Sophie Houdart

matérialité des savoirssupportsupport de communicationexpositionUne certaine mise au point de la civilisation résulte d’une Exposition universelle. C’est une sorte d’homologation. Chaque peuple remet son dossier. Où en est-on ? Le genre humain vient faire là sa propre connaissance. L’Exposition est un « connais-toi toi-même ».
Victor Hugo, préface à Paris-Guide de l’Exposition universelle de 1867.
espaces savantsterritoirevilleDans les grandes villes européennes, une importante exposition de produits se tient à intervalles de quelques années. Le pays invitant fait au monde entier une annonce officielle et réunit, pour les exposer, des produits particuliers, les dernières inventions, et des articles rares et anciens. Un tel événement est appelé Exposition.
Fukuzawa Yukichi, Seiyo jijo [Événements actuels de l’Europe], 1866.

1La formule « en somme », réductrice en même temps que totalisante, résumerait bien le propos de ces événements d’envergure que sont les expositions universelles1. Somme des progrès accomplis, somme des avancées techniques, somme des élaborations partielles (nationales) capables de fonder un collectif à la mesure de la décennie, du siècle même2. Depuis la première Exposition inaugurale (Londres, 1851), le xix e puis le xx e siècle ont égrené, lors de dizaines de ces manifestations tapageuses, bilans et prospectives du monde. Tous les observateurs des expositions n’ont pu que noter le « chaos savamment ordonné3 », la « masse hétéroclite4 », le « pêle-mêle », « capharnaüm » ou « tohu-bohu5 » auxquels se prêtent, chacune en son temps, les expositions universelles, et donner le vertige en énumérant en un joyeux désordre les objets alors pourtant consciencieusement inventoriés et catégorisés.

2construction des savoirstraditionprogrèsConçues pour célébrer le progrès, technologique, économique, moderniste et civilisateur, les expositions ont pourtant fourni très vite l’occasion d’en accompagner la critique : dès 1900, pour la tenue à Paris de l’« Exposition du siècle », les controverses empêtrent le projet en interrogeant le bien-fondé de la formule progressiste6. La tendance s’affirme après-guerre, qui voit l’Homme monter sur la scène (« L’Homme et le progrès », Bruxelles, 1958 ; « Terre des hommes », Montréal, 1967) et qui fait de la paix entre les peuples le nouveau métronome des inventaires techniques (« Progrès et harmonie pour l’humanité », Osaka, 1970). Contemporanéité oblige, la nature a depuis peu fait son entrée. Au diktat « toujours plus vite, plus grand, plus loin » qui caractérisait les expositions des xix e et xx e siècles, l’Exposition d’Hanovre, en 2000 (Expo 2000), choisissait ainsi de substituer un nouveau paradigme : « plus durable, plus intelligent, plus humain7 », en mettant en scène le trinôme « Homme-Nature-Technologie ». Flattant le « contrat naturel » promu par Michel Serres 8, la nature est devenue le tiers incontournable au point que l’Exposition de 2005 table elle aussi, en une formulation ciblée, sur « la redécouverte de la sagesse de la nature » pour prévenir et résorber les débordements modernes9.

3La morale, pour le Japon, est belle : après avoir déployé, autour des expositions du xix e siècle, une « véritable politique du savoir10 » dans sa forme moderne, après avoir organisé, en 1970, la première Exposition universelle en Asie11, convaincant ainsi l’Occident qu’il allait dorénavant devoir compter avec lui, il parvient aujourd’hui à faire un pas de plus. Il s’agit non plus seulement d’accéder à l’universalité de l’autre, mais de proposer à cet autre et au monde sa propre universalité, fondée sur ce que les Japonais revendiquent comme spécifiquement japonais : une relation harmonieuse à l’environnement naturel.

4Installée dans une région forestière à l’est de Nagoya, dans la préfecture d’Aichi, l’Exposition japonaise entend ainsi tirer parti du cadre géographique et naturel dans lequel elle s’inscrit afin de proposer de nouvelles relations entre l’homme et son environnement pour le siècle à venir. Ce lot de terre boisée n’a pourtant rien, au premier abord, qui le prépare au devenir universel promis par les organisateurs. Au fil des années qui voient mûrir l’Exposition, les transformations sont exemplaires ; les élaborations, conceptuelles, architecturales, scénographiques, édifiantes.

