Christian Jacob

‘Toute recherche historiographique s’articule sur un lieu de production socio-économique, politique et culturel. Elle implique un milieu d’élaboration que circonscrivent des déterminations propres : une profession libérale, un poste d’observation ou d’enseignement, une catégorie de lettrés, etc. Elle est donc soumise à des contraintes, liée à des privilèges, enracinée dans une particularité. C’est en fonction de cette place que des méthodes s’instaurent, qu’une topographie d’intérêts se précise, que des dossiers et des questions à poser aux documents s’organisent1.’

1construction des savoirstraditioncumulativité espaces savantsterritoiretransnational acteurs de savoirprofessionchercheur acteurs de savoirmodes d'interactioncollaborationCette proposition de Michel de Certeau, que nous pourrions, au-delà de l’historiographie, appliquer à bien d’autres champs de savoir, invite à mettre en abyme, dans le miroir de la réflexivité, le projet de ce volume et les conditions de sa réalisation. Quel est le lieu des Lieux de savoir ? La genèse de ce livre a été portée par un réseau de chercheurs français et étrangers qui, au fil de son institutionnalisation2, est resté une structure ouverte, transversale, interdisciplinaire et internationale, sans exclusive d’ordre idéologique ou épistémologique. Le Groupement « Les mondes lettrés » réunit en effet des praticiens de la recherche dans les humanités et les sciences humaines, qui partagent une activité empirique : lecture, édition, commentaire, exploration de corpus de sources, de situations historiques ou de domaines disciplinaires. Le croisement de ces recherches a permis la construction d’un champ : l’histoire et l’anthropologie des pratiques intellectuelles et des traditions de savoir. Ce premier volume des Lieux de savoir, fruit de plusieurs années de travail sous forme de séminaires, de journées d’études, de publications d’étape3 et d’un think tank électronique, voudrait être le livre-laboratoire de ce réseau, accessible à tous les lecteurs curieux de la nature et de l’histoire des savoirs, dans leur infinie déclinaison morphologique et culturelle, comme aux chercheurs qui les étudient pour les reconstituer, les comprendre ou les préserver, ou aux praticiens à l’œuvre en ce temps de mutations dans les champs de l’écrit, de la communication et de la technique.

2espaces savantslieulaboratoire pratiques savantespratique intellectuellecomparaison typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialesNi lieu disciplinaire ni livre encyclopédique, ce laboratoire virtuel reflète l’état de la recherche en histoire et en anthropologie des savoirs, mais il veut dépasser les clivages des spécialités pour mettre en évidence des objets, des mécanismes, des dynamiques, des phénomènes, des scénarios qui, inscrits dans la spécificité de situations historiques et culturelles, sont en même temps investis d’une valeur paradigmatique, se prêtant à des opérations critiques et réflexives : sur les sources, sur les méthodes et les approches possibles de leur exploitation, sur les latitudes de généralisation et de transposabilité, sur les liens entre l’événement et la structure, sur les concepts opératoires et les schémas d’explication. Dans ce laboratoire, l’historien des sciences comme l’orientaliste, le classiciste comme le sinologue, l’anthropologue comme le philologue confrontent leurs expériences propres, comparent leurs échantillons et leurs instruments, explicitent les réglages et les protocoles de l’interprétation des sources, reviennent à la matérialité même des situations et des objets.

3construction des savoirstraditionhéritageL’œuvre monumentale des Lieux de mémoire, publiée sous la direction de Pierre Nora, de 1984 à 1992, a fondé une nouvelle approche de l’histoire de la République, de la Nation et de la France, déployant un continuum où la matérialité des objets, des gestes et des monuments conduisait, par paliers successifs, à une compréhension inédite des discours les plus articulés et des représentations fondatrices d’une identité partagée. Les Lieux de mémoire, par leur retentissement international comme par leur impact sur la redéfinition du champ et des objets de la recherche historique, ont profondément marqué la génération à laquelle appartient le maître d’œuvre du présent ouvrage.

4pratiques savantespratique intellectuellecomparaison typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialesanthropologie construction des savoirsépistémologieinterdisciplinarité construction des savoirsvalidationexpérimentationSi le projet des Lieux de savoir reprend les principes du plan thématique réparti sur plusieurs volumes et du découpage des champs selon leurs articulations et leurs niveaux, il se différencie des Lieux de mémoire tant par les conditions de sa genèse, portée par un collectif de chercheurs, que par sa visée expérimentale, soucieuse d’élargir les questionnements aux disciplines d’érudition et de sciences humaines. Les Lieux de savoir visent moins à constituer une somme qu’à ouvrir une voie : les praticiens de la recherche sont appelés à unir leurs forces et leurs ressources pour construire dans toute leur complexité théorique les objets et les problèmes qu’ils rencontrent dans leurs champs respectifs, et ce en associant l’approche comparatiste et l’ouverture interdisciplinaire. Il ne s’agit pas de reconstruire la généalogie et l’architecture d’un modèle particulier, celui de la science occidentale contemporaine, fondée sur l’observation, l’expérimentation et la médiation technique et construite par la mathématisation, mais de situer ce modèle par rapport à d’autres, en d’autres lieux et d’autres temps – savoirs proches ou lointains, parents ou non –, non pour aboutir à un relativisme, mais pour dégager ce qu’ils partagent comme ce qui les différencie, dans leur nature, leur visée, leurs fonctions, leurs fondements. Cette construction critique et théorique est le premier enjeu de l’entreprise. De plus, alors qu’une actualité brûlante montre que le choc des traditions et l’incompréhension entre cultures et religions peuvent mettre la planète à feu et à sang, cette enquête entend aussi, au moyen d’un parcours historique circonstancié et d’une comparaison anthropologique articulée, s’intéresser à la multiplicité des savoirs et des croyances, sans perdre de vue l’unité fondamentale des cultures humaines par-delà le bouillonnement de leurs transformations. Tel est le second enjeu.

5typologie des savoirsobjets d'étudesociété typologie des savoirsobjets d'étudeespace typologie des savoirsobjets d'étudetempsLes Lieux de savoir procéderont en un premier temps à une déconstruction de l’histoire des sciences et des savoirs, sans que leur évolution, leurs progrès, leurs contenus, leurs hiérarchisations soient au principe de l’enquête. En revanche, le changement d’échelle, du global au local, de la longue durée au moment situé, de la discipline à ses acteurs, individuels ou collectifs, permettra de faire surgir les gestes et les opérations, les instruments et les supports, les savoir-faire et les pratiques, les modes d’interaction et les procédures de validation, les formes de l’inscription et les dynamiques de la transmission qui contribuent, dans leur articulation, à définir ce qui fait ou non office de savoir, à telle époque et pour telle aire géographique, pour une société donnée ou pour l’une de ses composantes4.

Quatre points cardinaux pour un horizon théorique

6Premier volume d’une série de quatre, Espaces et communautés, est construit autour d’une question centrale : comment des savoirs en viennent-ils à faire corps et à « faire lieu », à être partagés dans des collectifs, à organiser des territoires, à circuler dans des réseaux ?

