérospatiale et l’énergie atomique. Elles ont permis la construction du « bouclier atomique » du pays et la mise au point de nouveaux types d’armements. Les naoukograds sont les purs produits du totalitarisme soviétique, en état permanent de guerre froide contre les forces impérialistes hostiles dirigées par les États-Unis d’Amérique. Ce contexte géopolitique explique le statut « secret » et le régime « hermétique » de nombreuses naoukograds.

Naissance et développement des naoukograds

3construction des savoirspolitique des savoirsguerreLes premières naoukograds ont vu le jour en URSS bien avant l’apparition du terme, dès les années 1930 : ce sont Korolev, Joukovski, Friazino, Dzerjinsk, etc. C’est alors aussi qu’est apparue la Grande Volga, une partie de l’actuelle Doubna où, en raison de la future retenue d’eau de la centrale hydro-électrique d’Ivankovo, a été lancée la production nationale d’hydravions4. À Sarov aussi, dès 1939, il existait une usine d’obus d’artillerie désignée par un numéro de code.

4La deuxième vague fut liée en partie au début de la guerre froide et au retard considérable que l’URSS avait pris par rapport aux États-Unis et au Royaume-Uni dans le domaine de l’énergie nucléaire. La fondation des villes atomiques (atomograds) inaugurée par Arzamas-16 (l’actuelle Sarov) est à mettre en rapport avec le programme nucléaire de l’URSS ; elles sont les créations du « Laboratoire no 2 de l’Académie des sciences de l’URSS » à Moscou 5. La plupart d’entre elles ont vu le jour juste après la guerre, les autres dans les années 1950.

5construction des savoirspolitique des savoirscommunismeEn 1946 commença la construction du Centre de recherches et d’essais nucléaires de Sarov. Le 17 juillet 1947 Sarov cessa de relever administrativement de la RSSA (République socialiste soviétique autonome) de Mordovie et disparut de tous les documents publics6. Le premier essai de la bombe atomique eut lieu en 1948 dans le polygone de Semipalatinsk 7, où se trouve aujourd’hui l’Institut fédéral de recherche scientifique en physique expérimentale. Commencé en 1946, le synchrocyclotron le plus puissant du monde à l’époque fut mis en service en 1948 : il entraîna la naissance d’une nouvelle naoukograd, Doubna 8.

6Toutes ces villes étaient étroitement liées au complexe militaroindustriel. Dès le départ, les naoukograds furent soumises à une autorité de tutelle, et un secret absolu les isola du monde extérieur. Au printemps de 1961, Francis Powers, le pilote américain d’un avion espion U-2 abattu au-dessus de l’Oural, put constater que cette protection hermétique s’étendait aussi à l’espace aérien.

Figure 1. Les principales «villes interdites» en URSS.
Les principales «villes interdites» en U.

7Toute une population de travailleurs, des milliers de familles furent ainsi « mises sous cloche » et par là même plongées dans des conditions de vie quelque peu surréalistes : ils menaient une double existence, l’une dans le temps et l’espace réels, l’autre dans un monde secret et paranoïaque lié à leurs fonctions.

Villes « ouvertes » et villes « fermées »

8Les naoukograds doivent être classées en deux catégories, très longtemps définies par des statuts et des régimes radicalement différents, à savoir, toutes proportions gardées, les villes « ouvertes » et les villes « fermées ». Des premières on disait, non sans une certaine réticence, qu’on pouvait acheter un billet de train et s’y rendre ; quant aux secondes, c’était comme si elles n’existaient pas, bien qu’elles fussent aussi réelles que les précédentes. Elles ont été soudainement révélées au milieu des années 1990, alors qu’on célébrait déjà le dixième anniversaire de la glasnost de Gorbatchev. En une heure, la Russie a vu éclore un grand nombre de « nouvelles » villes qui, en réalité, dataient déjà de cinquante ans !

9Pendant les longues années où un secret absolu enveloppa ces villes dans l’ex-URSS, les spécialistes et même les simples citoyens avaient acquis la faculté de lire « entre les lignes », pêchant l’information là où elle était sous-entendue ou même absente. Par exemple, la note en petits caractères figurant à la page 14 de l’annuaire statistique « Population de la Fédération de Russie recensée par villes, cités et zones ouvrières au 1er janvier 1994 » ne pouvait manquer d’attirer l’attention des spécialistes du peuplement urbain de la Russie : « […] les renseignements concernant les villes situées dans les entités administrativo-territoriales fermées (ZATO) ne figurent pas dans l’annuaire ». C’est la première mention et, pour ainsi dire, la reconnaissance officielle de l’existence des « villes fermées9 ».

10L’annuaire de l’année suivante recensait un ensemble de villes fermées ainsi que pour la première fois des données sur leur population10. Lors de leur « légalisation », les villes fermées reçurent, au lieu du nom de code habituel (Arzamas-16, Tomsk-7, Krasnoïarsk-26, etc.), des noms « civils », qui furent consignés dans les rapports statistiques officiels accessibles au public et même dans les encyclopédies11. Ces noms, malheureusement, ne brillent ni par leur expressivité ni par leur originalité12. On a eu de nouveau droit à des noms comme Jeleznogorsk [Ville du fer, la troisième en Russie !], Mirny [Pacifique], Zelenogorsk [Ville verte], ou encore Krasnoznamensk [Ville du drapeau rouge].

11Le secret recouvrant les « villes fermées » avait commencé à se dissiper au début des années 1990. Des informations filtraient dans la presse. Des journalistes, hommes d’affaires et dirigeants politiques étrangers et – beaucoup plus rarement – russes avaient même commencé à les visiter. Tout cela est d’autant plus étonnant que la clôture de ces villes – avec leurs quartiers résidentiels, leurs cinémas, leurs écoles, leurs magasins et leurs jardins d’enfants –, loin d’être une métaphore, était et demeure une réalité physique. Elles étaient entourées (et le sont toujours) par une zone de surveillance et des zones interdites, et leur périmètre était ceint de doubles ou triples barrières (parfois de barbelés !) qu’on ne pouvait franchir qu’à des postes de contrôle. Elles bénéficiaient, évidemment, d’un approvisionnement privilégié, et la vie y évoquait vaguement la mise en œuvre des idées phare du communisme. Le statut de ville fermée était conféré par des oukazes secrets du praesidium du Soviet suprême de la RSFSR (République socialiste fédérative soviétique de Russie).