Les esquisses du projet

Arpentages et recensements

5C’est un bout de forêt à l’est de la ville de Nagoya, dans la préfecture d’Aichi. Une parcelle de terrain qui, en 1998, tandis que le projet est à son seuil, s’étendait sur 540 hectares. Lors de ma première visite en 2001, le parcours qui m’y mène est complexe : il me faut me procurer des cartes auprès de l’Association pour l’Exposition de 2005, sise en centre-ville, me faire dessiner une zone aux contours rendus flous par les lignes mal assurées, tracées au feutre rouge par un fonctionnaire finalement bien en peine de m’indiquer l’endroit, changer plusieurs fois de train, marcher longtemps, me perdre sur des sentiers de campagne plus ou moins balisés pour trouver les traces du site de l’événement à venir. La « fête » est encore loin et, de premier abord, aucune rumeur ne sourd de la région. À bien y regarder, pourtant, la zone est investie de présences significatives, qui disent l’événement comme en négatif. Des panneaux gèrent ainsi les pas des promeneurs : « ne pas toucher », « ne pas entrer », « prière de remporter ses déchets », « attention aux feux », qui font du paysage un objet posé là. Procédant de la même objectivation – esthétisation en prime –, un panneau de bois, en bordure de rizière, capte l’attention du badaud et indique que le lieu, dans sa présence, se suffit bien à lui-même : « mori no gallery [galerie forestière] ». L’invitation au regard ou à l’acte photographique s’impose. La forêt, transformée en musée, s’offre ainsi à la visite guidée : les sentiers eux-mêmes y sont des parcours fléchés le long desquels d’autres panneaux qui affichent photographies et documents historiques aident le visiteur à prendre acte du patrimoine culturel et religieux que renferme la forêt. La forêt est ainsi remplie de savoirs locaux – autant d’arguments contre le projet universel. L’enjeu, visiblement, est de prendre la place avant que les travaux ne commencent. De protéger la forêt Kaisho et de la préserver en l’état. Le concept de sagesse de la nature, consciencieusement élaboré par l’équipe de concepteurs nouvellement réunie, est repris au compte des contradicteurs : sage, la nature l’est bel et bien, mais en l’état. Au détour d’un chemin, à l’orée d’un autre, des messages, sur des banderoles ou gravés à même des poteaux de bois, sont explicites : « Non à l’Expo ! » disent-ils en substance. Ils mettent en lumière le paradoxe du projet d’exposition qui, sous couvert de célébrer la nature, en prévoit la destruction partielle à des fins d’aménagement, ou mentionnent telle espèce naturelle en voie de disparition que le projet mettrait inéluctablement en péril. La forêt est peuplée, de dieux, d’ancêtres, d’oiseaux ou de fleurs rares, de promeneurs du dimanche, et sa population a ses porte-parole, qui la défendent avec suffisamment d’éloquence pour bouleverser les plans de l’Exposition. Elle compte un véritable pourfendeur même : tandis que je redescends le chemin qui mène à la route, d’une bicoque en bois sur ma droite jaillit littéralement un homme qui me prend à partie au sujet des méfaits prévisibles de l’Exposition, auteur revendiqué des banderoles assassines. J’entendrai parler de lui au fil des années, comme l’un des opposants les plus farouches qui, refusant les affiliations trop explicites, préférait agacer les instances organisatrices par des actions solitaires, mais néanmoins efficaces.

6Pour effet de tout cela, un an plus tard, le terrain dévolu au projet est réduit à 250 hectares. En 2000, il n’est plus que de 100 hectares, destinés à « symboliser l’esprit de l’Exposition ». La majeure partie du site est déplacée sur un parc à quelques kilomètres, aménagé depuis longtemps d’infrastructures sportives et d’aires de récréation pour la jeunesse.

Avatars virtuels

7inscription des savoirsvisualisationvisualisation de l’informationplan pratiques savantespratique artistiquearchitectureAlors que la forêt organise sa résistance, les plans et les images capables de tenir tête ou d’absorber les controverses locales en même temps que de soutenir le virement paradigmatique qui incite à compter la nature comme un partenaire privilégié, s’élaborent, dans un cabinet d’architecture tokyoïte. L’architecte Kuma Kengo, chargé des plans préliminaires, formule des propositions radicales : point de pavillons qui apparentent les expositions à une vitrine architecturale, point de déballage ostentatoire qui les fasse ressembler à des foires scientifiques et techniques, mais une plate-forme outillée, nécessaire pour replacer le savoir aux côtés de la nature, sage, pour exposer « ce qui est immuable12 » – la forêt elle-même. Les esquisses, qui illustrent l’une des premières brochures de présentation de l’Exposition de 2005, montrent ainsi des hommes aux contours fantomatiques déambulant dans une forêt comme le long de larges corridors de bois montés sur pilotis. Sans jamais toucher le sol, ils parcourent l’espace boisé au niveau des fougères ou bien plus haut, plus proches de la cime des arbres, au regard desquels ils semblent lilliputiens. Ailleurs, ils apparaissent encore derrière des parois de verre qui courent entre les arbres. Plus radical encore : Kuma a l’idée, avec l’aide d’un ami informaticien, d’équiper les visiteurs de l’Exposition d’appendices techniques, des lunettes virtuelles dévoilant à l’homme moderne, « perdu d’urbanité », les délices cachés d’une nature oubliée, propriétés intangibles des arbres, personnages de légendes, nymphes, muses, à nouveau rendus visibles par les prouesses technologiques.