7construction des savoirsvalidation acteurs de savoirmodes d'interactionUn premier fil conducteur relie les contributions : les logiques qui font des savoirs une entreprise partagée. Il s’agit de comprendre la nature des liens qui rattachent un individu à un groupe, sous les formes de l’appartenance et de l’intégration, parfois aussi de la contestation et de l’exclusion. Les communautés savantes inscrivent les savoirs dans un espace politique : non seulement celui des rapports de pouvoir, de la règle instituante et des hiérarchies, mais aussi, plus fondamentalement, celui d’une vie et d’un travail collectifs, fondant un certain mode de circulation des énoncés et des idées, délimitant le champ du pensable et du dicible, et apportant à chacun autorité et légitimation. Les savoirs sont ici envisagés comme un lien social qui assigne des positions et des tâches, qui attribue des fonctions et qui reconnaît des spécialités, contribuant de la sorte à la définition de normes et de programmes, à la réalisation d’opérations complexes, comme la diffusion dans le temps et dans l’espace, par l’enseignement ou par la transmission. Les savoirs sont ainsi un objet symbolique, à la fois trait identitaire, signe de reconnaissance, valeur d’échange, instrument de pouvoir et lien communautaire.

8typologie des savoirsobjets d'étudeespace espaces savantscirculationCet objet symbolique se manifeste dans une société par des dynamiques spatiales spécifiques, un mode particulier d’inscription territoriale, déclinant une grande variété de scénarios entre les deux pôles de la fixation et de la circulation. Le second fil conducteur invite en effet à considérer les savoirs à la fois comme le produit et comme le principe constituant de configurations spatiales, d’une géographie qui peut recouper et croiser les découpages de la géographie physique, politique, économique, linguistique ou religieuse, ou s’en différencier totalement. Les savoirs circulent grâce à ces vecteurs concrets, vivants ou matériels, que sont les textes, les artefacts, les discours et les langues, les agents humains et les techniques de communication. La géographie de cette circulation est organisée par des carrefours et des relais, des voies et des réseaux, des centres et des périphéries. Mais, simultanément, les savoirs « font lieu » à travers des institutions qui les enracinent et déterminent leur sphère d’influence, sur le double mode de l’attraction et de la diffusion. Ils peuvent aussi se matérialiser dans un dispositif architectural et mobilier, dans une collection de livres ou d’objets, dans une institution vouée à leur production, à leur archivage ou à leur rayonnement public.

9typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialessociologie typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialeshistoirehistoire culturelleLa conception de ce volume et sa problématique d’ensemble ont été inspirées par différents modèles et concepts élaborés dans le champ de l’histoire culturelle de l’Europe moderne ou de la sociologie contemporaine : autant de points cardinaux qui, dans leur éclectisme et leur polyphonie, ont pu organiser l’un des horizons théoriques de ce projet, sans pour autant le stabiliser dans un cadre univoque et dogmatique.

10acteurs de savoirmodes d'interaction typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialessociologieLe premier d’entre eux est le concept de « mondes sociaux », introduit par Anselm Strauss et le courant de la sociologie interactionniste de Chicago. Construit à partir de l’observation de milieux professionnels contemporains, en particulier les métiers de la santé, ce modèle nous a frappé à la fois par sa dimension programmatique, son efficacité explicative sur les cas empiriques les plus divers, et son apport potentiel à une anthropologie des milieux savants, dans l’immense variété de leurs ancrages historiques et culturels5. Il redéfinit aussi les liens de la théorie et de l’enquête empirique, en assujettissant la première au rythme heuristique de la seconde : les premiers résultats des observations de terrain ou de l’analyse des sources conduisent à enrichir progressivement les propositions théoriques initiales, souvent minimales, voire à les reformuler. S’attachant à éclairer les conditions de réalisation d’opérations complexes, le modèle des « mondes sociaux » invite à observer les formes de synergie d’acteurs individuels ou collectifs qui déterminent leurs sphères d’action respectives par une négociation sur les objectifs, les moyens, la distribution des tâches, les étapes de réalisation d’un projet partagé. Qu’il s’agisse de comprendre la répartition des rôles dans un programme de recherche associant de multiples partenaires institutionnels (laboratoires publics et privés, agences gouvernementales, partenaires industriels, universités) ou les conditions de la prise de décision et de la coordination de l’action dans un milieu de travail restreint et situé (par exemple un service hospitalier), la construction d’une idéologie commune sur les moyens et les fins d’une action collective ou les modalités de résolution des conflits, ce modèle s’écarte de la sociologie des organisations en ceci qu’il place au centre de l’observation les acteurs humains et leur interaction négociée, dans des contextes multiples et évolutifs, déterminés moins par des organigrammes que par la spécificité des opérations à exécuter, hic et nunc. Il éclaire les formes de réflexivité du groupe sur les actions à accomplir, sur l’identité à assumer, sur les antimodèles à combattre. Il montre aussi les liens complexes qui associent les protagonistes principaux et les agents secondaires, souvent invisibles, en apparence les plus éloignés du champ de l’action, mais tout aussi nécessaires à sa réalisation. Ces liens définissent des sphères d’activité et une répartition des rôles, caractéristiques d’un « monde social » défini par l’accomplissement d’un certain nombre de tâches plus que par une formalisation institutionnelle. Cet accent mis sur les dynamiques de l’action, sur la fluidité des interactions et des configurations logistiques, sur les échanges et la circulation nous a semblé constituer un modèle opératoire majeur pour éclairer le fonctionnement des « mondes savants » présentés dans ce volume6.

11construction des savoirstradition construction des savoirsvalidation typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialesanthropologieUn deuxième modèle a nourri notre réflexion : celui d’une anthropologie historique des pratiques sociales, attentive à la formalité des comportements, à la présentation de soi et à la ritualité des gestes et de la parole. Les travaux d’Erwin Goffman et d’Edward Hall sur les modes de communication verbale et non verbale et sur la mise en scène de la vie au quotidien ont en effet ouvert la voie à une étude des interactions interpersonnelles dans le face-à-face intersubjectif comme dans l’espace théâtralisé d’une communauté et de son autoreprésentation, où l’enjeu est l’intégration de l’individu ou au contraire sa stigmatisation7. Ce modèle sociologique, lié lui aussi à l’école de Chicago, rejoint des travaux relevant d’une histoire des comportements, par exemple sur les pratiques de la civilité curiale dans l’Europe moderne8 ou sur les formes de la sociabilité savante9. Si l’anthropologue ou le sociologue des sociétés contemporaines peuvent construire leur objet par une observation directe des sujets et des pratiques, l’historien dépend de la médiation des sources, matérielles, iconographiques ou écrites. Selon les contextes historiques, ces sources sont partielles et fragmentaires ou s’articulent en de riches corpus, mais elles sont toujours porteuses de discours spécifiques : les objets, les textes et les images reflètent selon des prismes particuliers une même réalité sociale et culturelle, les mêmes codes et les mêmes valeurs. La spécificité de ce prisme est aussi importante et pertinente que les contenus informatifs qu’il contribue à sélectionner et à hiérarchiser, à construire ou à orienter, à valider ou à contester, à incarner dans des figures exemplaires ou à généraliser. Les angles morts de la réflexivité comme les distorsions des stratégies polémiques ou apologétiques, l’autoréférence des codes comme les traits topiques des traditions sont autant de lieux d’observation possibles, qui conduisent à souligner les valeurs, les usages et les comportements partagés dans une communauté lettrée, savante ou spirituelle10.

