Charles Delattre

Résumé

Le discours contemporain fait généralement de l’étiologie une « recherche des causes » qui partage ses objectifs avec l’histoire scientifique sans en atteindre les résultats. Un examen des pratiques discursives des auteurs antiques permet de montrer que l’étiologie n’est pas à proprement parler un cadre général de pensée, mais repose sur un mécanisme narratif précis qui associe deux volets complémentaires unis par un processus d’identification. L’étiologie, qui fonctionne grâce à la co-présence de ces deux volets, n’a pas pour but de rechercher une cause univoque à un rituel ou un nom, mais construit conjointement un présent et un passé qui existent comme miroir l’un de l’autre. Elle est une sémiologie qui repose sur un principe d’autorité, et non sur la référence au réel.

1Le mot « étiologie » fait partie de ces termes que l’on emploie couramment dans les études sur les mythes sans parvenir toujours à définir spécifiquement ce qu’ils désignent. « Partie de la médecine qui étudie les diverses causes des faits biologiques, notamment des maladies »1, l’étiologie serait plus généralement une « étude des causes » qui renverrait à une pratique analytique, celle du chercheur moderne, mais aussi celle d’auteurs antiques : elle serait une tentation de la logique raisonnante, un cadre général de réflexion, un mode de pensée plutôt flou où interviennent les notions de « principe » (ἀρχή) et de « cause » (αἰτία), et qui peut s’appliquer non seulement à des œuvres qui revendiquent par leur titre leur inscription dans ce cadre général, comme lesAitia de Callimaque ou lesOrigines de Caton, mais à toute production littéraire visant à fournir une explication du présent2.

2N’y a-t-il pas une définition plus précise de l’étiologie ? C’est à cette question que J. Poucet a tenté de répondre dans un article publié en 1992 dans la revueLatomus, en esquissant une utile mise en forme de la pratique étiologique à Rome, à l’époque républicaine et au début de l’empire, et en proposant non seulement une description générale, mais aussi une tentative de formalisation à partir du cas romain3. Cependant, comme l’auteur le souligne lui-même, cette réponse n’était que partielle, et l’étiologie n’a toujours pas fait l’objet à ce jour d’une analyse systématique, malgré le grand nombre d’études de détail portant principalement sur le monde hellénistique et impérial4. Si les définitions partielles abondent, il manque encore une analyse d’ensemble qui se donne comme objet, non les pratiques étiologiques chez tel ou tel auteur, mais l’étiologie en soi.

3L’étiologie est pourtant objet d’étude, ce qui signifie qu’il existe au moins une définition générale, communément acceptée, sur laquelle viennent se fonder les différentes interprétations de détail. C’est ce dénominateur commun aux travaux publiés jusqu’à aujourd’hui qu’on examinera d’abord ici : l’on pourra ainsi se rendre compte à quel point l’étiologie est un objet du discours scientifique auquel le discours scientifique n’a pas accordé de statut véritable, repoussant toujours à l’horizon de son enquête une nécessaire et problématique définition, au point qu’il faudra déduire de remarques liminaires ou adjacentes ce que la critique moderne entend sous le nom d’étiologie. Ce n’est qu’après avoir examiné les contours de l’étiologie dans les pratiques discursives contemporaines que l’on pourra aborder avec un regard plus détaché les pratiques discursives antiques que nous considérons comme étiologiques.

I-L’étiologie, objet inaccessible du discours contemporain

Quel statut pour l’étiologie ?

4construction des savoirstraditionmythologieLe discours scientifique peine en général à définir l’étiologie, d’abord parce qu’il hésite sur le statut qu’il convient de lui donner. D’un côté, elle est souvent réduite à la dimension de sous-espèce du discours mythologique, opérant la conjonction à la fois d’une thématique, d’une logique et éventuellement d’une poétique. C’est en ce sens que P. Veyne fait allusion à des « aitiologies »5 qu’il associe à des généalogies mythiques, à des récits de fondation et à des histoires ou des épopées locales. Mais en même temps, l’étiologie semble être pour lui un mode de pensée sousjacent à chacun des genres énumérés, une « étude des causes » propre au discours raisonnant, non spécifique à l’Antiquité, car « la littérature généalogique (…) racontait en réalité desaitia, des origines, c’est-à-dire la mise en place de l’ordre du monde »6. Hésitant entre cadre de pensée général et mode de discours particulier, l’étiologie semble frappée d’une indécision semblable à celle qui s’attache à la définition dumythe.

5construction des savoirsépistémologiefictionL’indécision frappe non seulement la définition de l’étiologie, mais aussi sa portée : la valeur de l’étiologie, la validité des conclusions qu’elle autorise reçoivent des jugements divers qui ne dépendent pas tant de la réussite particulière d’un auteur que du cadre logique qu’il organise. « Ni gratuit, ni fantaisiste, ni innocent »7, ou à l’inverse « peu scientifique »8, le procédé étiologique est soumis à une critique qui le fait dépendre étroitement de l’idée de « science », comme si « étiologie » et « science » fonctionnaient comme les deux termes antithétiques et irréconciliables d’une alternative épistémologique. Tantôt on dénie tout caractère scientifique à l’étiologie, et on en fait l’Autre de la science, tantôt on en admire la réussite logique, et on y voit alors une procédure de type scientifique9. Quel est donc ce discours scientifique dont l’étiologie est souvent le repoussoir ou l’inachevé ? C’est celui d’une « histoire authentique »10, capable d’atteindre la réalité historique, tandis que l’étiologie est au mieux une « fiction logique »11 qui « flirte plus ou moins nettement avec l’histoire, sous la forme et par le biais de l’anachronisme »12. Procédure discursive brouillonne et partielle, l’étiologie doit s’effacer devant une science toute-puissante et souveraine, maîtresse d’elle-même et de sa logique. Et à l’inverse, la science est parfois redéfinie comme une étiologie réussie, qui s’attache aux causes véritables. Alors que « l’étiologie antique ne pouvait pas se prétendre une science exacte »13, le scientifique moderne est un étiologue sûr de son fait, car capable d’isoler la véritable nature des choses, leurs causes et leurs origines.

L’objet et la référence : l’apparente évidence de l’étiologie

6Le couple formé par l’étiologie et la science repose à la fois sur la notion decausalité, qui organise la définition de chacun des termes, et sur l’expression d’un jugement de valeur qui fait de l’exactitude un critère de validité absolu. Or cette notion d’exactitude introduit un nouveau biais dans la délimitation des contours de l’étiologie : si elle permet de convoquer la question du rapport à l’objet de la référence, elle l’oblitère dans un même mouvement pour imposer un rapport univoque.

7Il existe en effet un présupposé majeur dans les définitions partielles ou générales de l’étiologie que l’on trouve ici ou là : l’étiologie assurerait la coexistence de deux mondes, celui du réel et celui de l’interprétation. « Quand les membres d’une culture déterminée regardent autour d’eux », écrit J. Poucet, « ils constatent la présence de multiples realia »14 : le monde préexiste, il est donné par avance et n’est que progressivement découvert par celui qui, tout extérieur, prétend en rendre compte. L’étiologue semble assumer une position de repli, il ne semble pas prendre part à ce qui l’entoure, il est dans la position de l’explorateur ou de l’observateur non participant. Il décrirait un rituel, il rapporterait un nom qui préexistent forcément à son enquête15, qui appartiennent au monde réel, et élaborerait dans un deuxième temps seulement un récit mythique qui y fait référence16, qui est du domaine du « fictif »17 ou de la « fabrication »18. L’étiologie apparaît alors comme un mode de relation, elle est un rapport, un jeu d’associations19, un opérateur logique20 entre deux univers considérés comme hétérogènes, un pont entre deux mondes. Rendant compte de ce qu’il observerait en affirmant que cela existe encore à son époque (etiamnunc ou ἔτι ϰαὶ νῦν), le narrateur engagerait son autorité sur ce présent auquel il fait allusion, sur ce qu’il a vu ou pourrait avoir vu, et laisserait libre cours, sans place pour l’illusion, à une écriture-témoignage reposant sur l’autopsie.