8Inspirées, les propositions de l’architecte ont dû paraître trop radicales, finalement – tout autant que celles des intellectuels, philosophes, anthropologues qui les accompagnaient –, et n’ont pas été retenues. Les jeunes concepteurs sont remerciés et bientôt remplacés par des loups mieux aguerris, qui ont, à leur passif, l’expérience de l’Exposition d’Osaka de 1970.

L’Exposition en chantier

9Nous sommes à présent en 2003. Deux années nous séparent encore de l’ouverture de l’Exposition. Sur les deux sites qu’elle compte maintenant, les travaux ont commencé, les transformant en « chantier public ». Je visite le chantier principal avec certains membres de l’Association, de la section architecturale. Nous parcourons en voiture la parcelle boueuse, et c’est l’Exposition que nous visitons en avant-première : c’est le monde que nous avons soudain sous les yeux – mieux, une ébauche de monde, où tout semble encore possible, où les frontières entre les « communautés globales » peuvent s’exposer à de nouvelles compromissions. Mon interlocuteur insiste à plusieurs reprises sur le fait que l’endroit est vallonné et que c’est la première Exposition universelle qui respecte la topographie du site au lieu de l’aplanir. Comme nous pénétrons dans la « Global Common 4 » (l’Europe), nous entrons dans une zone bitumée, dont les chemins de traverse, sur lesquels je m’étais préalablement promenée, sont laissés en l’état. « Ce sera très vert, cette Expo, m’explique-t-il les yeux brillants, et dans cette partie du site, des guides volontaires promèneront les gens et leur indiqueront le nom des arbres, des insectes, etc. » Alors que nous continuons à parcourir le chantier, entre « Global Common 1 » (l’Asie) et « Global Common 2 » (les deux Amériques et la Chine), nous descendons de voiture : les hommes commentent l’avancée des travaux. Puis, l’un d’eux me fait remarquer le petit escalier de bois qui part « de l’Asie » et monte dans la forêt du site pour redescendre « vers l’Amérique ». « Depuis là où nous sommes, nous ne voyons pas l’Amérique, me dit drôlement un des hommes. Et les gens pourront gagner une zone en marchant dans des sentiers de randonnée ou de montagne. Cela ne donne pas le sentiment d’un site unique d’exposition, c’est vraiment plusieurs pôles discrets. »

10typologie des savoirsobjets d’étudenature construction des savoirstraditionsagesseTel est, à ce stade, le rendu de la « sagesse de la nature » : un respect scrupuleux, et explicité à l’envi, de ses pentes douces. C’est moins la nature qui se plie à cette reproduction miniature du monde que le monde qui s’arrange des plis de la nature pour s’organiser en contrefaçon temporaire, dans laquelle, depuis l’Asie, on ne voit effectivement pas l’Amérique.

L’événement

Les derniers préparatifs

112005, enfin. Nous sommes à neuf jours de l’inauguration. Je suis arrivée à Nagoya le matin. À l’aéroport et à la gare, l’événement en gestation affiche une présence discrète : quelques fanions aux couleurs de l’Exposition habillent chichement les poteaux, quelques posters – images saturées de gens venus de tous les coins du monde – vantent son ouverture imminente. Dans le train high tech, nouvellement inauguré, qui conduit jusqu’au site de l’Exposition, en dehors de la ville, les gens se pressent à l’avant pour avoir une vue panoramique sur l’Exposition tout autant que pour voir les rails qui défilent sous le train entièrement automatisé. Rien n’est encore ouvert, mais l’on vient voir les préparatifs et saisir en instantanés photographiques les derniers arrangements visibles depuis les barrières – il faut dire, c’est irrésistible : haut-parleurs à la main, des hommes et des femmes en tenue aux couleurs militaires répètent dans le vide gestes et formules d’accueil.

Figure 1. Vue de l’Exposition internationale d’Aichi, au Japon, en 2005.
Vue de l’Exposition internationale
              d’Aichi, au Japon, en 2005.

12Je rentre munie de mon attestation « Pavillon français13 » et peine à reconnaître les lieux, difficiles à saisir en leur totalité. Ce qu’on appelle « la loupe », passerelle de bois montée sur des pilotis blancs – je me rappelle la conversation, dans le bureau des architectes, au cours de laquelle le blanc fut décidé, après de multiples essais bigarrés –, offre une voie toute en ondulations douces d’une « communauté » à une autre. Des techniciens s’affairent, ici et là, occupés aux finitions. Des flopées de jeunes guides parcourent le site pour finir de l’apprivoiser tout en recevant les dernières recommandations. À l’intérieur des pavillons, les équipes de scénographes tentent de se faire comprendre des techniciens locaux pour fignoler les montages de leurs installations. L’heure est aux passations. Dans le Pavillon français, le coordinateur principal organise une visite, en bonne et due forme, à l’intention de la directrice des relations publiques, campée sur le site pendant la durée des six mois de l’Exposition. La visite est tout à la fois répétition et repérage des problèmes qui restent à résoudre ; cette mise au point consiste aussi à s’accorder sur un discours. Au fil des installations, le message auquel les organisateurs tiennent est dit et répété – d’autant plus que le coordinateur entend se distinguer et prendre position vis-à-vis de son homologue japonais. Ce message est : notre devenir terrestre n’est pas à chercher dans une redécouverte de la sagesse de la nature per se, mais dans la réaffirmation de responsabilités civiques ; dans le redéploiement d’un contrat social, donc, et non pas dans un contrat naturel. L’élaboration, autour de l’idée de développement durable, est fine – intellectuelle, voire présomptueuse, diront certains –, réactivant, sans en avoir toujours conscience, le verdict qui pourtant fait date dans l’histoire des pavillons français successifs et de leurs choix scénographiques.