12acteurs de savoircommunauté acteurs de savoirprofession acteurs de savoirstatutUn troisième modèle concerne la construction des positions dans les mondes savants : par position, nous entendons autant le statut professionnel ou institutionnel que la place dans le champ social, définie par un ensemble de valeurs, de choix, de pratiques et de manières d’être conscientes ou non, déterminant des appartenances, des alliances, des distances, des clivages. La professionnalisation de l’activité intellectuelle est un processus historique complexe où l’émergence des spécialités, des institutions, des organisations étatiques joue un rôle majeur, dans ses multiples rythmes temporels et traductions culturelles. La figure de l’universitaire occidental, dans ses diverses déclinaisons nationales, se prête par excellence à une telle approche comparatiste et archéologique11. Mais ce statut professionnel ne prend sens qu’à l’intérieur d’un champ social plus large, dont la structure résulte d’un rapport de force entre les individus, les pouvoirs qu’ils détiennent et les institutions qu’ils représentent. Les travaux de Pierre Bourdieu sur l’enseignement supérieur en France ont mis en lumière aussi bien les lignes de fracture et de conflit de ce milieu professionnel que les dynamiques de reproduction (et parfois de contestation) d’un système reposant sur l’intériorisation inconsciente et non intentionnelle, chez les sujets, de l’« habitus universitaire12«. Cet « instinct social de conservation » détermine les procédures du recrutement et de la cooptation, mais aussi l’unité de style qui relie les pratiques, les biens et les manières (d’être, de dire, de faire) d’une classe d’agents et qui leur confère un caractère distinct et distinctif. La logique du champ joue ainsi un rôle essentiel dans la constitution des « communautés savantes », tant dans leur dimension corporative que dans l’autoreprésentation de leur activité, de leur déontologie et de leur conception même du savoir13.

13espaces savantscirculation typologie des savoirsobjets d'étudeespaceLe quatrième point cardinal est constitué par un type de problématique plus que par un cadre conceptuel stricto sensu. La spatialité est ici considérée comme un élément qui structure toute activité humaine : si les religions, les arts, les littératures ont pu être étudiés et éclairés sous la forme de l’atlas14, il en va de même des savoirs et des sciences, des langues et des techniques. Mettre le lieu au premier plan revient à s’interroger sur les modalités de l’inscription spatiale des savoirs : espace d’interaction et de performance, constitué par les acteurs qui s’y assemblent, dans le temps d’un événement unique ou cyclique ; lieu matérialisé et construit, qui se prête à l’accumulation de l’archive comme au déploiement des instruments et des objets, et qui en vient à refléter une conception particulière du savoir, indépendamment des individus qui le pratiquent : écoles, laboratoires, musées, bibliothèques, scriptoria. L’émergence de ces lieux dédiés, fixes ou éphémères, ouvre la voie à une approche dynamique des savoirs : en termes de zones d’influence, de forces centrifuges et centripètes, mais aussi de circulation et de traduction. Les dynamiques du métissage, de l’appropriation par une culture d’un héritage allogène, de l’universalisation de certains savoirs ou d’une certaine idée de la science, qui seront au cœur du quatrième volume, ne sont possibles que parce que des hommes et des livres, des artefacts et des instruments voyagent et circulent selon des trajectoires multiples, en suivant les routes du commerce ou de l’exploration, de la conquête ou de l’exil. Fonder, délocaliser, circuler, explorer, converger, déployer un réseau, aller du centre vers la périphérie, agir depuis le centre sur la périphérie, autant d’actions qui nous semblent constitutives d’une histoire spatiale des savoirs : ces opérations inspirent un questionnement portant aussi bien sur la matérialité des voies de communication que sur les dynamiques sociales de la circulation, autant sur la construction des configurations locales et régionales que sur leur représentation réflexive, dans les textes savants eux-mêmes15.

Itinéraire et cartes régionales

14Le parcours proposé dans ce volume se déroule en quatre étapes qui conduisent de la formation des communautés aux lieux du travail savant, puis aux logiques territoriales qui à leur tour déterminent la mobilité des acteurs et la circulation des savoirs. Une partie conclusive noue ces fils en présentant des villes qui, à un moment de l’histoire, ont incarné une conception particulière du savoir ou de la science, à travers la conjonction des institutions et des instruments de travail, d’un projet intellectuel ou politique des communautés savantes.

15inscription des savoirsvisualisationvisualisation de l'informationéchelle pratiques savantespratique intellectuelleétude de casCe parcours suit un itinéraire parmi d’autres possibles, à la fois systématique et problématisant, permettant des changements d’échelle et de focalisation, depuis les destins individuels qui se jouent dans la constitution des communautés savantes jusqu’aux phénomènes culturels et historiques plus larges, résultant de causalités complexes où sont impliqués de multiples facteurs. Les études de cas confrontées à chacune des étapes ne prétendent pas à une portée universelle : leur exemplarité reste singulière, située dans un temps historique et un espace culturel donnés, et elles visent moins à illustrer le thème qui les associe qu’à transformer son intitulé en questionnement, susceptible d’éclairer des mécanismes complexes et pluriels. Expliciter ces questionnements est du reste la fonction des brefs textes placés en tête de chaque section, chargés d’ouvrir des perspectives plus générales.

16acteurs de savoircommunauté pratiques savantespratique rituelle construction des savoirséducation construction des savoirsvalidation pratiques savantespratique intellectuellecomparaisonDérouler cet itinéraire va permettre d’en dégager la logique et les intentions. Le premier territoire traversé, « Communauté et institution », est celui du lien et de la règle par lesquels des acteurs individuels s’assemblent et partagent un style de vie et une quête intellectuelle ou spirituelle, ou encore exercent une fonction sociale particulière. Dynamiques de l’agrégation, mais aussi de la formalisation d’un projet et d’une organisation qui en assure la pérennité au-delà des individus qui l’ont instituée. Entrer dans une communauté savante suppose que l’on franchisse les seuils de la cooptation, de la sélection, de la compétition, voire de l’initiation, qui valident aussi bien une compétence intellectuelle et technique que la transformation du statut personnel et social de l’impétrant. La lecture des travaux de Pierre Bourdieu sur les concours dans l’Université française, en particulier le concours d’entrée à l’École normale supérieure16, a nourri ce questionnement que nous avons voulu lier à la problématique des rites de passage qui, dans les sociétés traditionnelles, marquent la transition d’une classe d’âge à l’autre ou l’acquisition d’un savoir ou d’une compétence particulière. La formalité des examens universitaires, au centre du recrutement massif des élites administratives de la Chine impériale présenté par Benjamin A. Elman, comme du cérémonial de la thèse dont William Clark entreprend l’archéologie européenne, entre ainsi en résonance avec le rituel d’initiation du devin bassar, observé et analysé par Stéphan Dugast au Nord-Togo. Le déroulement concret de ces épreuves qualifiantes (lieu, temps, instruments, intervenants), leur degré de publicité et d’ésotérisme, les institutions et les communautés impliquées dans le contrôle de leur recrutement, les qualités privilégiées dans ces procédures, qualités innées, voire prédestinantes, ou compétences acquises, constituent différents « comparables » au cœur de cette première section.