8pratiques savantespratique intellectuelleraisonnement typologie des savoirsobjets d’étudepenséeC’est à cette interprétation que correspondent le plus souvent les traductions françaises de αἰτιολογία et αἰτιολογεῖν 21 : le sens donné à ces termes est le plus souvent d’ordre herméneutique, et apparente l’étiologie à une opération de la pensée, à un mode de fonctionnement logique, comme si αἰτία, « origine » et « cause » à la fois, suffisait à donner le sens d’αἰτιολογία 22. De la même façon, αἰτιολογεῖν est rendu le plus souvent par « rechercher les causes »23, « étudier les causes »24, « raisonner sur les causes » ou « découvrir la cause »25, voire « inférer la cause »26.

9matérialité des savoirssupportsupport de communicationcollection scientifique inscription des savoirsgenre éditorialcatalogueMais quel est donc ce réel auquel l’étiologue s’intéresse ? « Institutions politiques, sociales, familiales, religieuses, juridiques ; rites, usages et coutumes ; monuments de toute espèce ; toponymes et appellations de tout ordre », répond J. Poucet 27, dont la liste s’achève par « ce que nous appellerions des bizarreries ou descuriosa »28. Cet assemblage d’objets divers, rangés en apparence sans ordre de préséance, devient grâce au dernier item un catalogue raisonné, où lesrealia prennent un relief de plus en plus étrange. L’étiologue se fait antiquaire, les faits qu’il collecte se transforment en cabinet de curiosités, et l’étiologie devient l’instrument par excellence de la paradoxographie. Des institutions qui encadrent la vie de tous les jours aux toponymes dont le sens s’est perdu, le réel se métamorphose et perd sa transparence, l’univers devient un monde incompréhensible, presque sauvage, que l’étiologie permet d’apprivoiser à nouveau et de parcourir. Dans cette perspective, l’étiologie est une herméneutique qui rassure, elle sert à ancrer dans le réel et dans le présent29, elle explique, justifie, valorise30, « attire l’attention sur les manifestations visibles d’une activité divine, rationalise les rituels, rend confortablement compte de l’existence, et chasse les doutes en présentant des causes finales »31.

10Que l’étiologie soit tenue pour un pont entre passé et présent, entre mythe etrealia a pour conséquence principale que la plupart des analyses, lorsqu’elles aboutissent à une schématisation du phénomène étiologique, opèrent une répartition entre deux catégories32 : d’un côté l’aition, identifié au mythe33, qui porte tout le poids de l’étiologie, et de l’autre, l’objet à expliquer, que l’on décrit ou expose en présupposant sa totale transparence. Cette distinction, qui oppose le récit du passé et la description du présent, a pour conséquence inattendue de confisquer la parole et ses effets au profit du récit mythique seul, comme si ce qui est décrit dans le présent (rituel, toponyme, etc.) était assuré, anodin et sans obstacle, comme si c’était un fait certain. Du même coup, l’étiologie se trouve cantonnée à l’aition, qui devient support univoque de l’explication. Au fait revient le bénéfice de la transparence, à l’aition le poids de l’interprétation. Entre les deux, une relation univoque, stable, toute logique, qui interdit par exemple de considérer que l’aition pouvait intervenir dans le champ du rituel34, ou d’imaginer que certains rituels décrits par nos auteurs antiques pouvaient être élagués, modifiés, adaptés, voire inventés pour mieux s’adapter au récit de leur origine.

II-L’étiologie comme mécanisme narratif

11Ce qui semble oublié dans cette définition générale de l’étiologie, ce sont le statut du document qui donne accès au phénomène étiologique ainsi que la nature de la relation que ce document propose. En effet, il ne suffit sans doute pas de définir la position de l’étiologue, mais aussi celle du lecteur moderne, qui se trouve confronté aujourd’hui au document pour tenter d’en donner raison35. Mythe et rituel ne sont pas donnés en toute transparence, mais construits comme deux interprétations modernes de l’imaginaire antique, à partir d’un cadre élaboré par un dispositif narratif dont l’analyste doit décortiquer le mécanisme.

La part du narratif

12pratiques savantespratique rituelleLe rapport entre le texte étiologique et un rituel, par exemple, repose sur une illusion, un trompe-l’œil. La description d’un rituel n’est pas le rituel lui-même, et, dans le cas antique, la description du rituel n’a pas pour vocation de décrire précisément le rituel, mais d’en insérer des éléments dans un projet autre. La notion decomplexe rituel, conçu comme ensemble déterminé historiquement et sociologiquement, n’existe même pas dans l’Antiquité ; ce que nous appelons rituels dans nos sources, ce sont des bribes éparses de ce que le chercheur moderne cherche à reconstituer pour former une grande fresque, un ensemble cohérent dont les différents éléments sont indispensables pour créer un effet36.

13pratiques savantespratique discursiverécit pratiques savantespratique discursivedescriptionComme l’ekphrasis, l’étiologie semble donc établir un rapport entre un texte et un objet, par le biais d’une description, alors qu’en fait elle tend à substituer un texte à l’objet que ce texte prétend décrire, au point que l’on peut douter de l’existence réelle de l’objet : comme l’ekphrasis, l’étiologie est un cadre autonome, une construction narrative indépendante d’un réel qu’elle convoque pour mieux l’anéantir37. L’étiologie est tout entière insérée dans un dispositif construit par un ensemble de relations, entre le document, celui qui l’a construit et celui qui le consulte, plus qu’entre le texte et son référent dans le monde réel38. L’étiologie n’est pas un genre littéraire39 ; elle obéit peut-être à un schéma de pensée, ou tout au moins à une tentation de l’esprit, la justification et l’explication du présent par le passé ; mais elle est d’abord pratique narrative, mise en forme et production d’un énoncé40.

14C’est à cette même conclusion que l’on parvient si l’on examine les occurrences du substantif αἰτιολογία ou du verbe αἰτιολογεῖν. Chez Strabon, αἰτιολογία introduit, résume et désigne des raisonnements sur l’origine de certains phénomènes que le géographe expose pour le plus souvent les critiquer ensuite : il ne s’agit pas d’une « recherche des causes », mais bien d’un « exposé des causes », comme dans le premier livre de laGéographieαἰτιολογία s’applique à l’énoncé d’une théorie de Straton le Physicien sur l’alluvionnement, qui vise à justifier la présence de coquillages à l’intérieur des terres, à des milliers de stades de la mer41. De la même façon, le verbe αἰτιολογεῖν introduit et désigne tout à la fois dans le septième livre de Strabon un développement provenant d’Éphore portant sur les raisons de l’intérêt que les Grecs portent aux Scythes42, et résume ailleurs dans le livre v i i une explication, c’est-à-dire à la fois un raisonnement et l’énoncé d’un raisonnement, emprunté par Strabon à une source anonyme43.

15Αἰτιολογία et les termes qui lui sont apparentés caractérisent donc chez Strabon le récit d’un double point de vue : ils définissent l’énoncé d’un point de vue thématique, en signalant qu’il s’agit d’un raisonnement logique visant à rechercher une cause, mais ils le qualifient aussi en tant qu’énoncé. Le français « expliquer », dans sa simplicité, prend bien en compte ce double aspect et traduit avantageusement αἰτιολογεῖν 44. Ce n’est pas un trait de langue propre à Strabon, car on le retrouve aussi chez Polybe. Critiquant Timée, qui a inventé et composé à tout propos des discours qu’il mettait dans la bouche de ses personnages historiques, Polybe revendique une autre méthode d’écriture, pour conclure, sur un ton désabusé, à la difficulté d’être un bon historien populaire45 :

Mais il est, j’imagine, difficile d’exposer les causes et facile de faire des phrases dans les livres ; parler peu et à propos, et découvrir la formule de cet art n’est accessible qu’à peu de gens, mais écrire beaucoup et inutilement est à la portée de tous et chose commune.