13Disposant de temps, je décide de faire un tour dans les pavillons adjacents. Le Pavillon espagnol, qui fait face au Pavillon français, est conçu comme une ruche aux alvéoles très colorées. De son centre, on accède aux différentes chambres : 1. Innovations ; 2. Moisson du Paradis ; 3. Don Quichotte ; 4. Héros contemporains ; 5. Fêtes, etc. Celles-ci se relisent, après visite, comme : 1. les techniques et la modernité ; 2. les productions maraîchères et les spécialités locales ; 3. la culture (avec pour présupposé : « Don Quichotte, une source universelle d’inspiration ») ; 4. le sport ; 5. les coutumes locales, etc. Même développement culturaliste pour l’Italie – que certains qualifieront de « berlusconienne » – qui fait étalage sans vergogne de céramiques antiques, de héros de bronze, d’huiles d’olive, le tout apprêté sur des estrades qui recomposent les régions du pays. La scénographie de la première salle, pourtant magistrale, n’arrange rien, tant on y lit l’Italie célébrée par ses designers et créateurs (plutôt que l’Italie les célébrant). Difficile, en tout cas, de distinguer, dans tout cela, ce qui viendrait enrichir la proposition conceptuelle de l’Exposition de 2005. Naïvement, je m’attendais à voir se démultiplier les sagesses de la nature au gré des pavillons. La Bosnie ouvre à une tout autre dimension. Une hôtesse japonaise et un Bosniaque se tiennent à l’entrée, aidant à vanter les montagnes et les cours d’eau du pays. C’est « Votre prochaine aventure », l’aventure du ski et de la randonnée alpine, de la descente en kayak. Les contrastes sont criants : des panneaux photos font croire, un moment, qu’on est dans une agence de voyages locale, sentiment que le film – seul objet animé – qui y est projeté tendrait à confirmer. Le plafond est nu, la scénographie minimaliste. La Tunisie, elle, fait penser, sous un mode préfabriqué, à un salon de la maison, version exotique. Dans une partie de la pièce, des alcôves exposent les formes d’habitat, l’ameublement et les poteries ; dans une autre, le mode nomade, une reconstitution en carton-pâte d’une scène de la vie des gens du désert figés dans leur attitude, le tout sur fond de fresques peintes. Pour la Bulgarie, toute tendue de rose (des motifs de roses recouvrent la façade aux teintes couleur rose et en drapent le plafond), des écrans de télévision diffusent des images du pays – paysages et scènes de la vie quotidienne – soulignées, dans les carcans qui leur servent de vitrines, de créations de verre.

14Sur le chemin du retour, en coupant par l’esplanade centrale, j’assiste aux répétitions d’un spectacle : Le Bal enchanté de la forêt. Sur la grande scène, et sur l’écran géant qui la surplombe, dansent pour la survie de la forêt les êtres – incarnations, ailées ou poilues, des fées et des chimères – qui la peuplaient, il y a quelques années, avant que l’architecte Kuma ne la transforme.

15J −6 : journée d’une tonalité particulière. D’abord, c’est le premier volet des journées portes ouvertes : onze mille tickets ont été vendus notamment aux gens de la région, aux associations locales et aux employés de l’usine Toyota qui, installée tout près, possède une grande partie des infrastructures dans le secteur. Les personnes âgées, les femmes avec enfants, les handicapés constituent le gros des visiteurs. Journée d’« appropriation locale », comme je l’entendrai dire plus tard ; journée test, aussi, du point de vue des organisateurs. La foule se presse aux portes du train. « 45 minutes d’attente », annonce la pancarte, et beaucoup de monde partout sur le site. Côté français, nous sommes presque un peu triste de perdre la tranquillité et l’exclusivité de ce qui est très vite devenu « notre site ». Tous les pavillons, ou presque tous, sont ouverts, quoique certains soient encore en travaux. Les files de visiteurs les font ressembler, de loin, à des comètes. En chemin, je m’arrête au Pavillon américain, mais l’attente me décourage. Je visite, dans la même « communauté », celui de la Croix-Rouge qui projette un film très émouvant ; celui de l’Amérique latine, qui vante ses richesses naturelles. Je traverse le pavillon de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), celui de l’ONU (Organisation des nations unies). J’apprends plus tard que les États-Unis, qui ne participent plus à de tels événements depuis longtemps, ont accepté de monter un pavillon à l’Exposition japonaise – façon de faire un geste et de manifester leurs remerciements aux Japonais pour avoir été leurs alliés dans la guerre contre l’Irak. Et, pour des raisons tout aussi politiques, en coulisses, on raconte qu’il aurait été très poliment demandé au commissaire du Pavillon français de retirer sa candidature au poste de commissaire des commissaires. Les pays d’Europe et les pays contre la guerre en Irak se seraient unanimement mobilisés pour voter en faveur du commissaire français, manifestant ainsi leur désapprobation vis-à-vis des États-Unis, hégémoniques jusque dans l’Exposition, et rejouant le jeu des alliances « anti- » contre « pro- » guerre en Irak.