17acteurs de savoirmodes d'interaction acteurs de savoircommunautéAppartenir à une communauté, c’est faire l’expérience du lien, à la fois dans la synchronie d’une collégialité et dans la diachronie d’une généalogie, biologique ou élective. Il est question dans ce chapitre de positions, constitutives d’un statut et d’une identité, d’une vocation ou d’une compétence, dans des structures qui s’appuient sur le modèle de la fratrie ou de la lignée patrilinéaire pour réguler la transmission des savoirs et des textes (les scribes mésopotamiens présentés par Jean-Jacques Glassner) ainsi que la progression personnelle dans un cheminement spirituel (les moines taoïstes dans la Chine contemporaine étudiés par Adeline Herrou) ou la circulation de la parole et la construction d’une opinion critique et politique dans un cabinet lettré de l’époque moderne (le cabinet Dupuy exposé par Jérôme Delatour)17.

18construction des savoirstradition construction des savoirséconomie des savoirsvaleurLe groupe est aussi lié par des valeurs partagées qui échappent à l’enseignement ou à la définition explicite et ne peuvent être saisies que par un lent processus d’assimilation au contact des pairs. Qu’il s’agisse de l’éthos de l’orateur romain (Charles Guérin), des qualités du lettré chinois (Pierre-Henri Durand) ou de l’esprit du compagnonnage occidental (François Icher), ces valeurs s’incarnent dans les gestes et les manières d’être, dans la présentation de soi comme dans un style particulier qui exprime l’appartenance à une élite et l’ancrage dans une tradition. Implicites car souvent indicibles, elles mettent en scène l’autoreprésentation de la communauté dans un jeu subtil entre la norme et la déclinaison de ses variables individuelles, qui sous-tend, en particulier, les traditions biographiques, entre hagiographie et édification18.

19acteurs de savoircommunautéinstitution construction des savoirséducation construction des savoirstraditionfondationL’histoire des académies, des écoles et des courants religieux fournit maints exemples du processus de l’institutionnalisation. Nous avons choisi de privilégier le moment où une communauté construit son identité propre sous la forme d’un cadre régulant la vie et l’activité de ses membres, mais aussi d’un programme intellectuel ou spirituel apte à être reproduit dans l’espace et transmis dans le temps : par l’institutionnalisation, une communauté rend possible son renouvellement et l’accomplissement d’un projet qui dépasse le destin des individus qui le réalisent. Écrite ou orale, objectivée ou intériorisée par chacun, fruit d’un consensus ou imposée par un fondateur, la règle communautaire définit un style de vie qui, au-delà des projets de savoir ou de cheminement intérieur, organise les rythmes du quotidien, les gestes et les interactions, la distribution des tâches et les sources de l’autorité. Les communautés présentées dans cette section prennent la forme, selon des modalités diverses, de l’école et du monastère. Si Dominique Poirel éclaire le moment d’une fondation, avec la création de l’école de Saint-Victor dans le paysage médiéval des universités parisiennes, Renée Koch-Piettre, Hoyt Tillman et Bernard Faure évoquent des milieux qui se situent dans la temporalité longue d’une tradition philosophique, religieuse ou lettrée : la règle communautaire, s’appuyant ou non sur des textes, prescrit les modalités de l’enseignement comme les pratiques de la méditation ou de l’étude, indissociablement liées à la codification des moments du quotidien19.

20matérialité des savoirsmobilier pratiques savantespratique artistiquearchitecture typologie des savoirsobjets d'étudeespaceAprès nous être interrogé sur les mécanismes multiples conduisant des individus à entrer dans une communauté qui détermine leur style de vie et d’activité, mais aussi leur identité et leur place dans une tradition, nous entamons l’exploration d’un second territoire : les « Lieux du travail savant ». L’environnement architectural et matériel est au cœur de l’enquête, moins dans ses composantes instrumentales ou fonctionnelles20 que pour son rôle essentiel dans la représentation ou l’autoreprésentation de l’activité savante, voire d’une certaine idée du savoir lui-même. Il ne s’agit pas de retracer l’émergence historique des lieux dédiés à la pratique des savoirs, mais plutôt de souligner les liens entre certaines configurations architecturales et mobilières, et des opérations intellectuelles singulières, celles de la science, mais aussi des disciplines lettrées et érudites.

21espaces savantslieulaboratoire pratiques savantespratique intellectuellecomparaisonAlors que l’ensemble de ce territoire est bien balisé par le riche courant des études récentes sur ce lieu de savoir particulier qu’est le laboratoire scientifique occidental à l’époque moderne et contemporaine, c’est sur le mode du paradoxe que nous avons choisi de commencer le parcours par des espaces où se reflète l’activité lettrée individuelle, entre intimité et ostentation. Le studiolo de la Renaissance italienne (Christopher Celenza), le pavillon du lettré chinois au temps des Ming (Richard Schneider) et la maison d’un professeur allemand au xix e siècle (Paul Zanker) sont en effet autant d’univers architecturaux, paysagers et matériels, donnant à lire, à travers les signes et les objets, la position de l’individu dans un réseau de traditions et de références, intellectuelles, sociales, politiques et religieuses, et la mise en scène d’une certaine conception de la culture et de l’activité savante. Entre l’intimité propice à l’étude et à la méditation et la composition d’un discours identitaire à base de signes et d’objets, destiné à être vu et lu, l’opposition n’est qu’apparente. Ces trois contributions montrent en réalité combien les choix esthétiques qui organisent l’espace privé sont régis par un désir d’appartenance et d’ancrage, dans une caste comme dans une généalogie21.