16Αἰτιολογεῖν et ῥησιϰοπεῖν sont les deux termes d’un couple qui dessine l’ensemble des possibilités de rédaction : au sérieux de l’écriture étiologique s’opposent la futilité et le bavardage d’une écriture plaisante, mais sans fond. Dans les deux cas, c’est l’acte d’écrire qui se trouve convoqué, et c’est ce point qui doit guider l’interprétation générale d’αἰτιολογεῖν, en incitant à traduire le verbe comme un synonyme exact d’αἰτίαν (ou αἰτίας) λέγειν, sans privilégier αἰτίαν (ou αἰτίας) au détriment de λέγειν.

17L’idée que l’αἰτιολογία n’est pas seulement une opération de la pensée, mais un acte de composition, voire d’énonciation, trouve une dernière confirmation dans un traité autrefois attribué à Démétrios de Phalère sur lesTypes épistolaires : un type particulier de lettre est en effet lalettre étiologique, grâce à laquelle on « [signifie] les causes pour lesquelles un événement quelconque n’a pas eu lieu ou n’aura pas lieu »46. Αἰτιολογιϰός est immédiatement glosé par τὰς αἰτίας σημαίνειν, ce qui indique que l’αἰτιολογία a pour visée la transmission d’une information. Lettre d’excuse, donc, la lettre étiologique rend manifestes par écrit et explicites par le biais d’un énoncé les raisons de tel ou tel événement. La « recherche des causes » n’est qu’un aspect de l’αἰτιολογία, qui n’existe véritablement que par le biais d’un énoncé47.

18La multiplication des occurrences d’αἰτιολογία et d’αἰτιολογεῖν à partir du II e siècle de notre ère tient d’abord à la nature des sources, dans la mesure où un plus grand nombre de traités techniques nous sont parvenus, dans le domaine de la grammaire et de la rhétorique, de la médecine ou de la physique. Malgré la spécialisation opérée par chacun de ces traités, on n’observe pas cependant de changement par rapport à ce qui se pratiquait précédemment : qu’il s’agisse d’expliquer la cause des halos, des parhélies ou des monstres48, l’origine des rêves49 ou de manifestations corporelles50, l’étiologie est toujours comprise dans sa dimension narrative51.

Modélisations thématico-logiques

19Différentes schématisations du mécanisme étiologique ont déjà été proposées par le passé, mais ces typologies formelles offrent le plus souvent l’inconvénient de reposer sur des critères externes, non énonciatifs52. L’idée que l’étiologie assure un lien entre deux mondes aide J. Poucet, comme d’autres, à construire une typologie qui repose sur un format duel. Sa définition se distingue cependant, car elle a pour originalité de trouver une assise dans l’ordre de la narration : à « une anecdote soignée, voire un long récit », succède assez souvent « la leçon étiologique tirée par l’auteur ancien lui-même »53. Cette articulation, qui n’est encore qu’une suggestion relativement souple, est ensuite formalisée. L’étiologie repose pour J. Poucet sur la combinaison de deux volets définis en termes logiques et énonciatifs, une question et une réponse54 :

question : « quelle est l’origine de ? »
réponse : telle personne ou tel événement

20pratiques savantespratique discursivequestionCette catégorisation à la fois logique et narrative trouve une application immédiate dans deux ouvrages de Plutarque justement appelés Αἴτια, lesQuestions romaines et lesQuestions grecques, qui reprennent la forme traditionnelle desProblemata en vigueur dans les écoles de philosophie, en particulier le Lycée, pour proposer différents cas « d’étiologie mythologique »55. Chaque notice y est en effet introduite « au moyen de la formule interrogative Διὰ τί et par l’exposé de réponses plus ou moins nombreuses, énoncées pour la plupart elles aussi sur le mode interrogatif derrière l’expression interrogative ἢ ὅτι »56.

21Cette formalisation axée sur l’alternance question/réponse maintient entre les deux volets du mécanisme étiologique une forte séparation qu’aucun artifice narratif n’autorise à réunir : le lien étiologique est défini en termes de logique énonciative, mais non d’énoncé. Or un bref exemple, tiré desQuestions grecques de Plutarque 57, pourrait inciter à trouver une autre schématisation :

Qui est, à Soles, « celle qui allume le feu » ?
Ils appellent ainsi laprêtresse d’ Athéna, parce qu’ellefait certains sacrifices et certaines cérémonies religieuses pour détourner les malheurs.

22Ce cas très simple obéit sans discussion possible à la modélisation de J. Poucet : un cas d’espèce est introduit par une question, et cette question est immédiatement suivie d’une réponse. La distinction entre question et réponse est cependant secondaire si l’on considère le jeu d’identifications qui s’opère au fil du texte en plusieurs moments. La réponse explicite à la question posée est en effet fournie dans la première partie de la phrase : « celle qui allume le feu » est « la prêtresse d’Athéna ». La deuxième partie de la phrase apporte une précision supplémentaire qui justifie l’identification entre « celle qui allume le feu » et « la prêtresse d’Athéna », en fournissant une identification nouvelle, intermédiaire, qui assure la transition d’un terme (ἡ ὑπεϰϰαύστϱια) à l’autre (ἡ τῆς Ἀθηνᾶς ἱέϱεια). Le mécanisme logique, qui n’obéit pas à l’ordonnancement strict du récit, s’opère ici en trois temps :

(1) « celle qui allume le feu »
(2) = « celle qui fait certains sacrifices » (liés au feu ?)
(3) = « la prêtresse d’Athéna »

23Le jeu de question/réponse semble exister surtout dans la mesure où il assure un processus d’identification entre différents éléments qu’il met en parallèle : l’expression dont l’auteur cherche l’explication est transformée en une première locution qui en est la transposition ou la traduction, et qui est ici à son tour développée en une deuxième expression qui reconduit celle qui la précède.

Modélisation narrative : un processus d’identification

24C’est ce processus d’identification, en deux, trois volets ou plus, que l’on retrouve à l’œuvre dans l’ensemble des documents à visée étiologique, même et surtout lorsque l’on ne retrouve pas une mise en forme qui fait alterner questions et réponses : cette façon de rédiger n’apparaît finalement que dans lesQuestions romaines ougrecques de Plutarque, ou dans sesQuestions de banquet, mais ne correspond pas à la forme narrative la plus répandue. Par conséquent, la rhétorique étiologique doit désormais être distinguée de celle desProblemata. En règle générale, on peut définir l’étiologie comme l’articulation de deux volets parallèles, unis par un lien explicite, qui repose sur un mécanisme logique d’identification terme à terme :

sujet de la narration procédure d’identification
(1) description d’un événement dans le passé mention d’un détail A
(2) description d’une conséquence de l’événement qui dure encore dans le présent.58 reprise du même détail A’

25Un exemple, exceptionnellement bref là encore, tiré de Cassius Hemina 59, permet d’éclairer le fonctionnement du mécanisme :

On sait qu’Aricie a été fondée par le Sicule Archiloque ; c’est de là que vient aussi son nom, selon Hemina.

26Ce qui apparaît nettement dans l’énoncé de Cassius Hemina, c’est la complémentarité organisée entre les deux volets par la répétition d’un élément qui se fonde dans le passé et qui existe encore dans le présent60. La formulation qui suit permet de restituer pleinement le mécanisme logique à l’œuvre :

1) une ville a été fondée par le Sicule Archiloque (A)
2) cette ville en tire son nom actuel d’Aricie (A’)

27soit

28Chacun des volets s’organise autour d’un nom, le mécanisme étiologique fournissant un énoncé de type historique (un héros fonde une ville) comme cadre pour justifier un lien entre ces deux noms. Derrière la mise en scène de l’origine se dissimule un processus d’identification terme à terme.