16Café « en Italie » après le déjeuner : on parle maintenant des pavillons comme de pays. Je retrouve ensuite un ami japonais qui a compté parmi les premiers concepteurs de l’Exposition de 2005, évincés du processus en milieu de parcours. Nous commentons le résultat ensemble. Dans ce paysage, qu’offrent le site et son nouvel aménagement, mon ami lit les éléments d’une histoire passée à laquelle il a pris part avec d’autres. Il lit les traces de « leur » projet : la loupe sur pilotis, seul vestige de la proposition de l’architecte Kuma Kengo. Il évoque les polémiques liées à la réutilisation du site. Dans le contrat, il est stipulé que tout, après l’événement, doit redevenir ce qu’il était auparavant. La règle, a priori salutaire, ne va pas sans quelques aberrations, notamment celle d’imaginer que soit conservé l’« aqua-parc », en mauvais état, hérité du Parc de la jeunesse, au détriment de nouvelles structures moins passées de mode. Nous visitons la zone Asie, le Sri Lanka, le Tibet, le Pakistan, le Bhoutan, puis regagnons les cabines qui mènent, en téléphérique, jusqu’au site dans la forêt Kaisho, vestige « peau de chagrin » du projet initial. À proximité de l’arrivée, les vitres se teintent et empêchent de voir le paysage : les habitants des fermes et des habitations traditionnelles que le téléphérique surplombe ont protesté au nom de leur intimité. L’ambiance est très différente de ce côté-ci de l’Exposition. Les groupes associatifs présents ici exposent, outre leurs activités et professions de foi, leur mécontentement vis-à-vis du projet d’exposition. Sur un petit stand, la forêt qui s’étend encore alentour a été réduite à l’état de bonsaï et l’on explique longuement à l’étrangère que je suis les expériences et tests auxquels les deux sites de l’Exposition sont soumis : mesure de tel gaz sur le site principal, comparée à la mesure du même gaz sur celui de la forêt.

17J −4 : il fait beau. C’est officiellement, suivant le calendrier, le début du printemps. Le site est à nouveau vide, totalement même : tous les pavillons sont fermés, les allées sont désertes. Des ouvriers travaillent ici et là, mais la plupart des bâtiments tiendront leur porte fermée jusqu’à l’inauguration. Mes pas me mènent en Asie du Sud-Est. Je visite « Singapour », l’« Indonésie », la « Thaïlande ». Au « Cambodge », je suis accueillie par un Cambodgien qui parle parfaitement le français et par un Français qui travaille pour une marque de produits locaux, exportés internationalement. Ils racontent qu’ils n’ont été invités à participer à l’Exposition que six mois auparavant : les officiels, bien entendu, étaient au courant depuis fort longtemps et avaient même reçu pour cette manifestation un budget colossal qu’ils s’étaient empressés de dépenser à d’autres fins. C’est seulement lorsque les organisateurs japonais se sont inquiétés de ne recevoir aucune esquisse de projet que les Cambodgiens ont contacté une compagnie liée à l’aéroport pour financer et monter dans l’urgence un semblant de projet.

18Je me rends ensuite dans la zone japonaise, mais je me fais refouler aux portes du pavillon. On s’affaire ici aux finitions avec discrétion et, sans autorisation spéciale estampillée du bâtiment administratif, nerf de la guerre : impossible d’entrer.