22construction des savoirséconomie des savoirsbig science espaces savantslieulaboratoire acteurs de savoircommunautéinstitutionCertaines formes de savoir, en revanche, présupposent des lieux adaptés au travail collectif, avec des instruments et une infrastructure particulière. Nous avons choisi trois moments qui pourraient s’inscrire dans une archéologie du laboratoire, des premiers lieux partagés aux installations de la « Big Science ». Qu’est-ce qu’un laboratoire, en effet, sinon un lieu habité par un collectif d’acteurs dans la diversité de leurs statuts et de leurs fonctions, où l’on se livre à des opérations codifiées et formalisées, répétitives et cumulatives, et où des connaissances sont construites et validées ? Inspirés par les travaux de ces dernières décennies sur le laboratoire scientifique, dans sa dimension architecturale comme dans sa « vie quotidienne22 », nous avons opté pour un élargissement du champ de réflexion, qu’il s’agisse d’un milieu de scribes astronomes dont la bibliothèque permet de reconstituer le champ d’activités, à Uruk, à l’époque hellénistique (Eleanor Robson), de la salle de séminaire où Leopold von Ranke pratiquait et enseignait les méthodes de la critique des sources en histoire (Kasper Eskildsen), ou encore d’un moment-clé de l’histoire de la médecine moderne : la fabrication de l’insuline, entre 1922 et 1925, impliquant la coopération de différents laboratoires et acteurs institutionnels (Christiane Sinding).

23inscription des savoirslivre matérialité des savoirsmatériau matérialité des savoirsinstrumentLes lieux du travail savant évoluent en suivant les ramifications des spécialisations disciplinaires comme la professionnalisation des agents et l’institutionnalisation de leurs fonctions et de leurs projets. Leur histoire est notamment déterminée par le développement des techniques et des instruments, qui requièrent de nouvelles configurations architecturales pour expérimenter, observer, simuler, calculer, produire. Nous avons choisi d’en éclairer moins des moments que des dispositifs particuliers, qui, par l’articulation d’un lieu, d’une communauté et d’objets, définissent des formes spécifiques de fabrique du savoir. Les lieux de l’écrit s’imposent comme un exemple privilégié : ateliers de production de livres, manuscrits ou imprimés, ils réunissent des professionnels de l’écriture et de la lecture, des entrepreneurs, des techniciens, des commerçants. Ils mobilisent des machines et des matières premières, des compétences intellectuelles et des savoirs artisanaux. Ils sont au carrefour de la circulation des écrits et sont voués à l’établissement même des textes et à leur reproduction23. Lieux d’attraction – des auteurs, des textes, des lecteurs, des techniciens –, ils sont aussi des lieux de diffusion, réticulée ou irradiante. La reproduction des textes est porteuse d’une forme de pouvoir prescriptif, tant dans les décisions intellectuelles et dans les normes éditoriales mises en œuvre que dans les choix de constitution des corpus, dans la sélection et la promotion des textes et des auteurs qui reflètent des options intellectuelles, religieuses, politiques et littéraires. La comparaison confronte des ateliers de production de livres manuscrits dans deux traditions culturelles : la Chine médiévale, où la diffusion du bouddhisme implique la reproduction à grande échelle d’un corpus scripturaire (Jean-Pierre Drège), et le Moyen Âge occidental, où les milieux monastiques œuvrent à la survie des textes anciens, entre pratique spirituelle, mode de subsistance et projet intellectuel (Guglielmo Cavallo). Elle porte ensuite sur deux aspects de l’histoire de l’imprimerie à la Renaissance : l’émergence d’un milieu de spécialistes de la correction (Anthony Grafton) et la dimension européenne du réseau d’un imprimeur genevois, Jean Crespin, au cœur des bouleversements religieux et politiques de son siècle (Jean-François Gilmont).

24espaces savantslieuarchives pratiques savantespratique artistiquearchitecture construction des savoirstraditioncumulativité espaces savantslieubibliothèqueLes lieux de production et de diffusion de l’écrit sont liés aux lieux d’archivage et d’accumulation que sont les bibliothèques. Ces dernières sont organisées sur le principe de la collection, mais elles ne sont pas réductibles à la somme des livres qui les composent. Elles donnent forme à une certaine conception du savoir, spécialisé ou généraliste, local ou universel, et matérialisent une représentation de la culture, dans ses limites comme dans ses ambitions. Elles ne se contentent pas d’archiver, mais anticipent, voire prescrivent, des usages qui font de la collection ou de telle de ses composantes un outil au service de la production de nouveaux savoirs. Les bibliothèques sont l’un des instruments du travail savant, dans la diversité de ses acteurs et de ses projets. Leur aménagement architectural, leur ergonomie, la structure intellectuelle qui préside aux classifications, la spécialisation de leur personnel, la variété des pratiques qui s’y inscrivent sont autant de voies d’accès à leur pouvoir spécifique24. La bibliothèque donne corps au savoir et à la mémoire ; l’accumulation et la mise en ordre des livres produisent des effets intellectuels particuliers, tiennent lieu de centre et de pivot pour des communautés savantes dont elles reflètent et modèlent les projets. Le destin d’une bibliothèque royale en Inde, au croisement de différentes traditions de savoir (Dominik Wujastyk), entre en résonance avec le présent et le devenir des bibliothèques européennes (Michel Melot et François Cavalier), confrontées à la multiplication des supports de la mémoire, mais aussi aux logiques économiques qui imposent la rationalisation et la mutualisation des politiques d’acquisition entre ces acteurs incontournables du théâtre des savoirs contemporains que sont les éditeurs, les universités et les pouvoirs publics. Lieu de savoir par excellence, la bibliothèque désigne peut-être moins un lieu matériel qu’une dynamique et une pragmatique particulières : le processus qui conduit à dégager du sens et des connaissances à partir d’une accumulation d’objets discrets est en effet constitutif du pouvoir des bases de données, lieux centripètes et transformateurs qui permettent de fabriquer de la totalité et de l’universalité à partir du patient archivage des informations locales (Bruno J. Strasser). La base de données est une bibliothèque portable, reproductible et mobile.