29pratiques savantespratique intellectuelleanalogieCe qu’établit donc le mécanisme étiologique, c’est non seulement un lien, mais une identification, forcée le plus souvent, qui se fonde sur un jeu de ressemblances. Dans le cas d’une étiologie onomastique, on ne parlera donc pas d’étymologie, mais d’éponymie, au sens défini par G. Genette, dans un rapport qui peut être soit d’analogie, soit de paronymie, et qui peut prendre les apparences de la glose ou de la paraphrase61. Il est peu pertinent de questionner la valeur de l’éponymie que propose la procédure étiologique, dans la mesure où cette éponymie n’existe souvent que par la simple force de l’énoncé : aucun autre critère n’entre en compte que le rapport contingent de ressemblance entre deux noms. Critiquer le caractère non-scientifique de l’étymologie imposée par le document étiologique relèverait de l’évidence, mais constituerait aussi un contre-sens : les enjeux de l’étiologie n’ont que faire de l’exactitude et de l’adéquation stricte au réel. L’à-peu-près et l’approximation ne sont pas des déchets du système, ils sont au contraire la condition même de son fonctionnement. Que vaudrait en effet une identification parfaite ? Elle serait pure redondance, synonymie sans effet, bavardage autour du même. L’étiologie permet d’introduire un mouvement, une vibration, elle crée des vagues qui entraînent des effets de sens, elle permet de mettre en scène une histoire qui, pour être peut-être inventée, n’en est pas moins efficace.

III-Identification, complémentarité et substitutions

30Ce jeu d’identifications fait plus que mettre deux descriptions en parallèle : il instaure une alliance logique forte et une véritable complémentarité, une « équation étiologique »62. L’anadiplose, la répétition d’un terme d’une description à l’autre, est pour cette raison la manifestation la plus évidente du mécanisme étiologique. Ce mécanisme suppose la constitution de deux volets logiques, qui peuvent éventuellement se démultiplier dans la narration, mais ces deux volets sont intimement unis en un diptyque indissociable, l’étiologie n’étant possible que parce que le diptyque existe. Plus que sur les deux volets, le mécanisme étiologique repose sur l’association des deux volets, il existe comme charnière entre les deux parties.

31pratiques savantespratique lettréeinterprétation pratiques savantespratique discursivedescriptionL’étiologie fait insensiblement passer de la description à l’explication63 : une simple particule de liaison indiquant une conséquence suffit parfois à instaurer et à faire fonctionner le mécanisme. Mais ce mouvement logique à sens unique est redoublé par un aller-et-retour entre les deux volets, un jeu de glissement pour passer insensiblement du présent au passé et du passé au présent64 : le processus d’identification entre les éléments des deux volets organise un véritable jeu de miroir, pour l’onomastique comme pour les rituels, pour les institutions et pour les monuments, une transparence imposée qui fait que passé et présent sont, malgré toutes les difficultés et les contradictions, en correspondance exacte.

Des ordres de causalité multiples

32Un exemple d’étiologie rituelle permet d’éclaircir ce point et d’en tirer quelques conséquences. Glosant le nom d’une fête donné sans plus de précision par Pindare dans la XIIIe Olympique 65, un scholiaste a élaboré un dispositif étiologique complexe66 :

sept fois aux Hellotia : fête d’Athéna à Corinthe, au cours de laquelle s’exécute aussi la compétition appelée lampadodromie, où des jeunes gens faisaient une course des flambeaux à la main. Voici pourquoi on a créé cette fête : […] Les Doriens, accompagnés des Héraclides, s’étaient attaqués aux Péloponnésiens ; ils s’emparèrent de Corinthe et mirent le feu à la ville. Comme les femmes s’enfuyaient pendant le pillage, certaines d’entre elles, avec Eurytionè et Hellotis, entrèrent dans le temple d’Athéna, pensant ainsi échapper au danger. Mais quand les Doriens s’en aperçurent, ils dirigèrent le feu contre elles. Alors la plupart d’entre elles s’enfuirent, mais les sœurs Eurytionè et Hellotis, qui se trouvaient avec un petit enfant, furent brûlées vives. Une peste s’étant déclarée, la déesse dit que le fléau ne cesserait pas avant que n’aient été apaisées les âmes des jeunes filles et que n’ait été fondé un sanctuaire d’Athéna Hellotis, avec une fête appelée Hellotia ; c’est à celle-ci que [Pindare] dit que Xénophon a été sept fois vainqueur.

33Le processus narratif mis en œuvre par le scholiaste est comme l’extension de l’expression « sept [victoires] aux Hellotia », qui est tirée du texte même de Pindare, et qui fonctionne à la fois comme le titre d’une notice de dictionnaire et comme annonce de programme étiologique. Les Hellotia sont immédiatement identifiées dans la scholie comme la « fête d’Athéna à Corinthe », définition qui est aussitôt suivie d’une précision qui n’était pas nécessaire à la compréhension du texte : au cours de la fête était exécutée une course aux flambeaux (lampadodromie). Une clausule introduit alors la description d’un événement situé dans un lointain passé qui a conduit à la naissance des Hellotia : la mort de deux femmes, Eurytionè et Hellotis, et d’un enfant, dans l’incendie du temple d’Athéna où elles s’étaient réfugiées67, constitue une souillure qui provoque une épidémie, comme le comprend un oracle qui, à titre de remède et de réparation, exige l’institution d’un sanctuaire, celui d’Athéna Hellotis, et d’une fête, les Hellotia. En conclusion, le scholiaste revient sur son propos initial en paraphrasant le texte de Pindare qui était à l’origine de son propos.

34L’intervention du scholiaste est donc étroitement encadrée par la référence au texte de Pindare et s’articule en plusieurs niveaux :

35Le mécanisme étiologique à proprement parler (III) ne concerne que la lampadodromie, et n’apparaît que sous la forme d’une extension érudite, d’une notice hors-sujet par rapport à ce que l’on attend de la scholie, à savoir un renseignement concernant les Hellotia et la participation de Xénophon de Corinthe à ce rituel68. Il est donc clair que le mécanisme étiologique n’explique en rien le texte de laXIII e Olympique, en tout cas en apparence, et fonctionne de façon autonome. L’ensemble citation/définition (I) suffisait à l’intelligence du vers de Pindare.

36L’origine de la lampadodromie mentionnée par le scholiaste est simple, et repose sur un enchaînement de circonstances reliées par des liens de causalité. La succession souillure/épidémie/expiation organise un retour à l’ordre ancien, momentanément menacé, et une restauration du religieux : la destruction du temple d’Athéna est compensée par l’institution du nouveau culte. À cette séquence narrative se superpose un mécanisme étiologique onomastique qui, à partir du nom d’Hellotis, construit un double jeu d’identifications : le nom se retrouve dans les deux volets du récit, d’abord pour désigner le nom du personnage qui meurt dans l’incendie du temple d’Athéna (Hellotis), puis à la fois comme nouvelle épiclèse d’Athéna (Hellotis) et comme désignation des fêtes instituées en l’honneur de la déesse (Hellotia). Il n’y a pas à proprement parler d’antécédence entre l’épiclèse et le nom de la fête, l’un et l’autre fonctionnant comme deux formulations possibles d’une même réalité. Du personnage à l’institution se constitue le diptyque caractéristique de l’étiologie.