L’Exposition en ses autres versants

19J -1 : j’ai rendez-vous, ce matin, avec « l’homme des bois », le pourfendeur féroce rencontré quelques années plus tôt dans la forêt. Nous nous sommes parlé la veille au téléphone. J’avais entendu qu’une manifestation contre l’Exposition aurait lieu le jour de l’ouverture. Elle a lieu aujourd’hui, jour des cérémonies d’inauguration officielle et de la visite de la famille impériale. Nous nous retrouvons porte nord. Peu de personnes sont réunies, une quarantaine peut-être. Des sans-abris, « délogés » sans ambages d’un parc de Nagoya pour faire place nette, « des victimes » comme me dit « l’homme des bois », des gens du coin, munis de pancartes aux messages éloquents : « L’Expo environnementale détruit l’environnement ! », « Expo Toyota ! ». Le petit comité est gonflé des effectifs de sécurité en costumes noirs qui encadrent les manifestants. Des journalistes, aussi, sont venus en assez grand nombre, si l’on considère l’ampleur de la manifestation. « L’homme des bois » me narre l’histoire de l’Exposition comme celle d’une « trahison ». La décision de changer l’emplacement du site principal date d’avril 2000, se souvient-il. Le compromis procède de longues négociations entre le ministère de l’Industrie et la World Wild Foundation Japan, la Société pour la conservation de la nature. De l’affaire, « l’homme des bois » retire la satisfaction de pouvoir continuer à vivre « là-bas », dans sa bicoque de bois tenue à l’écart des tourbillons de la fête, mais il est évidemment très mécontent en ce qui concerne la conservation de la nature qui pâtit de toute façon de l’agitation provoquée par l’événement. Tandis que nous parlons, un des anciens préfets de la région saisit le haut-parleur pour, à sa façon, décrier le projet. Puis, c’est au tour d’un des membres du conseil municipal de la ville de Seto, sur la commune de laquelle s’étend une partie de la forêt, qui, à la suite de ses exactions contre l’Exposition, est le seul à n’avoir reçu aucune invitation. Prend ensuite la parole un professeur de l’Université de Tokyo. La prestigieuse institution détient, en effet, un morceau de la forêt, et le professeur, à la retraite depuis peu, vient témoigner, fort des recherches qu’il conduisait sur sa gestion. Suit une citoyenne ordinaire, une femme qui s’est une fois portée candidate à la mairie de Seto et qui est propriétaire d’un restaurant à Nagoya. Enfin, un chanteur, « génération 68 » – d’après « l’homme des bois » –, s’égosille en grattant sa guitare et motive l’assemblée de « Contre l’Expo ! ». Tout en commentant les allocutions, « l’homme des bois », jumelles ajustées, scrute le ciel. Il désigne une portion de colline boisée, dorénavant coincée entre les routes. Il est très inquiet pour les autours (falconi formes), l’une des espèces ornithologiques en voie de disparition qui peuple la forêt. C’est un moment de l’année critique pour eux, et tous les hélicoptères qui sillonnent le ciel, depuis plusieurs jours, leur sont très nuisibles, compromettant même peut-être leur pondaison cette année.

20Peu avant que ne sonne l’heure de l’ouverture des festivités dans l’enceinte de l’Exposition, un appel est lancé pour que nous nous regroupions. Nous « marchons » – attendons que le feu passe au vert, traversons la route –, banderoles au bâton, pour remettre, après lecture solennelle, une lettre de contestation à un représentant officiel. La rencontre, au sommet de ce bout de trottoir, crépite sous les flashes des photographes. L’officiel ayant, de manière tout aussi protocolaire, « reçu la lettre », nous faisons demi-tour, traversons à nouveau. Banderoles et pancartes sont pliées et rangées : « Elles sont allées à Paris, pour l’assemblée générale du Bureau international des expositions, et à Monaco aussi », me dit fièrement « l’homme des bois ». Rendez-vous est pris, entre manifestants, pour le lendemain, sous le téléphérique, pour protester au nom du voisinage.

21pratiques savantespratique rituellecérémonie matérialité des savoirsinstrumentinstrument de communicationécranLe groupe dispersé, je regagne le site de l’Exposition. L’ambiance y est étrange. Sur le grand écran, au milieu de la « Plaza », est retransmise la cérémonie d’inauguration qui a lieu dans un des bâtiments qui m’entourent. Nous voyons les images, mais nous n’avons pas le son. La cérémonie, filmée et retransmise en direct par les télévisions nationales, donne le sentiment d’une foule, d’un événement dûment fêté, mais au-dehors, sur le site lui-même, tout est silencieux et très calme. Quelques badauds sont sur la loupe. Sentiment étrange d’être près de « l’endroit où ça se passe » et de n’en rien sentir. L’événement se dénoue : aujourd’hui, mieux vaudrait être câblé, pour assister à autre chose qu’à ce silence qui fait place au grand show.

Double pôle

22Le 25 mars 2005, c’est le jour de l’ouverture. Il a neigé le matin. Voulant éviter les mouvements de foule, j’arrive sur le site en début d’après-midi, peu motivée par les étalages faussement culturels auxquels semble se réduire l’exposition filtrée par la grisaille. Les danses guerrières du Pacifique, dehors sous la neige, ajoutent au malaise. Tout autant que la visite du Pavillon canadien, qui vante sa nature et ses gens, dans un esthétisme naïf ; ou que celle du Pavillon américain qui, faisant de Benjamin Franklin son cheval de bataille, propose une histoire simpliste des techniques passées et à construire, teintée de fraternalisme douillet.