12acteurs de savoirmodes d’interactionretraitSur les plans géographique, administratif et pratique, ces villes et leurs habitants étaient totalement isolés, exclus de la vie de la région qui les entourait : elles formaient des zones particulières, au sens que ce terme avait en URSS. La totalité de leurs territoires (dont la superficie n’a pas encore été exactement calculée) pourrait fort bien être désignée, sur le modèle du titre de l’ouvrage d’Alexandre Soljenitsyne, par l’acronyme « Archipel ZATO ».

13construction des savoirspolitique des savoirssecretLa révélation partielle d’informations sur les villes fermées n’équivalait nullement à une levée du régime restrictif qui les frappait, elles et les entreprises autour desquelles elles s’étaient constituées. Dans la mesure où le secret est nécessaire à la protection des intérêts de l’État et de sa sécurité, le concept de ZATO conserve son actualité et n’a été ni modifié ni révoqué. On voit même se dessiner une tendance à revenir à un régime renforcé (ces villes disparaissent à nouveau des cartes administratives) et à un élargissement du territoire des ZATO, le statut de ville fermée étant à présent attribué à des villes auparavant ouvertes. Ainsi, la ville autrefois « ouverte » de Poliarny sur la péninsule de Kola, où est située une base de la flotte septentrionale russe, a reçu le statut de ZATO en juin 1995 13. Dans le courant de 1996, ce statut fut approuvé ou confirmé pour les villes de Novoouralsk dans l’oblast [unité administrative du type région de la Fédération de Russie] de Sverdlovsk 14, Severomorsk 15 Radoujny dans l’oblast de Vladimir et Chikhany dans l’oblast de Saratov 16, ainsi que pour Bolchoï Kamen (satellite de Vladivostok et site d’un grand chantier de construction et de réparation navales).

14Il est difficile d’établir une distinction nette entre villes « fermées » et villes « ouvertes », s’agissant d’entités liées aux besoins de la Défense. Pour l’essentiel, les premières ne se distinguent des secondes que par l’époque de leur « ouverture partielle ». Une grande partie des recherches fondamentales en physique nucléaire, d’une grande importance pour les usages tant civils que militaires, a été effectuée dans des villes ouvertes, comme Obninsk, Doubna et Protvino. L’extraction du minerai d’uranium était pratiquée à Krasnokamensk et Lermontov, la conception des réacteurs atomiques réalisée à Dimitrovgrad et leur construction à Kolpino et Volgodonsk.

15inscription des savoirsvisualisationvisualisation de l’informationcarteOnt toujours également figuré sur les listes officielles et sur les cartes les villes de Severodvinsk 17 (construction de sous-marins nucléaires dans l’oblast d’Arkhangelsk), Joukovski (complexe d’aéro-spatiale), Khimki et Votkinsk (conception et production de fusées et de leurs propulseurs). On pourrait compléter cette liste avec des villes de la banlieue de Moscou, comme Dzerjinski, Friazino, Spoutino, Korolev (ex-Kaliningrad) et Lytkarino, ainsi que Radoujny dans l’oblast de Vladimir et Sossenski dans celui de Kalouga. Si ces villes étaient considérées comme ouvertes et méritaient quelques lignes dans les ouvrages de référence, leur description n’en était (et n’en demeure) pas moins partielle, voire déformée en raison de ce même régime restrictif.

16Ce processus d’« ouverture » a également touché les très grands centres du complexe militaro-industriel russe comme Moscou, Saint-Pétersbourg, Nijni-Novgorod, Samara, Ekaterinbourg, Omsk, Perm, etc. Si ce n’est que, dans leur cas, ce qui était révélé, ce n’était pas des villes, mais des entreprises18.

Géographie et démographie de l’archipel ZATO

17Les naoukograds et les ZATO ne sont absolument pas synonymes. La loi no 3297 de la Fédération de Russie adoptée le 14 juillet 1992 « sur les entités administrativo-territoriales fermées » instaurait un nouveau régime juridique pour les ZATO. Seules 47 agglomérations tombaient sous le coup de cette loi, dont 10 relevant du ministère de l’Énergie atomique et 37 du ministère de la Défense, ce qui représentait au total près d’1,5 million d’habitants. C’est en 1992, aussi, que fut créée l’Association des entités administrativo-territoriales fermées.

18Par une ordonnance du gouvernement de la Fédération de Russie en date du 4 janvier 1994, des désignations géographiques officielles furent attribuées à 19 villes et 18 localités au nombre des ZATO. Cette ordonnance dévoilait non seulement leurs noms, mais aussi des données relatives à leur population (effectivement employée et permanente), que l’on considérait jusqu’alors comme « dispersée » dans l’ensemble du territoire de la Fédération de Russie 19. Par rapport à la loi de 1992, on note l’absence d’au moins une dizaine de ZATO, mais d’autres surprises nous attendent. Certaines villes n’ont pas encore été vraiment « ouvertes », mais commencent tout juste à émerger : il est toujours aussi difficile de les identifier, et à plus forte raison de les situer sur la carte.

19Néanmoins, on peut dire que la Russie a récupéré d’un seul coup une quarantaine de villes théoriquement « nouvelles ». On imagine sans mal les réactualisations que les statisticiens, les démographes et les géographes ont été contraints d’apporter à leurs bases de données. Chaque nouvelle information sur les villes fermées devait les faire frissonner d’angoisse20.

20La majorité des agglomérations fermées récemment ouvertes sont des satellites de grands centres urbains – Moscou, Ekaterinbourg, Tcheliabinsk, Krasnoïarsk, Tomsk, Vladivostok, Penza, Mourmansk. C’est pourquoi il faudra aussi apporter des corrections aux statistiques des agglomérations, tant en ce qui concerne la liste des grandes villes qui s’accroît d’une unité grâce à Seversk (l’ex-Tomsk-7) que pour le tableau de l’urbanisation des régions russes21. La population permanente des 38 ZATO de la Fédération de Russie représentait, en 1995, une quantité non négligeable : plus d’1,1 million de personnes. Force est de constater que près d’un citoyen russe sur cent était un habitant « non déclaré ».