37Parallèlement, le texte obéit à un mécanisme étiologique rituel, car il a aussi pour but de justifier l’existence de la lampadodromie. Cette course aux flambeaux se décompose dans le premier volet en deux éléments qui contribuent concurremment à lui donner naissance : l’incendie de Corinthe annonce l’utilisation de torches caractéristiques de la lampadodromie, et la fuite des jeunes filles poursuivies par les envahisseurs trouve son pendant dans la course des athlètes. Le mécanisme étiologique qui, dans ce récit, prend pour objet le rituel, se construit à la fois sur deux moments et sur deux thèmes, le feu et le déplacement, qui interviennent, séparés ou confondus, dans chacun des deux volets.

récit d’événement passé détail d’un rituel
feu Incendie de Corinthe flambeaux
déplacement Fuite des jeunes filles course des athlètes

38Les deux volets du mécanisme étiologique sont présentés de façon uniforme, sur le même plan, comme deux séries de faits, l’un dans le passé et l’autre dans le présent ou dans ce qui en tient lieu. La force de l’assertion, sans modalisation ni intervention explicite d’un « je » auctorial, en particulier dans les scholies, donne l’impression que tout est de l’ordre du réel, seul le récit de l’événement passé étant susceptible éventuellement d’être remis en cause en l’absence de sources claires ou en raison du caractère fabuleux des événements rapportés69. Le texte s’organise de telle sorte qu’on peut croire à première vue que le récit situé dans le passé sert de modèle aux détails onomastiques et rituels : l’ordre de lecture impose un chemin unique, du passé au présent, de la cause à la conséquence. Cependant l’ordre peut s’inverser du point de vue de l’écriture : l’auteur construit son récit d’événements passés à partir de ce qu’il décrit dans le présent, de ce qu’il prend comme objet de sa réalité. L’existence de la lampadodromie influence le récit mythique en favorisant la création d’un épisode qui est le miroir de la course aux flambeaux. Et il arrive tout aussi bien que le récit du passé impose la sélection de certains éléments du présent70, et que la forme convenue des récits mythiques oriente l’attention de l’étiologue. L’incendie de la ville et surtout la fuite des jeunes filles, qui, dans les récits, est un motif régulier qui renvoie à la persécution et à la menace de viol, incitent le narrateur à ne garder du rituel des Hellotia que la lampadodromie, à l’exclusion de tous les autres détails qui auraient pu nous intéresser. Inutile de se demander lequel, du récit dans le passé ou de la description dans le présent, serait premier : complémentarité et va-et-vient sont la règle du mécanisme étiologique.

Mécanisme et dispositif narratif : une proposition formelle

39Cette complémentarité et ce va-et-vient, conséquence d’une procédure d’identification terme à terme, ne sont pas spécifiques de l’étiologie : on les retrouve dans un mécanisme parallèle, celui de l’interprétation allégorique71, qui lui aussi suppose l’existence de deux volets. Le premier de ces volets72 est représenté par une version décrétée fabuleuse, indéfendable ou inintéressante ; le deuxième propose une version que l’auteur de l’allégorie préfère explicitement, son jugement se fondant sur des critères variables. Dans un célèbre passage duPhèdre de Platon, deux personnages, Phèdre et Socrate, se répartissent en dialogue les deux parties du mécanisme allégorique73 :

PHÈDRE Dis-moi, Socrate, n’est-ce pas dans les parages que, de l’Ilissos, raconte-t-on, Borée enleva Orithye ?
SOCRATE C’est bien ce qu’on raconte.
(…)
PHÈDRE Je n’y ai jamais fait attention. Mais, par Zeus, dis-moi, Socrate : tu crois, toi, que ce que raconte ce mythe est vrai ?
SOCRATE Eh bien, si j’en doutais, comme les doctes, je ne serais pas un original. Cela m’amènerait à déclarer doctement qu’un coup de vent boréal a fait tomber Orithye du haut des rochers voisins, alors qu’elle jouait avec Pharmacée, et que ce sont les circonstances mêmes de sa mort qui expliquent le récit de son enlèvement par Borée. (traduction de L. Brisson)

40L’ἀλήθεια, « vérité » ou « exactitude », joue le rôle de clausule narrative entre les deux volets (« tu crois que c’est vrai ? ») et assure la mise en marche du mécanisme allégorique : puisque l’histoire que l’on raconte, celle de l’enlèvement d’Orithye par le dieu Borée, est mise en doute, il est possible, soit de la nier et de la passer sous silence, soit de proposer une deuxième version, née de la première, qui sera plus conforme à ce que le personnage de Socrate tient pour vrai.

41Comme dans le cadre du mécanisme étiologique, le texte se divise en deux moments logiques, souvent séparés dans l’ordre même de la narration, alors que ces deux parties fonctionnent en fait comme les deux volets d’un diptyque. L’identité des éléments d’une version à l’autre est la condition même du fonctionnement général du dispositif, une clausule narrative permettant de spécifier le critère particulier qui préside à la construction de la deuxième version.

42L’allégorie se distingue cependant radicalement de l’étiologie en ceci que la mise en récit du diptyque qui la fait fonctionner tend à se simplifier : la deuxième version a pour objectif premier d’effacer la première version, de l’abolir et de s’y substituer. La version traditionnelle d’un mythe (A) est destinée à être remplacée par une nouvelle version (A’), qui en est la transposition, voire, si nous adoptons une métaphore mathématique, la dérivée. C’est un procédé de substitution qui est à l’œuvre, et plus précisément de traduction terme à terme. Version A et version A’ne coexistent pas toujours explicitement dans le dispositif narratif de l’allégorie ; souvent, seule la version allégorisée se donne à voir, et il revient au mythologue de supposer l’existence sous-jacente, en amont, d’une première version à partir de laquelle s’est faite la transcription74.

43À l’inverse, l’étiologie est un dispositif narratif dans lequel un texte A et un texte A’se trouvent associés, en une écriture en parallèle qui fait passer d’un avant à un présent, réel ou illusoire. Le mécanisme étiologique recouvre principalement deux domaines, l’onomastique et le rituel : si le texte A est la version d’un mythe, le texte A’est soit la mention d’une onomastique particulière, soit la description allusive d’un rituel. Il n’y a pas d’opération de traduction d’un texte à l’autre avec substitution de l’un à l’autre, comme dans le mécanisme allégorique, mais coexistence des deux textes, unis par un réseau de relations que tissent à la fois des jeux d’écho (ou à l’inverse des omissions complémentaires entre les deux textes), et une clausule rapide (« dès lors », « c’est pourquoi encore aujourd’hui ») qui assure un double rôle, causal et temporel75. L’αἰτία, la « cause », se décline suivant ces deux modalités qui instaurent un ordre à la fois déductif et chronologique.

44Le mécanisme ainsi défini devrait pouvoir servir de grille de lecture pour ordonner l’interprétation des documents à visée étiologique, à condition bien sûr de noter soigneusement l’écart que le document creuse par rapport à ce même mécanisme76. Le dispositif narratif mis en œuvre dans les textes est en effet rarement simple et direct, et c’est dans le décalage que le document aménage par rapport au mécanisme étiologique formel que se construit aussi son sens. Peut-on dire par exemple que lesAitia de Callimaque sont un « recueil de récits mythologiques sur des cultes et des coutumes »77, comme semble l’indiquer le titre de l’œuvre ? D’une part, cette désignation commeAitia provient de la tradition littéraire et manuscrite, mais pas du texte lui-même, où le terme même d’αἴτιον ou d’αἰτία n’apparaît jamais78. D’autre part, lesAitia sont un poème long, qui obéit à une contextualisation particulière organisée par le Prologue et leSomnium 79, et où des récits sont intégrés dans des conversations et des jeux de questions et de réponses. Ce ne sont pas lesAitia qui sont un recueil de textes directement étiologiques, mais l’ensemble desDiegeseis, c’est-àdire des résumés transmis par un papyrus80 qui opèrent une simplification du texte de Callimaque, une re-énonciation et une re-contextualisation81 : en mettant en valeur le mécanisme étiologique, l’auteur de ces résumés oublie ce qui sépare justement lesAitia de ce mécanisme, et qui est sans doute tout aussi important pour la définition du projet tant poétique qu’étiologique de Callimaque 82.