23En fin d’après-midi, je profite de ce que le site ne soit pas trop fréquenté pour aller voir le Pavillon japonais, enveloppé dans un cocon de bambou. Je suis surprise : le pavillon annonce la mise en scène du rapport des Japonais à la nature et je m’attends à une « démonstration » d’harmonie et de sagesse en bonne et due forme. Il n’en est rien. Le pavillon décline des installations – ou plutôt des séquences, du point de vue du visiteur contraint de suivre un parcours minuté – autour du globe. Les différentes salles et passages jouent des changements d’échelle. Le réchauffement de la planète, les catastrophes écologiques, l’aliénation moderne y sont rendus en images déstructurées projetées sur des écrans carrés – qui sont comparables à des cubes en train de s’effondrer ; la richesse des milieux – céleste et marin – en une sphère vertigineuse ; l’« intelligence et la sagesse de la nature » en une forêt clairsemée de bambous – qui sont des tubes de carton, à la manière de ceux que conçoit l’architecte Shigeru Ban. Des alcôves, sur les côtés, montrent des systèmes techniques, notamment les procédures et les matériaux utilisés pour l’élaboration du pavillon. À l’autre bout de la forêt clairsemée, un globe se pare successivement des couleurs de la mer ou de la forêt. Tout y est rond. Et la mesure est explicitement celle de l’univers.

24typologie des savoirsobjets d’étudenatureLe lendemain, je passe l’après-midi du côté du site forestier, dans cet autre pôle qui joue, lui, la carte du local. Je m’inscris à « l’école de la nature villageoise » qui, en un anglais approximatif, annonce : « Désolés, nous ne parlons que japonais, mais c’est la nature qui vous parlera. » Sur l’un des flancs du site, une petite porte ouvre sur le parcours qui nous attend. La guide nous y précède, devançant nos pas et orientant nos regards en nous faisant remarquer telle pousse encore timide (« il a fait tellement froid, elle se protège »), nous donnant le nom de telle plante ou de tel arbre. Elle décode, pour nous, l’histoire du paysage : tel creux est indice de l’utilisation du sol par les hommes, qui défrichaient la forêt, zone après zone. La nature a besoin de nous, appelle-t-elle. Elle invite pour finir à une pause contemplative qui s’achève par la composition silencieuse et révérencieuse d’un haïku, poème minimaliste à même de rendre visible la relation évanescente, mais toujours renouvelée, à ce qui nous entoure. J’écris, en français : « Au loin, les bruits de la fête ; et là, un oiseau que je ne connais pas. » La communion accomplie, nous rompons le silence pour lire notre œuvre chacun à notre tour.

De retour sur le site – dont on ne s’est pas, à vrai dire, beaucoup éloigné –, je visite le pavillon de Seto qui décline le Japon et ses productions héritées d’un mode de vie harmonieux avec la nature. Un film projeté sur des écrans de papier de riz enchaîne les motifs traditionnels, tous issus de la nature : d’une goutte d’eau et des ondulations qu’elle fait naître à la toupie de bois ; de mille toupies aux ombrelles ; des ombrelles qui tournent au tour du potier, à la céramique ; les tissus de kimonos qui s’enroulent ; les bambous ; les paniers en osier ; le papier et l’origami ; des oiseaux de papier qui s’envolent sur un ciel de paravents ; des sceaux aux motifs floraux ; des papillons ; des éventails ; des feuilles d’automne sur fond de paravent ; des pages calligraphiées qui défilent et se mêlent ; les calligraphies plus contemporaines des enseignes lumineuses ; des masques de Nô qui clôturent bientôt le voyage d’un « Japon » inscrit grassement sur les portes qui se referment. Dans une autre salle sont exposées des compositions artistiques contemporaines inspirées de motifs ou de matériaux naturels.

25Peu de temps me sépare, maintenant, du départ. Le printemps promis ne s’est pas montré généreux, et il fait encore très froid. De retour sur le site principal, sans beaucoup de conviction, je visite à la suite les pavillons africains et celui, qui les jouxte, de l’entreprise Nedo. Leur contiguïté – étalage de produits artisanaux et de nanotechnologies – ne peut manquer de paraître hasardeuse. Si une Exposition universelle est la somme de quelque chose, cette somme, aujourd’hui, semble pour le moins décousue. Mais le contraste entre les pavillons, entre tous les pavillons, comme entre les deux sites, a tout de même sa morale : en matière de représentation de l’universel, c’est à chacun la sienne, et rien ne vient contrer leur coexistence.

Notes
1.

Depuis 1988, la nomenclature et la définition précise des catégories d’expositions ont été modifiées : les termes « universelles » et « spécialisées » ont fait place aux termes « enregistrées » et « reconnues ». Les expositions enregistrées, catégorie à laquelle l’Exposition de 2005 appartient, se tiennent à intervalle de cinq ans, peuvent avoir une durée de six mois, et peuvent revêtir, selon la portée de leur thème, le caractère soit d’une exposition universelle, soit d’une exposition spécialisée.

2.