21Dans l’ensemble, les villes fermées comptent plus de vingt-cinq mille habitants. Seule Seversk se rattache au groupe des grandes villes, mais Jeleznogorsk, Novoouralsk et Oziorsk ont elles aussi presque atteint ce seuil. Parmi les villes « récemment ouvertes », on peut distinguer un certain nombre de groupes : ceux de l’Oural (5 villes et 3 localités), de la péninsule de Kola (5 villes), de Krasnoïarsk (2 villes et 3 localités) et de la région de Moscou (1 ville et 3 localités)22. Cela étant, il reste bien souvent impossible, comme nous l’avons déjà dit, d’indiquer leur situation exacte (voire approximative dans quelques cas) sur la carte de la Russie 23.

22typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialesurbanismeDu point de vue de l’urbanisme, la différence entre les ZATO relevant du ministère de la Défense et celles relevant du ministère de l’Énergie atomique est très grande. Parmi les premières dominent les villes proches des bases navales sur les rives de la presqu’île de Kola, du Kamtchatka et du Primorie (littoral de l’Extrême-Orient russe), de cosmodromes et de polygones d’essais nucléaires (Golitsyno-2, Plessetsk, Kapoustine Yar, Ouglegorsk), ainsi que d’autres installations militaires. En outre, si elles relèvent de plein droit de la catégorie des ZATO, elles sont loin de pouvoir toutes prétendre au titre de naoukograds.

23Les villes fermées relevant du ministère de la Défense représentent près des trois quarts du nombre total des ZATO, mais pour la population ce sont les villes relevant du ministère de l’Énergie atomique qui l’emportent, car en 1996 ces dix villes totalisaient 734 800 habitants, soit 64,4 % de la population globale des ZATO. Pour autant que nous le sachions, en dehors du territoire de la Fédération de Russie, il existe au moins encore une ex-atomograd soviétique, à savoir Semipalatinsk-21 (qui comporte un polygone) au Kazakhstan 24.

24De fait, lorsqu’on mentionne les villes « fermées », ce sont justement les atomograds relevant du ministère de l’Énergie atomique qui s’imposent immédiatement : c’est d’elles dont il s’agit dans les rares ouvrages sur les villes fermées en Russie 25. Il est intéressant de constater qu’en 1992 et 1994, selon les données de V. Tikhonov, la population globale de ces dernières représentait respectivement 705 900 et 732 900 habitants, sa croissance (qui, soit dit en passant, s’est considérablement ralentie au cours de ces dernières années) étant assurée grâce à des courants migratoires qui ont représenté, selon l’estimation de Tikhonov, 27 000 personnes en deux ans26. Sans cet afflux de spécialistes venus de l’extérieur, la tendance au vieillissement de la population l’aurait emporté depuis longtemps dans les villes fermées.

Caractéristiques urbaines des naoukograds

25Parmi les villes soviétiques (et postsoviétiques), les naoukograds se distinguaient par un urbanisme d’avant-garde. Ces villes étaient organisées autour d’instituts de recherche, de bureaux d’étude, d’usines expérimentales et de polygones d’essais. La recherche scientifique, des techniques à la pointe du progrès, des laboratoires dotés des équipements les plus modernes, des équipes de chercheurs, ingénieurs et techniciens hautement qualifiés, bien organisées et capables d’exécuter les programmes les plus complexes, tous ces éléments ont contribué à doter les villes fermées d’un potentiel exceptionnel, dépassant souvent, ou en tout cas égalant, celui de leurs analogues occidentaux.

26Il était logique que leur population comprenne un pourcentage élevé de diplômés de l’enseignement supérieur (de 30 % à 50 % des actifs). Avec ce potentiel intellectuel, elles se distinguaient des autres villes non seulement par leur isolement et leur approvisionnement privilégié, mais aussi par le développement de la culture, l’organisation des services municipaux, ainsi que dans de nombreux cas par une conscience écologique dépassant la moyenne du pays.

27En règle générale, les naoukograds disposaient d’un réseau d’approvisionnement en électricité et en eau autonome et bien sécurisé. Les complications et les désagréments résultant de la séparation d’avec le monde extérieur étaient compensés par un urbanisme de très haute qualité, d’après les critères soviétiques : les habitants devaient bénéficier de conditions de travail satisfaisantes, de conditions d’existence dignes et de loisirs décents. C’est pourquoi on n’y observait pas la disparité typique en Union soviétique entre les bâtiments destinés à la production et les habitations (en règle générale, séparés les uns des autres par une zone de protection sanitaire), de même qu’entre l’habitat proprement dit, le secteur des services et les espaces verts pour les loisirs. L’approvisionnement était comparable à celui d’une capitale, compte tenu du système de distribution planifiée et du déficit de biens de consommation touchant tout le pays : c’était d’une importance majeure pour les habitants de ces « réserves ».

28pratiques savantespratique artistiquearchitecture inscription des savoirsvisualisationvisualisation de l’informationplanLes villes fermées, comme les villes « ouvertes » d’époque récente telles Joukovski ou Obninsk, étaient construites suivant des plans uniques. Consciemment ou non, leur aménagement très soigné soulignait l’importance du rôle qu’elles remplissaient pour l’État. L’architecte et urbaniste Viatcheslav Glazytchev a même dit de la naoukograd Novoouralsk, située sur la ligne de partage des eaux entre l’Europe et l’Asie, qu’elle était la plus remarquable, à l’époque soviétique, de toutes les villes de l’ex-URSS 27.

29Les naoukograds étaient des villes d’un type nouveau, en avance sur leur siècle, et, pendant des décennies, elles se sont maintenues à peu près au niveau des États-Unis pour la recherche appliquée d’ordre militaire. Leurs laboratoires et leurs installations de production étaient des pôles de très haute technologie : n’eût été le secret qui les entourait, les naoukograds auraient pu fournir autant de lauréats du prix Nobel que les pays occidentaux.