45L’exploitation de la grille de lecture constituée par le mécanisme étiologique permet également de mettre en valeur le caractère contingent qui préside à la mise en forme de certaines versions : si allusion à un rituel et version d’un mythe d’origine sont composées en complément l’une de l’autre, il existe une large part de création dans l’élaboration non seulement du dispositif, mais des détails qui l’organisent. Autrement dit, la recherche de la cause d’un rituel ou d’un toponyme devient bien souvent l’occasion de créations particulières, d’inventions isolées et d’affirmations que rien n’étaie par ailleurs. Un nom suffit parfois à donner l’idée d’une étymologie, et cette étymologie entraîne une histoire nouvelle83, qui se propagera peut-être, et entraînera la naissance de nouveaux dispositifs. L’étiologie est une manifestation de créativité mythique, et non une recherche absolue des causes. Le dispositif étiologique produit un discours « fortement narratif et, par conséquent, illusionniste »84, et ne rend compte que partiellement d’une « réalité cultuelle et rituelle extra-discursive » qui de toute façon n’a jamais été son objet. Il serait donc injuste de faire grief à l’étiologie de son incapacité à atteindre les objectifs que se fixent soit l’ethnologie, soit l’archéologie de terrain.

46Pas de transparence donc dans l’étiologie antique, non par manque de scientificité, mais plus simplement parce que tel n’est pas son propos. Le rituel, le nom, l’élément à expliquer, sont envisagés comme un signe dans le présent, comme un résidu, comme à la fois le σῆμα et le μνῆμα de la permanence d’un événement. Cet événement que l’étiologue se donne ouvertement pour tâche de découvrir, et qu’il reconstruit le plus souvent, n’appartient pas à proprement parler à la réalité historique, c’est une possibilité logique que le discours met en scène. L’étiologie obéit à une sémiologie85, mais elle ne renvoie pas à une référence exacte et univoque : elle est un discours d’autorité, où l’αἰτία, « cause » ou « origine », apparaît comme la concrétisation d’un autre concept, l’ἀρχή, le « principe », entendu à la fois comme origine temporelle (principium temporis), et comme garantie narrative86.

47pratiques savantespratique discursivediscours construction des savoirstraditionmythologieQu’est-ce donc que l’étiologie ? Une procédure d’identification imposée d’autorité (ἀρχή) dont le mécanisme repose sur un principe narratif de causalité qui prend les atours d’une chronologie (αἰτία). Elle prétend produire un discours subsidiaire, alors qu’elle repose non pas sur un rapport de subordination entre deux discours, mais sur la complémentarité de deux discours qui n’en font qu’un seul. Elle est un procédé narratif complexe, qui joue, dans son exposition, de la juxtaposition nécessaire d’éléments de départ et d’arrivée pour exister pleinement comme dispositif explicatif. C’est de la coprésence des deux volets que naît le dispositif narratif sur lequel s’appuie l’étiologie. Autrement dit, l’étiologie n’est pas une partie du discours, elle est le discours tout entier, elle porte conjointement sur les deux volets. Par le lien qu’elle tisse entre mythe et onomastique, mythe et rituel, elle représente un moyen d’expression et d’interrogation particulièrement efficace ; par sa représentation d’un réel problématique, elle est, comme l’ekphrasis, un jeu de miroir et d’illusion ; par sa faculté à imposer comme explication ce qui n’est parfois que dérapage hasardeux, elle est une figure libre du discours mythologique grec.

Notes
1.

Cette définition, qui fait son apparition sous une forme à peine plus brève dans la quatrième édition duDictionnaire de l’Académie française (1762), est celle de la neuvième édition (1986). Cette même édition précise qu’il s’agit d’un calque « emprunté au grec tardif », ce qui est inexact, puisque αἰτιολογία est attesté dès le début duIII e siècle avant notre ère (voir ci-dessous n. 21).

2.

Cf. Cordrignani 1958 et Depew 1993, n. 11, p. 59 à propos d’Hésiode, Théogonie 26 sq.

3.

Le texte de J. Poucet a été intégralement repris, avec quelques modifications mineures, comme chapitre dans un ouvrage paru en 2000,Les rois de Rome. Tradition et histoire. La double pagination sera systématiquement indiquée.

4.

Cf.Poucet 1992, p. 283 =Poucet 2000, p. 332 etPoucet 1992, p. 314 =Poucet 2000, p. 369.

5.

Veyne 1983, p. 36, repris sans discussion parBoulogne 1992, p. 4683, et parNouilhan,Pailler &Payen 1999, p. 22.

6.

Veyne 1983, p. 36.

7.

Boulogne 1992, p. 4707, à propos des Questions romaines de Plutarque

8.

Porte 1985, p. 30, à propos des Fastes d’Ovide.

9.

Le couple étiologie-science se construit sur trois critères, en particulier quand il s’agit de dévaloriser l’étiologie : 1) la science instaure une causalité unique, tandis que l’étiologie autorise une causalité multiple (Chassignet 1998, p. 331 ;Poucet 1992, p. =Poucet 2000, p. 346). 2) la science exclut l’imprécision, tandis que l’étiologie se dans l’à-peu-près : Porte 1985, p. 509, parle d’un « jeu intellectuel qui exerce l’ingéniosité du chercheur » ;cf. aussi p. 508 : « l’étiologie n’est donc pas une science exacte, mais la découverte de rapports,apparemment convenables etessentiellement artificiels, entre le rite et quelque autre fait » (je souligne). 3) l’étiologie est par essence secondaire, elle ne peut que confirmer ce que seul un discours scientifique est capable de démontrer (Poucet 1992, p. 314 =Poucet 2000, p. 368).

10.

Chassignet 1998, p. 335 ;Poucet 1992, p. 301 =Poucet 2000, p. 346 ;Poucet 1992 p. 312-313 =Poucet 2000, p. 367 (deux occurrences) ;Poucet 1992, p. 314 =Poucet 2000, p. 368.

11.

P. Martin, cité dansPoucet 2000, n. 142, p. 350. J. Poucet va plus loin en qualifiant l’étiologie de « pure fiction » (Poucet 1992, p. 311 =Poucet 2000, p. 366), et il est par Po rt e 1999, p. 35, qui parle à propos desFastes « d’étiologies de fantaisie » ou d’étiologies « forgées officiellement à l’usage du peuple » (Porte 1985, p. 35).Burkert 1998, p. 82, est plus prudent en évoquant « unaition peut-être fictif » (je souligne).

12.

Poucet 1992, p. 311 =Poucet 2000, p. 366

13.

Porte 1985, p. 38.

14.

Poucet 1992, p. 281 =Poucet 2000, p. 330.

15.

Calame 1977, p. 44 ;Burkert 1998, p. 82 ;Nagy 1994, § 2 n. 2, p. 325.

16.

Depew 1993, p. 59 : « aitia have strongprima facie links with reality ». Cf.Calame 1977, p. 44-45.

17.

Burkert 1998, p. 82.

18.

Nagy 1994, § 2 n. 2, p. 325

19.

Porte 1985, p. 508 et p. 509.

20.

Pour les spécialistes des textes médicaux antiques, l’étiologie est un « lien de cause à effet » (Comiti 1989, p. 105) ou un « agent causal » (Bråtescu 1989, p. 223), et « étiologique » devient un simple synonyme de « causal » (Comiti 1989,passim).

21.

Les termes αἰτιολογία et αἰτιολογεῖν, s’ils sont bien attestés, ne sont pas si fréquents : jusqu’au début de l’époque hellénistique, seul Épicure semble les employer (Lettre à Hérodote 80 et 82 : αἰτιολογεῖν, trois occurrences ;Lettre à Pythoclès 97 : αἰτιολογία). L’usage d’αἰτιολογία et αἰτιολογεῖν par Épicure est corroboré par les fragments retrouvés sur papyri (Fr 34, 28, 27 ; 30, 8 ; 33, 6 Arrighetti). Par la suite, rares encore sont les occurrences : on ne trouve ces termes qu’une fois chez Polybe (XII, 25i, 8-9 : αἰτιολογεῖν), deux fois chez Philon d’Alexandrie (De fuga et inventione 161-163 : αἰτιολογιϰός et αἰτιολογία) et six fois chez Strabon (I, 3, 4 : αἰτιολογία ; I, 3, 10 : αἰτιολογία ; II, 3, 8 : αἰτιολογιϰός ; VII, 3, 9 : αἰτιολογεῖν ; VII, 7, 8 : αἰτιολογεῖν ; XVII, 3, 10 : αἰτιολογία). Pas de mention chez Platon ou Aristote, ni chez Thucydide.