Voir le livre d’Alain Badiou dans lequel il invite à faire du siècle un objet de pensée philosophique en questionnant non « pas ce qui s’est passé dans le siècle, mais ce qui s’y est pensé », autrement dit « comment le siècle a pensé sa pensée, comment il a identifié la singularité pensante de son rapport à l’historicité de sa pensée » (Badiou, 2005, p. 13). En la matière, nul doute que les expositions universelles s’imposent comme des événements emblématiques au travers desquels, au fil des décennies, le siècle se pense.

3.

Orsenna, 1988, p. 388.

4.

Pinot De Villechenon, 2000, p. 111.

5.

Debray, 1992, p. 25-26.

6.

Pinot De Villechenon, 2000 ; Rancière, 2003.

7.

Breuel, 2000, p. 13.

8.

Serres, 1990.

9.

Outre que la postface rédigée par Michel Serres à l’occasion de l’Exposition de Séville en 1992, intitulée « Sagesse », aurait bien pu tenir lieu d’introduction à l’Exposition de 2005 (Serres, 1992), le philosophe est pris à partie par l’Exposition de 2005 et mis à contribution dans la revue Cocounochi qui a accompagné le projet à ses débuts (Nakazawa, 1999). Michel Serres, avec Claude Lévi-Strauss et Bruno Latour, est en effet un des penseurs français interviewés par l’équipe de concepteurs japonais qui utilisent sa pensée pour convaincre les instances internationales du bien-fondé universaliste du projet.

10.

Faure, 2002, p. 88. Dès avant la réouverture du Japon en 1868, qui marque le début de l’ère Meiji, des missions à l’étranger sont organisées afin de « convaincre les élites de l’urgence qu’il y avait à importer des savoirs pour être en mesure de concourir avec les Occidentaux » (ibid., p. 91). L’une des premières à laquelle le réformateur et moderniste Fukuzawa Yukichi, cité en exergue de ce chapitre, participa prend prétexte de la Grande Exposition de Londres de 1862. Au cours des décennies suivantes, le pays participera à plusieurs expositions et nourrira longtemps le rêve d’en accueillir une à son tour. Selon le Rapport officiel sur l’Exposition universelle du Japon, Osaka 1970, le Japon « doit en grande partie à sa participation positive aux Expositions universelles d’avoir accompli rapidement sa modernisation et son développement » (Rapport…, 1972, p. 8).

11.

Avec soixante-quatre millions de visiteurs (dont 97 % de Japonais), Osaka 1970 détient le record de fréquentation et fait figure d’événement majeur dans l’histoire des expositions universelles. Au Japon, le souvenir de cette manifestation, particulièrement vif, est appelé très tôt à la rescousse du projet 2005 qui, en ses débuts, connaît des heures difficiles.

12.

Lehtimäki, 2002, p. 102.

13.

Au terme de plusieurs années de recherche sur la préparation de l’Exposition de 2005, l’équipe du commissariat général pour le Pavillon français finit par entendre parler de mon travail et m’engage, le temps de quelques mois, comme consultante : mon travail consiste alors à accréditer les discours qu’elle produit en m’assurant de leur réception par le public japonais.

Appendix A Bibliographie

Sources
  1. Rapport officiel sur l’Exposition universelle du Japon, Osaka 1970, Association commémorative pour l’Exposition universelle japonaise, Tokyo, 1972.
Autres références
  1. Badiou, 2005 : Alain Badiou, Le Siècle, Paris.
  2. Breuel, 2000 : Birgit Breuel (éd.), Expo 2000, Hannover. Catalogue officiel de l’Expo 2000, Hanovre, Munich.
  3. Debray, 1992 : Régis Debray, « Les deux pôles », in R. Debray (éd.), La France à l’Exposition universelle, Séville 1992, Paris.
  4. Faure, 2002 : Guy Faure, « La maîtrise des savoirs à travers les échanges de personnels à l’époque Meiji : experts occidentaux au Japon et étudiants japonais à l’étranger », Daruma, 10/11, p. 87-99.
  5. Kuma, 1997 : Kengo Kuma, « Digital Gardening », Space Design. Monthly Journal of Art and Architecture, 398, p. 6-132.
  6. Lehtimäki, 2002 : Kristiina Lehtimäki, Kengo Kuma : Spirit of Nature Wood Architecture Award, Helsinki.
  7. Nakazawa, 1999 : Shin’ichi Nakazawa, Chihiro Minato, Michel Serres, « Dialogue with Michel Serres. A Spring View : Is a Contract with Nature Possible ? », Coucou no tchi, 1, p. 40-45.
  8. Orsenna, 1988 : Erik Orsenna, L’Exposition coloniale, Paris.
  9. Pinot De Villechenon, 2000 : Florence Pinot De Villechenon, Fêtes géantes. Les expositions universelles, pour quoi faire ?, Paris.
  10. Rancière, 2003 : Jacques Rancière, Les Scènes du peuple, Lyon.
  11. Serres, 1990 : Michel Serres, Le Contrat naturel, Paris.
  12. Serres, 1992 : M. Serres, « Sagesse », in R. Debray (éd.), La France à l’Exposition universelle, Séville 1992, Paris.