La géographie des naoukograds

30espaces savantsterritoirecapitaleL’une des caractéristiques dominantes de l’implantation des naoukograds était la « satellisation ». Ces villes étaient en effet généralement situées aux abords de la capitale et des grands centres industriels de l’URSS : Leningrad (Sosnovy Bor), Novossibirsk (Koltsovo et Krasnoobsk), Tomsk (Seversk 28), Sverdlovsk, Tcheliabinsk, Krasnoïarsk, etc.

31Évidemment, il existe des exceptions à cette règle. Mais même lorsqu’une naoukograd se trouvait très éloignée de sa « ville mère », elle lui était toujours rattachée par des communications sûres et régulières, notamment aériennes. Sarov en est peut-être l’exemple le plus éclatant : la ville est située à 400 kilomètres de Moscou, à la jonction de la Mordovie et de l’oblast de Nijni-Novgorod, mais les noms éloquents qui lui ont été donnés au départ témoignent de ses liens particulièrement étroits avec la capitale : Moskva-2 à un certain moment, puis Kremlev. Severodvinsk, qui fait géographiquement partie de l’agglomération urbaine d’Arkhangelsk, se rattachait fonctionnellement à un autre centre septentrional : Leningrad. L’usine de Severodvinsk produisait des sous-marins atomiques d’après les plans élaborés par le centre de recherche-développement (NPO) Roubine à Leningrad.

32Les naoukograds présentent aussi une tendance à l’agglutination : elles constituent des groupements territoriaux et se concentrent dans quelques régions. Le plus important groupement de ce type se situe dans la région de Moscou (outre les naoukograds de l’oblast de Moscou, ce groupe comprend aussi des localités d’oblasts limitrophes : Obninsk, Radoujny, Redkino, Pereslavl-Zalesski)29.

33Les naoukograds, prises séparément, présentent non seulement une grande diversité démographique – de quelques milliers d’habitants jusqu’à plus d’une centaine de mille ! – mais aussi des statuts administratifs variés. Certaines naoukograds sont intégrées dans des villes : les akademgorodki (villages académiques), relevant de l’Académie des sciences de RussieNovossibirsk, Tomsk, Krasnoïarsk, Irkoutsk), la ville de Zelenograd (considérée comme un arrondissement de Moscou), Pravdinsk (considérée depuis 1932 comme une localité indépendante, puis incluse dans la ville de Balakhna). Certaines sont des localités urbaines (Obolensk, Koltsovo, Mendeleevo, Krasnoobsk, Redkino, etc.), d’autres des agglomérations rurales (Orevo, Remmach, Borok et même Zvezdny Gorodok). Quant à la naoukograd Peresvet, située à proximité de Sergueev Possad, elle faisait partie tout récemment encore de la ville de Krasnozavodsk, sous le nom de Novostroïka.

34acteurs de savoirmodes d’interactionretraitPour que ces villes soient vraiment « fermées », il fallait que leur situation réponde à certaines conditions géographiques, voire micro-géographiques. Dans l’idéal, il fallait qu’elles soient à l’écart des voies de communication et dissimulées aux regards indiscrets. De fait, elles sont souvent cachées dans des massifs boisés, proches des rives de lacs isolés30 ou de petites rivières non navigables. Ainsi, Oziorsk (ex-Tcheliabinsk-65) a été implantée dans une forêt sur la rive du lac Irtiach, Mirny sur la rive du lac Plessetsa, un lac peu profond et recouvert de nénuphars. À Jeleznogorsk (ex-Krasnoïarsk-26), la centrale nucléaire est profondément enfouie sous terre. Même située dans une agglomération, une ZATO ne doit pas attirer l’attention.

35En raison de leur spécialisation, les villes atomiques fermées sont des zones a priori à risques pour les habitants. Un taux important de radioactivité ainsi que d’éventuels accidents nucléaires affectaient inévitablement l’écosystème de ces villes comme la psychologie des habitants. La majorité des résidents de « l’Archipel ZATO » ne pouvait ignorer la réalité de ces dangers. Le risque d’« émissions de radiations collatérales » relevait de la routine31. En 1957, par exemple, Tcheliabinsk-65 (Oziorsk) fut le théâtre d’une explosion nucléaire suivie de retombées radioactives : le nuage atomique a atteint une hauteur d’un kilomètre et s’est propagé jusqu’à 350 kilomètres de la centrale32. Il s’est formé une zone radioactive d’une superficie de 23 000 km2, touchant une population d’environ 270 000 habitants. La rivière Tetcha et le lac Karatchaï33 ont été pollués par la radioactivité. Le 6 avril 1993, une explosion s’est produite dans le combinat de traitement du plutonium de Seversk (Tomsk-7) : c’était le vingt-quatrième d’une série d’accidents, dont certains ont entraîné des cas d’irradiation34. Les accidents lors du lancement de fusées ont été fréquents aussi à Mirny et Kapoustine Yar. Il n’est donc guère étonnant que les villes fermées soient aujourd’hui spécialement mal vues des « Verts » et des autres défenseurs de la nature35.

Traits spécifiques des naoukograds

36Les naoukograds se différencient par tout un ensemble de traits, dont la notoriété. Les plus connues sont Doubna, la ville de la physique nucléaire, Korolev, la capitale de l’Urss pour la recherche spatiale, Sarov et Snejinsk, les berceaux de la bombe atomique et de la bombe à hydrogène soviétiques, et, évidemment, Obninsk, lieu de naissance de l’électricité nucléaire. Joukovski est depuis peu de temps le siège de salons d’aérospatiale et de shows d’aviation qui attirent des centaines de milliers de spectateurs !

37Nous en savons beaucoup moins sur des villes comme Dzerjinski où l’on fabrique du combustible pour les fusées et des vêtements pour les cosmonautes ou sur Koltsovo qui abrite, depuis plus d’un quart de siècle, un centre de biotechnologies et de virologie, ou encore Klimovsk, une ville où l’on fabrique des armes et des cartouches.

38Un centre militaire de la banlieue moscovite, Youbileïny, a connu une évolution intéressante36. Tout commence par la fondation, en septembre 1939, de l’école de génie militaire du Drapeau rouge de Moscou, transformée plus tard en Institut de recherche scientifique du ministère de la Défense de la Fédération de Russie, qui fut le berceau de la technique des fusées et des armes spatiales du pays. En 1972, cette localité a été classée dans la catégorie des ZATO 37, et un an plus tard, en vue de préserver son caractère secret, elle a été rebaptisée Bolchevo-138. Ce n’est qu’au printemps de 1992 qu’elle est devenue la ville de Youbileïny, relevant directement de l’oblast39.