22.

Ceci est très net dans le cas de laGrammaire § 20 de Denys le Thrace, où les σύνδεσμοι αἰτιολογιϰοί sont rendus en français « par conjonction causales » (traduction de J. Lallot), comme si le -λογιϰοί servait de simple suffixe de formation adjectivale.

23.

Philon d’Alexandrie,De fuga et inventione 161-163, traduction d’E. Starobinski-Safran ; Strabon, I, 3, 4 ; 10 ; II, 3, 8, traduction de G. Aujac et Fr. Lasserre.

24.

Épicure,Lettre à Pythoclès 97, traduction de J. -Fr. Balaudé.

25.

Épicure,Lettre à Hérodote 80 ; 82, traduction de J. -Fr. Balaudé.

26.

Épicure,Lettre à Hérodote 80 et 82, traduction de J. Bollack etalii.

27.

Poucet 1992, p. 281 =Poucet 2000, p. 330.

28.

Poucet 1992, p. 281 =Poucet 2000, p. 330.

29.

Porte 1985, p. 24 : lesFastes d’Ovide peuvent passer pour un « ouvrage comme un almanach de consultation quotidienne à l’usage du grand public » confronté à des rituels incompréhensibles et abscons.

30.

Calame 1977, p. 44 ;Poucet 1992, p. 281 =Poucet 2000, p. 330 ;Poucet 1992, p. 309-310 =Poucet 2000, p. 364

31.

Hopkinson 1984, n. 1, p. 141 : « [aetiology] points to visible manifestations of divine activity, rationalizes ritual, accounts comfortably for existence, dispels doubts by producing final causes ».

32.

À ma connaissance, seul R. Schilling a proposé, non une dichotomie, mais une tripartition pour décrire le phénomène étiologique. Sa formulation me paraît cependant plus brillante qu’opératoire et se ramener finalement à un schéma binairerite-mythe : « Ovide adopte, la plupart du temps, un triple point de vue pour analyser les fêtes religieuses : il les décrit sur le plan durite, il les situe sur le plan de l’histoire, il les explique sur le plan dumythe » (cité par Porte 1985, p. 27).

33.

L’usage moderne semble parfois distinguer l’αἰτία comme cause générale et l’αἴτιον comme élément narratif, mise en scène d’une αἰτία. Cependant, même si le recours au substantif féminin plutôt qu’à la forme neutre de l’adjectif semble parfois reposer sur une différenciation entre « responsabilité générale » (αἰτία) et « cause effective » (αἴτιον), dans certains traités médicaux (par exemple,Ancienne Médecine XXI, 2 = I, 624 Littré) ou chez Aristote (par exempleMétaphysique 938 a 24-28, 1043 a 2-4 et 1044 a 32-34, avec le commentaire de Casals & Hernández Reynés 1995, qui opposent « cause » et « causative thing »), l’usage d’αἰτία et d’αἴτιον semble le plus souvent indifférencié ou reposer sur des effets syntaxiques (par exemple chez Thucydide pour l’opposition entre « cause with no connotation of emotion » vs. « objective cause » relevée par Kirkwood 1952, p. 58). En tout cas « jamais […] les Grecs eux-mêmes n’ont employé le termeaítion pour désigner précisément le récit mythique qui fonde tout en l’expliquant l’institution de la pratique rituelle » (Calame 1995b, n. 11, p. 214).

34.

Cf.Nagy 1994, n. 2.2, p. 325, etNagy 1990, p. 118, où aition a le sens de « motivanttraditionnellement une institution, par exemple un rituel ». Cette tradition pourrait inclure la récitation de l’aition dans le cadre du rituel.

35.

Plus précisément, de la position de l’étiologue dépendrait celle du lecteur antique, tandis que celle du lecteur moderne est déterminée par la question dumythe à (re)constituer.

36.

Cf.Calame 1991, passim ;Calame 1995b, p. 206 ; pour la critique de la reconstitution d’un rituel et de son interprétation, cf.Calame 1995a, p. 109-112 (à propos de J Harrison et du festival des Oschophories).

37.

D’où l’idée que les tableaux prétendument décrits par exemple par Philostrate dans saGalerie de tableaux sont des objets narratifs et des créations littéraires, et non des objets réels (cf. en dernier lieuWebb 2006).

38.

Cf. le traitement de Pausanias parCalame 1995b, p. 219 : « la relation causale propre au récit permet de présenter la pratique [rituelle] dont on rend compte comme la sanction de l’action narrative ».

39.

Contrairement à ce qu’écrit J. F. Miller, cité parPoucet 1992, p. 283 =Poucet 2000, p. 332.

40.

En analysant l’étiologie comme mécanisme ou dispositif narratif, je fais le choix d’exclure la vaste documentation que constituent les images et de me cantonner au domaine du texte : il existe peut-être des procédés étiologiques dans l’iconographie, par des jeux de symbole ou de pictogrammes, mais leur analyse dépasse mes compétences. Cf. l’étude deDuverger 2003, p. 336-359, sur les étiologies aztèques, puis coloniales, du nom de Mexíco-Tenochtitlán, et le dispositif complexe qui unit dans ce cas étymologie, pictogramme et récit de fondation.

41.

Strabon I, 3, 4-10 : τοῦ δὲ Στϱάτωνος ἔτι μᾶλλον ἁπτομένου τῆςαἰτιολογίας, (…). Τὴν μὲν οὖν τοιαύτηναἰτιολογίαν ἧττον ἄν τις ἀποδέξαιτο ; « quant à Straton, il va nettement plus loin dans l’explication […]. Une telleexplication semble difficile à admettre ».

42.

Strabon VII, 3, 9 : εἶτ᾽ αἰτιολογεῖ διότι (…) ; « Éphore explique ensuite de la façon suivante [l’intérêt qu’on leur porte] » (traduction de R. Baladié).

43.

Strabon VII, 7, 8.

44.

Comme l’a vu par exemple R. Baladié pour Strabon VII, 3, 9.

45.

Polybe XII, 25i, 8-9, traduction de P. Pédech : ἀλλ᾽ ἔστιν, οἶμαι, τὸ μὲναἰτιολογεῖν δυσχεϱές, τὸ δὲ ῥησιϰοπεῖν ἐν τοῖς βυβλίοις ῥᾴδιον, ϰαὶ τὸ μὲν ὀλίγα ϰαιϱίως εἰπεῖν ϰαὶ τούτου παϱαγγελίαν εὑϱεῖν ὀλίγοις ἐϕιϰτόν, τὸ δὲ πολλὰ διαθέσθαι ϰαὶ ματαίως τῶν ἐν μέσῳ ϰειμένων ϰαὶ ϰοινόν.

46.

Ps. Démétrios,Types épistolaires 16, traduction de P. -L. Malosse : Αἰτιολογιϰός (scil. τύπος) ἐστιν, ὅταν τὰς αἰτίας δι᾽ ἃς οὐ γέγονεν ἢ γενήσεται ὁτιδηποτοῦν, σημαίνωμεν.

47.

D’autres catégorisations rhétoriques ou grammaticales recourent d’ailleurs elles aussi au terme αἰτιολογία et à ses dérivés, en maintenant l’idée d’un « énoncé », d’une « mise en discours », comme le rhéteur Alexandre (De figuris 17, 4-11, repris dans laRhétorique à Hérennius IV, 23-24), qui parle de « figure argumentative » (αἰτιολογία, ouratiocinatio). Suétone et Quintilien font de leur côté allusion à un exercice du nom d’etiologia, sans plus de précision (Suétone,Grammairiens et rhéteurs 4 et Quintilien,Institution Oratoire I, 9, 3 ; cf. Anderson 2000, p. 14).

48.

Respectivement Ps. Plutarque,Placita Philosophorum 893 C ; 894 F ; 906 A.

49.

Artémidore IV, 20.

50.