25pratiques savantespratique intellectuellemise en série espaces savantscirculation acteurs de savoircommunautéinstitutionAu-delà des communautés, au-delà des laboratoires et des lieux de diffusion ou d’archivage des écrits, le savoir se matérialise aussi dans des lieux qui reflètent l’intention d’un projet intellectuel, l’équilibre d’un partage disciplinaire ou la problématique d’un temps. L’institutionnalisation donne souvent une visibilité à un champ de savoir, dans son identité intrinsèque comme dans les dynamiques de son évolution. Instrument d’une politique aspirant à la longue durée ou matérialisation éphémère d’une configuration des savoirs figée à l’intersection de l’espace et du temps, l’Académie royale des sciences (James E. McClellan), le musée de l’Homme (Benoît de L’Estoile) et l’Exposition internationale de 2005 au Japon (Sophie Houdart) sont autant de lieux qui manifestent le degré d’évolution d’un champ disciplinaire, voire contribuent à sa création ou à sa redéfinition. L’accumulation ordonnée des artefacts, les choix d’architecture et de mise en espace, ou encore les procédures spécifiques d’enregistrement et de validation des expériences scientifiques ont permis que ces lieux s’identifient, à un moment donné, à un champ, ou même à la carte des savoirs25. L’ancrage, l’enracinement, les logiques de l’accumulation et de l’institutionnalisation ne constituent qu’une facette de la dimension spatiale des savoirs. Le troisième continent traversé par notre itinéraire s’intitule « Territoire et mobilité ». On y pose la question du déploiement et de l’articulation des lieux en espaces autant que celle des parcours qui superposent le graphe d’un réseau dynamique à une topographie statique. La mobilité est au centre de cette étape : on y réfléchit notamment sur les lieux de savoir éphémères, constitués à la faveur d’opérations et de pratiques situées. Celles, par exemple, des itinérants du savoir, qui mettent en jeu, le temps d’une performance, leur statut et leur autorité, la nature et l’efficacité de leurs compétences, la spécificité du lien, contractuel et économique, qui les lie à des commanditaires26. Qu’il s’agisse de diffuser des innovations intellectuelles, d’enseigner ou d’exercer un savoir technique (Natacha Massar à propos des maîtres itinérants en Grèce ancienne et Jean Lévi sur la circulation des conseillers dans la Chine des Royaumes combattants), le voyage est une dimension essentielle, délimitant le champ d’action des exécutants, valorisant le temps limité de l’écoute ou de l’apprentissage. Maîtres et étudiants des universités médiévales font apparaître l’importance de ce schème de la mobilité, alors même qu’il se déploie entre des lieux fixes et institutionnalisés (Ad Tervoort). La circulation des personnes définit les hauts lieux et les temps forts de l’histoire intellectuelle de l’Europe médiévale tout en contribuant à la diffusion uniforme des savoirs et des techniques.

26espaces savantscirculationlogistique espaces savantsterritoirepériphérie espaces savantsterritoirecentre espaces savantscirculationMais, dans la géographie des savoirs, tous les lieux ne sont pas équivalents. Certains sont des pôles d’attraction, d’autres ne sont que des sites périphériques, et les acteurs doivent construire leurs réseaux et leur sphère de circulation entre les uns et les autres. La culture de cour en Iran offre un exemple privilégié des dynamiques d’agrégation qui cimentent un milieu savant autour de la munificence d’un souverain (Ziva Vesel et Francis Richard) : les aléas politiques déterminent faveurs et persécutions, et l’histoire des savoirs s’écrit à l’intersection des vocations individuelles et des prescriptions royales. Tous les lieux ne sont pas équivalents non plus, parce que certains sont des têtes de réseaux tandis que d’autres sont situés au plus lointain des périphéries. Une tête de réseau peut organiser l’exploration à distance d’un lieu, voire d’un monde, à travers les médiations d’une mission humaine ou mécanisée. Dans un cas, il s’agit de déployer les maillons d’une chaîne logistique permettant, depuis un centre, d’atteindre une périphérie et de transmettre, depuis cette dernière, notes et photographies, objets et observations, afin de s’approprier l’essentiel d’une culture : transfert matériel et symbolique pour lequel un programme d’enquête scientifique s’appuie sur la réalité cynique d’une politique coloniale (Éric Jolly). Dans l’autre, il s’agit d’explorer un monde à distance, sans contact possible, grâce à la médiation de machines qui observent, prélèvent, mesurent, expérimentent, testent. Les techniques de l’exploration martienne, par robots interposés, invitent à réfléchir sur la planification et l’imprédictibilité, sur la simulation et la réactivité qui permettent, depuis un lieu, d’en conquérir un autre, de s’en assurer la maîtrise intellectuelle et symbolique, d’en contrôler les aléas et les paramètres (Emmanuel Benazera et Nicolas Meuleau)27.

27espaces savantscirculationréseauréseau de communication inscription des savoirsvisualisationvisualisation de l'informationéchelle typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialesgéographie humaineSi les communautés et les institutions, si les itinérants et les conquérants de tous ordres permettent de définir des modes de circulation ou d’enracinement, voire l’amplitude d’une action à distance, qu’en est-il de l’espace lui-même et de ses logiques propres ? Dans quelle mesure la géographie ouvre-t-elle un accès à l’histoire des savoirs ? Les rapports de distance et de proximité, la relativité de tout centre par rapport à ses périphéries, les pragmatiques d’un lieu-carrefour dans un espace de flux et de trajectoires, la notion de réseau, s’appuyant sur les points qui en définissent la structure comme sur la matérialité des voies de communication qui assurent l’acheminement des personnes, des biens et des informations : tels sont les différents facteurs qui déterminent une échelle géographique et permettent d’appréhender les phénomènes historiques de la mobilité culturelle, entre une région périphérique et les centres par rapport auxquels elle se définit (Madalina Dana sur la mer Noire dans l’Antiquité), ou à travers les flux et les circulations qui traversent un lieu d’étape et y abandonnent des dépôts successifs, constitutifs d’une stratigraphie des langues, des savoirs et des croyances (Éric Trombert sur l’oasis de Dunhuang). Cette géographie des savoirs peut prendre la forme abstraite d’une carte des points nodaux et des réseaux qui les relient, projetée sur la carte géographique des continents et des états, des régions et des villes. Cette abstraction, toutefois, reste liée à la dimension concrète des cercles sociaux et à la matérialité des réseaux qui acheminent à distance les informations et les données : de l’espace de la République des lettres, avec son emboîtement d’échelles géographiques (Anne Goldgar), à celui du réseau par excellence, la toile qui relie aujourd’hui tous les ordinateurs de la planète (Éric Guichard)28.

28matérialité des savoirsinstrumentinstrument de communication construction des savoirstraditionécole de pensée typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialeshistoireCe qui importe à l’historien des savoirs, toutefois, c’est moins la distribution géographique des lieux et le déploiement des échelles de grandeur ainsi que des rapports de proximité, que les dynamiques qui relient, traversent, recentrent et redéploient29. Comment des traditions philosophiques (Carlos Lévy), comment une culture et une tradition religieuses (Micha Perry) parviennent-elles à se reproduire, à se diffuser, à se transmettre ? La réponse à ces questions se trouve dans les réseaux qui font circuler les textes et les dogmes, les modèles et les concepts, et permettent à la fois l’exercice délocalisé d’une autorité et sa contestation à distance, dans la multiplication et le déplacement des communautés qui tiennent lieu de vecteurs ou de relais. De la plume d’oie au télégraphe, puis à l’Internet, les technologies de la communication organisent les rapports de l’espace et du temps, déterminent le tempo de la circulation des savoirs dans le quotidien des interactions, mais définissent aussi autant de pôles, autant de têtes de réseaux caractérisés par l’amplitude des échanges dont ils sont la cible ou l’origine (Corinne Bonnet, Véréna Paravel).