39Des recherches militaires de ce type nécessitaient en particulier de puissants cosmodromes. C’est pourquoi les localités voisines étaient elles-mêmes condamnées au statut de ZATO. La ville moderne de Mirny, à côté du cosmodrome de Plessetsk, a d’abord eu pour noms de code Moskva-300 et Leningrad-400, avant de devenir ensuite Lesnoï 40.

40La ville et le cosmodrome, mis en service en 1959, ne sont distants que de quelques kilomètres. Jusqu’au début des années 1980, on y expérimentait et déployait des missiles balistiques intercontinentaux, pointés sur l’Amérique du Nord. En 1964, les bases de lancement de Plessetsk furent rééquipées pour permettre le lancement de spoutniks : c’est de là que furent placés sur orbite plus de la moitié des satellites du monde entier41. L’importance de Plessetsk s’est rapidement accrue après la chute de l’URSS, qui a privé le pays de son accès direct et inconditionnel à Baïkonour, désormais ville du Kazakhstan indépendant. Quand en 1992 la Russie s’est dotée de forces militaires spatiales, la ville de Mirny est devenue leur centre. Sur le plan industriel et urbain, les naoukograds témoignent d’une remarquable diversité. On peut, avec M. Kouznetsov 42, les classer en villes à fonction unique (monovalentes), villes à orientation unique et villes polyvalentes. Dans les naoukograds monovalentes, la grande majorité des travailleurs est concentrée dans le secteur de production principal. Obolensk en offre un exemple typique : elle n’assure l’infrastructure et le fonctionnement que d’un seul centre de recherche en microbiologie appliquée. On peut citer d’autres villes de ce type : Protvino, Koltsovo, Krasnoznamensk, Belozerski, Mendeleevo et Reoutov.

41Les naoukograds à orientation unique réunissent plusieurs entreprises dans la même branche d’activité scientifique et technique. C’est, par exemple, Joukovski où sont implantés de très grands centres de recherche et d’expérimentation concernant l’aviation, ou Tchernogolovka dont les instituts de recherche sont spécialisés en physico-chimie. Sont également à orientation unique des villes comme Korolev, Youbileïny, Krasnoobsk et Triokhgorny. Les villes fermées ont toujours été très spécialisées, polarisées sur une fonction bien définie. Cependant, autour de cet axe principal pouvaient graviter des activités secondaires, comme les entreprises du bâtiment.

42Les naoukograds polyvalentes rassemblent des entreprises relevant de branches différentes. L’exemple le plus caractéristique est Doubna : outre l’Institut unifié de recherches nucléaires, sont implantés des centres de recherche et de développement et des bureaux d’étude s’occupant d’aérospatiale et de mise au point d’appareils de précision, ainsi qu’une Université internationale. Se rattachent à ce groupe des villes comme Seversk, Klimovsk, Jeleznodorojny et Dolgoproudny.

43Les villes fermées les plus polyvalentes relevant du ministère de l’Énergie atomique sont aussi les leaders incontestés dans le domaine de l’arme nucléaire, comme Sarov (l’ex-Arzamas-16) et Snejinsk (l’ex-Tcheliabinsk-70) – les seules atomograds assurant le cycle complet de recherche et de production. À Snejinsk se trouve un deuxième Centre fédéral de recherches nucléaires, où fut fabriquée la plus puissante bombe à hydrogène43. Ces deux villes furent conçues dès le départ comme des centres scientifiques, alors que les autres villes fermées relevant du ministère de l’Énergie atomique étaient des complexes de production axés soit sur les composantes de l’arme nucléaire (Seversk, Ozersk, Jeleznogorsk etc.), soit sur l’assemblage des armes elles-mêmes (Lesnoï, Zaretchny, Triokhgorny).

44construction des savoirsvalidationréputationL’ex-Tcheliabinsk-65 (Oziorsk) bénéficia d’une triste « célébrité », surtout après la catastrophe de 1957. En fait, elle est la ville-dortoir du complexe de production de plutonium, Majak (Maïak), créé en 1945 sous le nom de Tcheliabinsk-40. C’est ici qu’en juin 1948 commenca dans le réacteur A-1 (Annouchka) la production de plutonium à usage militaire sous la direction de I. V. Kourtchatov, les premiers succès datant de février 1949. Outre Maïak, on trouve à Oziorsk des centres de médecine de la radioactivité où l’on étudie les conséquences de l’irradiation massive des populations.

45La plus grande ville fermée, Seversk (ex-Tomsk-7), s’est développée autour du Combinat chimique sibérien (CXK), le plus important complexe de production de plutonium à usage militaire et de traitement de matières radioactives. Seversk est une grande naoukograd qui a su dépasser sa spécialisation unique. Au début de 2003, on recensait sur son territoire 1 571 entreprises et organisations. Aujourd’hui, la ZATO Seversk renferme des entreprises industrielles, des entreprises de gestion municipale et des établissements scientifiques, culturels et d’enseignement. Plus de 70 % des fonds principaux et 30 % de la population active sont concentrés dans l’industrie : outre la métallurgie des métaux non ferreux, sa spécialité, on a vu aussi s’y développer les constructions mécaniques, la métallurgie de transformation, les industries chimique et pétrochimique ainsi que l’agro-alimentaire et l’industrie légère. Les établissements d’enseignement de Seversk comprennent l’Institut technologique d’État, le Collège industriel, deux écoles techniques et un bureau de formation des cadres pour le CXK.

46Novoouralsk (ex-Sverdlovsk-44) fut fondée en 1946 à l’occasion de la construction du Combinat électrochimique de l’Oural entré en service en 1949. Le combinat qui relevait du ministère de la Construction mécanique était le principal fournisseur d’uranium enrichi de haute qualité des entreprises du complexe militaro-industriel44. C’est ici que fut mise en service, en 1957, la première usine expérimentale de séparation des isotopes de l’uranium par centrifugation (la production industrielle démarra en 1962-1964)45. La ville elle-même fut fondée le 17 mars 1954 par un oukaze du praesidium du Soviet suprême de la RSFSR. Et c’est en 1967 qu’y débuta la construction de l’usine automobile de l’Oural qui se spécialisa dans l’assemblage des camions. L’industrie du bâtiment et le secteur des services sont bien développés dans la ville. On y trouve aussi un théâtre d’opérette, un théâtre de marionnettes, une filiale de l’Institut moscovite d’ingénierie et de physique et l’Institut polytechnique de l’Oural.

47Les installations de production et de stockage de Jeleznogorsk (Krasnoïarsk-26) sont enterrées sous la montagne (à une profondeur de 250 mètres), à l’abri des explosions nucléaires. La construction a commencé en 1950, le premier réacteur a été mis en service en 1958 et le troisième en 1964. La majorité des vingt mille ouvriers du site étaient des détenus. On dit que le volume des travaux de terrassement – environ 7 millions de mètres cubes – équivaut à celui de la construction de tout le réseau métropolitain moscovite46. Le plutonium à usage militaire était expédié à Triokhgorny (ex-Zlatooust-36) et à Lesnoï (ex-Sverdlovsk-45) où l’on fabriquait des bombes et des ogives nucléaires.

48La naoukograd la plus polyvalente de Russie est sans doute Obninsk 47. Sur une population globale de 108 300 habitants en 2000, la population active représentait 49 300 habitants, dont 12 900 étaient employés dans douze instituts de recherche du secteur public. Outre la technologie de l’atome, ces instituts étaient spécialisés dans les nouveaux matériaux, la médecine, la construction d’appareils de précision, la protection de l’environnement et les différentes branches de l’agronomie. En outre, environ trois cents petites et moyennes entreprises municipales ou privées se spécialisent dans les secteurs technico-scientifique et de l’innovation. Il y a aussi des structures de coordination et un ensemble d’établissements d’enseignement supérieur.

Des centres de formation scientifique

49construction des savoirséducationUne naoukograd est une triade complexe associant science, industrie et enseignement. La vocation éducative, même si elle n’est pas attestée partout, constitue une composante essentielle des naoukograds. En effet, les conditions y sont extrêmement favorables au développement de l’enseignement secondaire spécialisé et supérieur, puisque l’on peut avoir comme professeurs des scientifiques de premier plan, utiliser les laboratoires et les ateliers des entreprises expérimentales pour les stages pratiques des étudiants et placer facilement ces derniers dans les entreprises. Cependant, le potentiel unique dont disposaient les naoukograds pour développer l’éducation a été sous-utilisé. L’obstacle tenait en partie au voile de mystère qui enveloppait ces villes et leurs principales installations. Le pourcentage de spécialistes formés sur place s’est accru sans cesse. Dans les années 1970, il était de l’ordre de 46 %, dans les années 1980, de 57 % et, dans les années 1990, il atteignait presque 90 %. Selon les termes de V. Tikhonov, les villes fermées sont parvenues à « l’autosuffisance48 ».

50espaces savantslieuacadémie espaces savantslieuuniversitéLes établissements d’enseignement supérieur des naoukograds répondent aux besoins en personnels hautement qualifiés des bureaux d’étude, entreprises et centres de recherche locaux. On y trouve souvent des filiales des principaux établissements d’enseignement du pays comme le MGOU (Université d’État de Moscou Lomonossov), le MFTII (Institut de physique et de technologie de Moscou à Dolgoproudny), le MIFI (Institut d’ingénierie et de physique de Moscou), le MAI (Institut d’aéronautique de Moscou), la MVTA (Académie technique supérieure Bauman), etc.

51Les naoukograds ont aussi créé des établissements d’enseignement supérieur de haute qualité. C’est ainsi que l’université créée dès 1959 dans l’akademgorodok de Novossibirsk a su concilier avec succès la recherche fondamentale et la formation scientifique. À Pouchtchino, une université de biologie a regroupé les instituts de biologie préexistants. En 1994 s’est ouvert à Doubna un établissement d’enseignement supérieur « humaniste » : l’Université internationale de la nature, de la société et de l’homme, et des filiales ont déjà été implantées à Protvino, Dzerjinski et Krasnoarmeïsk 49.

La crise des naoukograds et ses solutions

52Le démantèlement de l’URSS a entraîné des temps difficiles pour les naoukograds et les villes fermées. Elles ont subi les violents contrecoups de la crise de l’ensemble du système. La disparition de leur principal promoteur et client exclusif, l’Union soviétique avec son puissant complexe militaro-industriel (VPK), a brutalement remis en question la nécessité même des naoukograds, et entraîné une réduction drastique, parfois la suppression pure et simple, des commandes d’État. Une autre conséquence fut le paiement aléatoire des salaires, même pour un travail déjà effectué. Ces salaires, du reste, correspondaient de moins en moins à la haute qualification des personnels et étaient désormais sinon inférieurs, du moins égaux à celui des travailleurs des autres régions. Les ZATO soviétiques et le capitalisme classique, c’est-à-dire l’économie de marché, n’avaient pratiquement rien en commun. Non seulement les naoukograds et les villes fermées ont perdu leurs privilèges exorbitants, mais elles se sont retrouvées au bord de la faillite, voire de la disparition pure et simple.

53construction des savoirséconomie des savoirsfinancementL’absence de financement mit fin presque totalement aux recherches en cours sur les armes nouvelles. Et lorsque les commandes commencèrent à porter sur des objets de consommation courante, au lieu des produits extrêmement spécialisés d’autrefois, le résultat fut une croissance exponentielle du chômage dans les villes fermées au milieu des années 1990. Malgré les efforts conséquents des autorités municipales et des dirigeants des entreprises pour s’adapter aux conditions du marché, on a vu apparaître pour la première fois, dans l’histoire des villes fermées, un risque réel de « fuite des cerveaux ».

54La coexistence des ZATO et de la nouvelle économie de marché en Russie a contraint l’État à se préoccuper des villes fermées : les intérêts de la Défense nationale l’exigeaient. Il fallait éviter l’effondrement définitif et la disparition de ces équipes de travail soudées et efficaces. Les ZATO ont entrepris une reconversion axée sur les technologies de pointe habituelles et les compétences de leurs spécialistes, ainsi que sur des capacités de production jusqu’alors sous-utilisées.