29espaces savantsterritoirecapitale espaces savantsterritoirevilleUn tel parcours se prête-t-il à une ou à des conclusions ? La déconstruction analytique, la quête problématisante invitent, in fine, à nouer les fils déroulés jusqu’ici. Si certaines villes, au cours du temps, en sont venues à incarner, de manière exemplaire, un moment de l’histoire des savoirs, c’est qu’elles se sont trouvées au carrefour de dynamiques et de facteurs de causalité multiples : lieux d’attraction et de diffusion, espaces où se concentrent les institutions et les communautés, lieux où se scelle, pour un temps, l’alliance entre les agendas politiques et les projets intellectuels30. De l’éclat irradiant des villes phares, Alexandrie, Bagdad, Paris et Rome, Berlin et Pune (Javier Teixidor, Antonella Romano et Stéphane Van Damme, Céline Trautman-Waller et Madhav Deshpande), à la lueur tamisée, voire crépusculaire, des villes invisibles et interdites de l’Union soviétique (Pavel Polian et Georgy Lappo), nous pouvons observer autant d’expériences historiques, corrélant un lieu, une société, un ordre politique et un milieu intellectuel, façonnant les limites comme l’amplitude de la production et de la circulation des savoirs.

30Des gestes minutieux des sacrifices scandant l’initiation du devin bassar aux événements géopolitiques qui firent apparaître au grand jour, sur les cartes et dans les statistiques officielles, les villes-laboratoires de Russie et leurs populations oubliées, les contributions réunies dans ce premier volume proposent moins un parcours téléologique, qui conduirait des pratiques rituelles à la logistique de la « Big Science » au temps de la guerre froide, qu’une variété d’éclairages et de points de vue, agissant comme autant de révélateurs sur des situations historiques complexes. C’est ainsi un choix assumé qui conduit à aborder, par exemple, le statut de l’universitaire européen non pas sous la forme d’un chapitre synthétique, mais à travers le prisme de questionnements successifs qui font ressortir des aspects partiels, mais définitoires : le scénario des examens qualifiants, la mise en scène de l’espace privé avec ses implications sociales et intellectuelles, la pratique du séminaire, le rôle dans la politique documentaire des bibliothèques contemporaines, la circulation entre les villes médiévales. Ces approches mettent en évidence les particularités d’une identité professionnelle, d’un statut social, d’une sphère d’activité observés à différents moments de leur évolution historique. La focalisation thématique permet de construire un objet intellectuel en isolant une composante dans le continuum d’une réalité sociale et historique complexe, dont la cohérence et les contextes sont pleinement redéployés, notamment dans l’article sur l’Université de Berlin au xix e siècle, où se lit la convergence entre les dynamiques politiques, le programme intellectuel, l’aménagement urbain et architectural, les aspects socio-économiques de la professionnalisation, la constitution d’une intelligentsia opérant sur différentes échelles géographiques – locale, nationale, européenne. Ces éclairages thématiques et localisés se prêtent ainsi à des lectures croisées, soit qu’on les relie au fil du volume pour reconstituer par exemple, par touches partielles et successives, la figure du lettré chinois ou du pandit indien, celle du philosophe grec ou du scientifique européen, soit qu’on veuille comprendre, au-delà des cas qui les illustrent, les déterminations spécifiques qui suscitent, en un lieu, en un temps, pour une discipline et une société, des dispositifs et des mécanismes fondamentaux : la collégialité, l’appartenance institutionnelle, la localisation, la mobilité.

31espaces savantslieubibliothèque inscription des savoirslivre pratiques savantespratique intellectuellelocalisationSi le lieu et la circulation constituent l’objet de ce premier volume, ils déterminent aussi son architecture intellectuelle comme de son écriture et anticipent sur les modalités de son appropriation par le lecteur. Ce livre est en effet lui-même organisé en une réticulation de lieux, où les contiguïtés et les cohérences locales, régionales et continentales sont signifiantes, sans que les effets de sens résultent nécessairement d’un ordre de lecture univoque ou prescrit. De multiples parcours sont possibles entre ces lieux et peuvent nouer des liens de présupposition ou d’explicitation, suggérer des parallélismes ou des contrastes. Plus qu’un livre-encyclopédie, les Lieux de savoir voudraient être un livre-bibliothèque, où les contiguïtés des chapitres sont signifiantes au même titre que le voisinage des livres sur une étagère, mais où le sont aussi bien les rapprochements imprévisibles que l’on peut établir d’une section à une autre, à des dizaines ou des centaines de pages de distance, selon la modalité d’une quête exploratoire ou d’une errance ludique. La conception dynamique et dialectique de ce volume invite ainsi le lecteur à pratiquer deux formes majeures de l’art du tissage : soit dérouler tout simplement le fil d’Ariane et relier sans visée encyclopédique les thèmes, les figures et les objets, les lieux et les moments ; soit croiser des fils bigarrés sur une trame de questions et d’échos, révélant les opérations et les dispositifs, les logiques sous-jacentes et les différences, les niveaux de pertinence et les schémas explicatifs, dans le chatoiement des expériences historiques.

Notes
1.

Certeau, 1975, p. 65.

2.

Reconnu en 1997 par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), dans le cadre du programme « Archives de la création », le réseau « Les mondes lettrés » est devenu un Groupement de recherche (GDR) en 2002, puis un Groupement de recherche international (GDRI) en 2004.

3.

Voir en particulier Baratin et Jacob, 1996 ; Giard et Jacob, 2001 ; Jacob, 2003.

4.

Nous rejoignons, dans ce privilège accordé aux études de cas localisées, les perspectives de la micro-histoire. Voir Revel, 1996 ; Passeron et Revel, 2005.

5.

Nous devons à Christiane Sinding le repérage de ce courant sociologique et les jalons bibliographiques qui nous ont permis d’en saisir la pertinence pour notre projet. Voir en particulier Strauss, 1992, et aussi Strauss, 1975, et 1991.

6.

On pourra lire dans cette perspective les chapitres de Jean-Jacques Glassner, Jérôme Delatour, Dominique Poirel, Kasper Eskildsen, Christiane Sinding, Jean-Pierre Drège, Anthony Grafton, Jean-François Gilmont, François Cavalier, Bruno J. Strasser, James E. McClellan, Benoît de L’Estoile, Sophie Houdart, Natacha Massar, Jean Lévi, Ad Tervoort, Ziva Vesel et Francis Richard, Éric Jolly, Emmanuel Benazera et Nicolas Meuleau. Anne Goldgar, Carlos Lévy, Micha Perry, Corinne Bonnet et Véréna Paravel.

7.

Goffman, 1973 et 1974 ; Hall, 1978 et 1984.

8.

Elias, 1985.

9.

Voir par exemple Waquet, 2003, et, pour une enquête sur un milieu savant antique, Jacob, 2001.

10.

Ce fil relie les articles de Jérôme Delatour, Adeline Herrou, Charles Guérin, Pierre-Henri Durand, François Icher, Hoyt Tillman, Christopher Celenza, Richard Schneider, Paul Zanker, Ziva Vesel et Francis Richard, Anne Goldgar, Corinne Bonnet.

11.