55Les villes fermées ont donc bien commencé à s’entrouvrir. Dans l’espoir d’attirer des investisseurs, on a autorisé l’accès de ces villes aux étrangers50. Si autrefois la curiosité pour les secrets nucléaires et les cosmodromes soviétiques pouvait coûter cher aux étrangers, de nos jours, ils sont les bienvenus dans les naoukograds : en 1992, le secrétaire d’État américain, James Baker, a officiellement visité la ZATO de Snejinsk, alias Tcheliabinsk-70, ville au-dessus de laquelle avait été abattu l’avion piloté par Powers.

56Il convient de mentionner ici la Nuclear Cities Initiative (Initiative des villes nucléaires) lancée par les États-Unis, en 1997-1998, pour développer l’entreprise privée dans les villes fermées et y attirer les investissements. À la suite de cette initiative a été créée à Snejinsk une SARL, Spektr-Konversia, et à Snejinsk et Jeleznogorsk des centres internationaux de développement, pour aider à la création de petites entreprises.

57Les entreprises des ZATO se sont donc reconverties dans de nouvelles productions et, pour la première fois de leur histoire, ont travaillé pour l’exportation. C’est ainsi que le Combinat électrochimique de l’Oural, à Novoouralsk, livre de l’uranium faiblement enrichi aux pays de la CEI (Communauté des États indépendants), à la Grande-Bretagne, à la France, à l’Allemagne, à la Suède, à la Finlande et à l’Espagne. Les sports d’hiver permettent aussi une forme originale de reconversion : les environs de Snejinsk et surtout de Triokhgorny s’y prêtent particulièrement.

58Paradoxalement, un grand nombre d’habitants des villes fermées, habitués au confort de leurs vies secrètes à l’abri du monde extérieur, ne souhaitent absolument pas voir leurs villes s’ouvrir totalement. Bien au contraire, dans de nombreuses villes aujourd’hui ouvertes, grande est la nostalgie du passé : même à Norilsk, les habitants ont souhaité à 89 % le retour au statut de ville fermée.

59Grâce à leur potentiel exceptionnel, cependant, ces villes pourraient offrir à la Russie des horizons nouveaux pour une renaissance économique adaptée aux exigences modernes, devenir les noyaux de technopoles, des villes universitaires d’élite ou des foyers de développement et de carrefours régionaux. La condition d’une telle évolution est de cesser d’être des villes « fermées », tout en préservant le secret nécessaire aux productions les plus spécifiques. Pour la première fois de leur histoire, les naoukograds ont pu, comme n’importe quelle ville, vivre en interaction et être le centre de leur environnement immédiat, dont elles avaient été littéralement séparées.

Notes
1.

Gnedovski, 1995, p. 109.

2.

Aguirretchou, 2002, p. 133.

3.

Tiré des statuts de l’Union du développement des naoukograds de Russie.

4.

Aguirretchou, 2004, p. 4.

5.

Aujourd’hui centre scientifique d’État dénommé Institut Kourtchatov

6.

Interdiction absolue fut faite, à tous ceux qui y travaillaient ou qui y habitaient, de mentionner l’ancien nom du lieu, et cela pendant près de quarante ans (cf. Krouglov, 1995, p. 143).

7.

Cet essai mit fin au monopole nucléaire des États-Unis et inaugura le nouvel équilibre géopolitique de la guerre froide.

8.

Aguirretchou, 2004, p. 5-6.

9.

La notion de « ville fermée » désigne aussi aujourd’hui « un régime spécial de sécurité de fonctionnement », des restrictions applicables à l’entrée et à la domiciliation des citoyens, aux survols de son territoire par des aéronefs, ainsi que la présence d’une zone contrôlée et interdite.

10.

Recensement, 1995.

11.

En particulier, des entrées sur Jeleznogorsk (Krasnoïarsk-26), Zelenogorsk (Krasnoïarsk-45) et Seversk (Tomsk-7) furent incluses in Lappo, 1994.

12.

Il existe une exception frappante : Arzamas-16 (Sarov), ville créée sur l’emplacement d’une source sacrée et d’un monastère fondé par le bienheureux Séraphin de Sarov. Avant de retrouver son nom historique cette « petite patrie » de la bombe atomique soviétique a dû s’appeler Kremlev pendant un an. À diverses étapes de son histoire interdite Arzamas-16 a eu d’autres désignations : Privoljskaïa kontora, KB-11, Obekt 550, Kremlev, Moskva, Tsentr 300, Moskva-2, Arzamas-75.

13.

Oukaze no 584 en date du 7 juin 1995 du président de la Fédération de Russie, Boris Eltsine, « Sur la transformation de la ville de Poliarny dans l’oblast de Mourmansk en entité administrativo-territoriale fermée » (« Recueil des textes législatifs de la Fédération de Russie », no 24, 1995, p. 4316, cote no 2263).

14.

Oukaze no 386 en date du 16 mars 1996 du président de la Fédération de Russie, Boris Eltsine, « Sur la confirmation des limites de l’entité administrativo-territoriale fermée de Novoouralsk dans l’oblast de Sverdlovsk » (« Recueil des textes législatifs de la Fédération de Russie », no 12, 18 mars 1996, p. 2848-2849, cote no 1068).

15.

Oukaze du président de la Fédération de Russie du 26 novembre 1996.

16.

Décret du Conseil des ministres de la Fédération de Russie du 15 septembre 1996.

17.

L’entreprise (Sevmachpredpriatie) qui y était implantée a fabriqué les croiseurs sous-marins à propulsion nucléaire Typhon, Granit, Panthère ou le tristement célèbre Komsomoletz. Le chantier de construction navale Zviozdotchka qui s’y trouve s’occupe aussi du fonctionnement des croiseurs sous-marins nucléaires (Izvestija, 15 juill. 1994).

18.

C’est seulement à une date relativement récente qu’on a appris qu’à Omsk se trouvait le complexe de recherche et de production Poliot et, à Taganrog, le très important centre Beria de conception et de production d’hydravions, que le Krasny Sormov de Nijni-Novgorod fabriquait des sous-marins nucléaires, que les missiles Topol étaient fabriqués à Votkinsk, les MIG 29 dans l’usine d’aviation de Nijni-Novgorod et que les missiles antinavires Moskit étaient conçus à Doubna et assemblés à Arsenev.