Cette comparaison, entre le professeur allemand et américain est déjà esquissée dans la conférence de Max Weber, « La profession et la vocation de savant » (nov. 1917), in Weber, 2003. Voir Clark, 2006, et, dans ce volume, les contributions de William Clark, Dominique Poirel, Kasper Eskildsen, Paul Zanker, Ad Tervoort, Corinne Bonnet et Céline Trautmann-Waller.

12.

Bourdieu, 1984.

13.

Cette problématique permettrait notamment de relier les textes de Stéphan Dugast, William Clark, Benjamin A. Elman, Jérôme Delatour, Charles Guérin, François Icher, Christopher Celenza, Richard Schneider, Paul Zanker, Ad Tervoort, Corinne Bonnet, Véréna Paravel, Céline Trautmann-Waller.

14.

Je pense en particulier à une série d’ouvrages publiés par l’Encyclopaedia Universalis : Le Grand Atlas des religions, éd. Ch. Baladier, Paris, 1988 ; Le Grand Atlas des littératures, éd. G. Quinsat, Paris, 1990 ; Le Grand Atlas de l’art, éd. Chr. Flon, Paris, 1993.

15.

Le livre de Livingstone, 2003, est venu enrichir notre réflexion alors que ce volume était déjà en construction. Le questionnement spatial et géographique relie les textes de Jean-François Gilmont, de Sophie Houdart, de Natacha Massar, de Jean Lévi, d’Ad Tervoort, de Ziva Vesel et Francis Richard, d’Éric Jolly, d’Emmanuel Benazera et Nicolas Meuleau, de Madalina Dana, d’Éric Trombert, d’Anne Goldgar, d’Éric Guichard, de Carlos Lévy, de Micha Perry, de Corinne Bonnet, de Véréna Paravel, de Javier Teixidor, d’Antonella Romano et Stéphane Van Damme, de Céline Trautmann-Waller, de Madhav Deshpande, de Georgy Lappo et Pavel Polian.

16.

Bourdieu, 1981 et 1984.

17.

Notre réflexion s’est inspirée des travaux sur la civilité et les formes de sociabilité lettrée dans l’Europe moderne. Un premier courant part du texte fondateur de Baldassare Castiglione, Le Livre du courtisan (1528) : voir en particulier Elias, 1985 ; Revel, 1999. Sur les salons, voir Lilti, 2005. Sur la conversation : Fumaroli, 1992. Le rôle de la civilité dans les pratiques savantes de l’Europe moderne a été mis en évidence notamment par Shapin, 1994 ; Biaggioli, 1995. Le travail mené dans le GDR « Les mondes lettrés » sur cette problématique (séminaire, workshop) a donné lieu à une publication d’étape, sous la forme d’un ensemble de quatre contributions (Cezary Galewicz, Jean-Jacques Glassner, Alfred-Louis de Prémare et Christian Jacob) publiées dans Annales HSS, 3, mai-juin 2005, p. 479-571.

18.

Plusieurs lectures nous ont guidé dans cette réflexion : Goldgar, 1995 ; Wild, 2001 ; Ibn Sa’d, 1990 ; Dai Minghsi, 1998 ; Ji Yun, 1998 ; Zhang Dai, 1995.

19.

Notre réflexion est partie de l’histoire des écoles philosophiques antiques, à travers la lecture des Vies et opinions des philosophes illustres de Diogène Laërce, et les travaux de Pierre Hadot et Carlo Natali (Hadot, 1995 et 2002 ; Natali, 1991).

20.

Le volume II des Lieux de savoir reviendra sur le rôle des objets et des instruments dans le travail intellectuel.

21.

L’importance de la mise en scène esthétique et symbolique de l’intimité studieuse est soulignée

en particulier par Rice, 1985, Thornton, 1997, et Clunas, 2004.

22.

Notamment Latour et Woolgar, 1988 ; Licoppe, 1996 ; Galison et Thompson, 1999.

23.

Nous avons tiré parti des travaux de ces dernières années sur l’histoire du livre et de l’édition. Quelques repères majeurs : Chartier et Martin, 1982-1986 ; Chartier, 1996 ; Gilmont, 1997 ; Martin, 1999 et 2000.

24.

Cette problématique a été déployée dans Baratin et Jacob, 1996 ; notre réflexion a été enrichie par Drège, 1991, sur les bibliothèques chinoises, et Eche, 1967, sur les bibliothèques dans le monde arabe, comme par Latour, 1989, et ses concepts de « centres de calcul » et de « mobiles immuables ».

25.

Dans la très riche bibliographie sur les académies scientifiques dans l’Europe moderne, quelques jalons qui ont accompagné notre réflexion : Hahn, 1971 ; Neumeister et Wiedemann, 1987 ; Roche, 1989. Sur les cabinets de curiosités : Pomian, 1987. Sur les musées : Findlen, 1994 et 2003 ; Stocking, 1985 ; Ames, 1992.

26.

Cette problématique m’a été inspirée par la thèse de doctorat de Natacha Massar soutenue à l’Université libre de Bruxelles en 2001. Pour le livre qui en a découlé, voir Massar, 2005. Je suis aussi redevable à la lecture de Lévi, 1989.

27.

L’idée initiale de cette section dérive de deux lectures : Latour, 1989, qui met en perspective l’expédition de La Pérouse et la dialectique complexe entre les espaces explorés et les points centraux qui rassemblent et transforment les données recueillies sur le terrain ; Jolly, 2001-2002, qui a permis de réfléchir sur la logistique de l’exploration ethnographique. La réflexion a été enrichie par Livingstone, 2003, et par la problématique des « mondes sociaux », voir Strauss, 1975, 1991, 1992.

28.

Outre Livingstone, 2003, la construction de cette section s’est appuyée sur plusieurs lectures : Goldgar, 1995, et Roche, 2003, pour les formes d’espace et de circulation constitutives de la République des lettres ; La Vaissière, 2004, sur les échanges commerciaux, culturels, religieux et diplomatiques en Asie centrale.

29.

Je dois à Luce Giard d’avoir découvert l’œuvre de Simon Doubnov sur l’histoire du peuple juif et sur les dynamiques de la diaspora : Doubnov, 1994.

30.

Nous nous situons dans les perspectives ouvertes par Charles et Roche, 2002 ; Charles, 2004, et, à propos d’une capitale en particulier, Paris, par Van Damme, 2005.

Appendix A Bibliographie

Sources
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  2. Ibn Sa’d, 1990 : Ibn Sa’d, Kitab Al-Tabaqat Al-Kabir, trad. anglaise par S. Moinul Haq et H. K. Ghazanfar, 2 vol., New Delhi.
  3. Ji Yun, 1998 : Ji Yun, Passe-temps d’un été à Luanyang, trad. du chinois et éd. J. Dars, Paris.
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Autres références
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  9. Charles et Roche, 2002 : Christophe Charles et Daniel Roche (éd.), Capitales culturelles, capitales symboliques, Paris et les expériences européennes xviii e - xx e  siècles, Paris.
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