19.

La méthodologie de cette dispersion n’a pas encore été dévoilée.

20.

Ainsi, la Moskovskaja Pravda a mentionné une fois la ville de la banlieue de Moscou Klin-9, mais reste encore à deviner de quel type de ville il s’agit et quel est son nom « civil » (numéro du 21 février 1992). Sur la carte fournie par M. Sergueeva figurent aussi des toponymes comme Dmitrov-7, Kazan-75, Sverdlovsk-17, Omsk-5, Novossibirsk-49, Perm-6 et Krasnodar-59 (Sergueeva, 1996, p. 3). En outre, Dmitrov-9 est un polygone autonome, une entreprise qui n’a rien de secret, et l’on ne comprend pas pourquoi cette ville a conservé son nom de code.

21.

Pour plus de détails voir : Polian et Selivanova, 2005.

22.

Le nombre global des naoukograds plus ou moins isolées du reste du monde dans la région de Moscou est de plus de vingt.

23.

Indiquons néanmoins les premières tentatives faites pour les localiser : Pryde et Bradley, 1994, p. 564 ; Sergueeva, 1996 ; Stadelbauer, 1996, p. 266.

24.

Koldobski et Malek, 1994, p. 136.

25.

oir Tikhonov, 1996. Ces recherches reposent sur trois enquêtes sociologiques effectuées en mai-juin 1992, en juin 1993 et en juin 1995 auprès de spécialistes dans l’une des villes fermées (dont le nom n’est pas dévoilé).

26.

Ce qui correspondait au coefficient annuel moyen d’accroissement des flux migratoires, soit 2,3 % (Tikhonov, 1996, p. 7-11).

27.

Glazytchev l’explique ainsi : « Tout d’abord, les techniciens qui fondèrent cette branche d’industrie sous la surveillance de Beria avaient soit effectué un stage dans le laboratoire de Rutherford en Angleterre, soit été les élèves de personnes y ayant effectué un stage et avaient donc une idée très nette de l’aspect que devait avoir la ville. Et l’administration respectait l’avis de ces gens-là. C’est pourquoi naquit au milieu de l’Oural […] un ensemble urbain tout à fait humain et en plus, de type tout à fait pétersbourgeois. Des immeubles d’habitation d’un à deux étages soigneusement crépis et agréables à l’œil, des petits pâtés de maisons entourés de verdure ; un stade avec une entrée en forme de portique ; un théâtre évoquant par sa forme celui d’Alexandra ; une place centrale de belles proportions et entourée d’un portique, où même le monument incontournable du chef est d’une meilleure facture et mieux construit que dans des capitales d’oblast, etc. Deuxièmement, dans le système relevant du ministère de la Construction mécanique, les normes sociales (officiellement obligatoires pour l’ensemble de l’urbanisme soviétique, mais jamais respectées en vertu du principe bien connu de la non-finition) étaient strictement appliquées. Il y avait exactement autant de jardins d’enfants, de magasins, de cafés, de squares et de salles de sport qu’il “convenait” ; et il faut ajouter que les normes en question avaient été fixées par des gens assez intelligents : tout était en quantité suffisante, si on part de considérations strictement utilitaires » (Glazytchev, 1996, p. 31-35).

28.

Seversk n’est située qu’à 12 kilomètres de Tomsk.

29.

C’est ce qui les distingue de la France, par exemple, où les technopoles sont réparties dans toutes les régions du pays.

30.

Certains lacs servaient de dépôts pour les déchets radioactifs, ce qui était lourd de conséquences écologiques

31.

Un incident a eu lieu le 17 juillet 1997 à Arzamas-16 : un flux de rayons ionisants s’est échappé de l’une des installations, entraînant une importante irradiation de l’opérateur (cf. Kommersant-Daily, 91, 18 juillet 1997, p. 7).

32.

C’est ce qu’on appelle l’« Empreinte radioactive de l’Oural oriental ». Sa carte a été reproduite lors d’un entretien entre un correspondant de la revue allemande Focus et le directeur général de Majak (Maïak), V. Fetissov (Haury et Kunz, 1994, p. 221).

33.

Pendant l’été de 1967, le lac s’est trouvé asséché, et les particules radioactives ont été dispersées par le vent.

34.

Kostjoukovski, 1993.

35.

Par exemple, c’est sur les instances des « Verts » que la construction de la centrale atomique de l’Oural du Sud a été bloquée (Larine, 1993).

36.

Goloubov, 2000, p. 31.

37.

Oukaze no 881 du praesidium du Soviet suprême de la RSFSR, daté du 24 février 1972 : « Sur l’inclusion de la localité de l’unité militaire 25840 de l’oblast de Moscou, Youbileïny, dans la catégorie des cités ouvrières de type fermé ».

38.

Par l’arrêté du comité exécutif du Soviet de l’oblast de Moscou no 159 en date du 14 février 1973.

39.

Par l’oukaze no 2844-1 en date du 25 mai 1992 du praesidium du Soviet suprême de la Fédération de Russie.

40.

Lesnoï, 1997.

41.

Obert, 1992.

42.

Kouznetsov, 1998 et 2000.

43.

C’est ici aussi que, à l’automne de 1996, le directeur Vladimir Netchaï s’est donné la mort par désespoir, incapable qu’il était de modifier quoi que ce soit dans « sa » ZATO.

44.

Trois usines analogues sont apparues à Tomsk-7, à Krasnoïarsk-26 et à Angarsk.

45.

Mikouline et al., 1994.

46.

Koldobski et Malek, 1994, p. 137 ; Morozov, 1997.

47.

Pour une description poétique de l’histoire et de la géographie d’Obninsk, voir Zamiatina, 2004.

48.

Tikhonov, 2000, p. 25-26.

49.

Aguirretchou, 2004, p. 10.

50.

Par exemple, la presse a annoncé qu’un groupe de chercheurs de Sarov, sur une commande du Pentagone et pour une rétribution dérisoire, avait analysé toute l’histoire des expériences nucléaires soviétiques (Nadeïne, 1996).

Appendix A Bibliographie

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