Plutarque,Quaestiones Conviviales VI, 3, 1, 689 B, sur la faim et la soif, et surtout une abondante littérature médicale : Soranos,Maladies des femmes III, 3, 5 ; Anonymus Londinensis (Brit. Mus. Inv. 137) 12 ; 14 ; 19 ; 21 ; 24 ; Galien,De naturalibus facultatibus, t. II, p. 45, 16 Kühn ;De placitis Hippocratis et Platonis VIII, 6, 41 de Lacy ;De alimentarum facultatibus, t. VI, p. 456, 10 Kühn ;De differentia pulsuum, t. VIII, p. 685, 6 Kühn ;De compositione medicamentorum, t. XII, p. 494, 8 Kühn ;Hippocratis de natura hominis,Commentarius II, t. XV, p. 157, 1 Kühn ;Hippocratis epidemiorum liber I,Commentarius I, t. XVIIa, p. 28, 2-4 Kühn ;Commentarius II, p. 156, 15 Kühn ;Commentarius II, p. 185, 6 Kühn ;Hippocratis epidemiorum liber VI,Commentarius I, t. XVIIa, p. 813, 14 Kühn ; Ps. Galien,Introductio, t. XIV, p. 678, 12 ; p. 684, 13 ; p. 689, 4 ; p. 690, 3 ; p. 691, 1 ; p. 695, 3 ; p. 698, 15 Kühn. Dans la littérature médicale, l’étiologie s’inscrit dans le cadre d’une réflexion complexe sur le diagnostic et le pronostic faisant intervenir les termes d’ἀϱχή, d’αἰτία et de πϱόϕασις ; cf.Kirkwood 1952, p. 38-47 etBråtescu 1989, p. 231-233.

51.

Cf.Urmson 1990, p. 15, qui manifeste explicitement sa préférence pour la traduction d’αἴτιον par « explication » (explanation), considérée comme plus idiomatique.

52.

Boulogne 1992, p. 4690, distingue ainsi entre différents types d’explication, « qu’on s’attache à la forme, à la matière, à l’agent ou à la finalité », ce qui donne différents angles d’attaque, « historique, éthique, physique, théologique ». Cette typologie est ensuite élargie en « caractériologie, éthique, étymologie, histoire, mythologie, physique » (Boulogne 1992, p. 4696, repris dansBoulogne 2002, p. 93). L’arborescence parPorte 1985, p. 191-491, se construit par une suite de divisions et de subdivisions qui obéissent tantôt à des considérations chronologiques (histoire/légende/mythe), tantôt à des distinctions logiques (soumission/indépendance/duplication) ou thématiques (étymologie/rituel). Cette mise en forme logique n’empêche cependant pas les effets de flou, et les frontières s’abolissent parfois entre les différentes catégories, car l’absence de critères narratifs internes permettant de distinguer les domaines les rend extrêmement perméables les uns aux autres, comme l’illustre le recours parfois à des dénominations ambiguës, telles que « le monde semi-mythique de la légende » (Porte 1985, p. 398) ou « l’histoire premiers temps » (Porte 1985, p. 400).

53.

Poucet 1992, p. 287 =Poucet 2000, p. 335.

54.

Poucet 1992, p. 265 et 285 =Poucet 2000, p. 342-343 et 354.

55.

Boulogne 2002, p. 93.

56.

Boulogne 1992, p. 4687-4698, repris dansBoulogne 2002, p. 92. Cf.Nouilhan,Pailler &Payen 1999, p. 36-37, qui proposent un tableau complet des variations particulières entre lesQuestions grecques et lesQuestions romaines (cf. aussi sur ce pointPayen 1998, p. 39-44) et analysent ces variations.

57.

Plutarque,Questions grecques 3, 292 A : Τίς παϱὰ Σολίοις ἡ ὑπεϰϰαύστϱια ; Τὴν τῆς ̓Αθηνᾶς ἱέϱειαν οὕτω ϰαλοῦσιν, ὅτι ποιεῖταί τινας θυσίας ϰαὶ ἱεϱουϱγίας ἀποτϱοπαίους.

58.

On peut bien sûr inverser la préséance entre ces deux volets, l’idée de « conséquence » étant renversée en « cause » ou « origine ».

59.

Cassius Hemina, Fr 2 Peter2 = Fr 2 Chassignetapud Solin II, 10 :notum est […] constitutam […] Ariciam ab Archilocho Siculo, unde et nomen, ut Heminae placet, tractum.

60.

C’est ce que souligne l’emploi du parfait à valeur résultativetractum.

61.

Cf.Genette 1999, p. 25-26

62.

Je reprends ici le titre choisi parPorte 1999, p. 482, pour l’un de ses sous-chapitres.

63.

Cf.Calame 1995b, p. 219, qui parle d’un « passage du discours descriptif de laPériégèse à l’explicatif par l’intermédiaire de la narration ».

64.

Cf.Calame 1995b, p. 213, à propos de Pausanias V, 16, 4 (Heraia d’Olympie). Notons que ce présent n’est pas forcément celui de l’auteur de l’étiologie : il n’est présent que parce qu’il prétend reproduire un réel, dont bien souvent l’étiologue n’a la trace que dans les ouvrages de ses prédécesseurs. C’est un temps de référence qui construit un passé et n’est parfois présent que par illusion.

65.

Pindare célèbre l’athlète Xénophon de Corinthe, dont il dit qu’il a remporté sept fois la victoire aux Hellotia (v. 56 : ̔Ελλώτια δ᾽ ἑπτάϰις).

66.

Scholie BCDEQ à Pindare,Olympiques XIII, 56c : ̔Ελλώτια δ᾽ ἑπτάϰις : ἑοϱτὴ τῆς᾽Αθηνᾶς ἐν Κοϱίνθῳ, ἐν ᾗ ϰαὶ ὁ ἀγὼν τελεῖται ὁ ϰαλούμενος λαμπαδοδϱομιϰός, ἐν ᾧ ἔτϱεχον νεανίαι λαμπάδας ϰϱατοῦντες. αὕτη δὲ ἡ πανήγυϱις εὑϱέθη (…) διὰ τοῦτο · Δωϱιεῖς σὺν τοῖς Ἡϱαϰλείδαις ἐπιθέμενοι Πελοποννησίοις Κόϱινθον χειϱωσάμενοι ταύτην τῇ ϕλογὶ συνέϕλεγον. τῶν τοίνυν γυναιϰῶν ἐν τῇ ποϱθήσει ϕευγουσῶν, τινὲς ἐξ αὐτῶν ἅμα Εὐϱυτιώνῃ ϰαὶ Ἑλλωτίδι εἰς τὸν τῆς ᾽Αθηνᾶς εἰσελθοῦσαι νεὼν οὕτω διαϕεύξασθαι τὸν ϰίνδυνον πϱοσεδόϰησαν. ὡς δὲ ᾔσθοντο Δωϱιεῖς, ϰατὰ τούτων πῦϱ ἔπεμψαν. αἱ μὲν οὖν ἄλλαι ἔϕυγον, ἡ δὲ Εὐϱυτιώνη ϰαὶ ἡ Ἑλλωτὶς ἀδελϕαὶ τυγχάνουσαι μετὰ παιδίου ϰατεϕλέχθησαν. λοιμοῦ δὲ συμπεσόντος οὐ πϱότεϱον τὸ νόσημα παύσασθαι ἔϕη ἡ θεὸς πϱὶν ἐξιλεώσασθαι τῶν παϱθένων τὰς ψυχὰς ϰαὶ Ἑλλωτίδος ᾽Αθηνᾶς ἱεϱὸν ἱδϱύσασθαι ϰαὶ πανήγυϱιν Ἑλλώτια ϰαλουμένην · ϰαθ᾽ ἥν ϕησιν ἑπτάϰις νενιϰηϰέναι τὸν Ξενοϕῶντα (cf.Delattre 2005, p. 206-222).

67.

L’enfant (παιδίον) n’est pas nommé dans cescholion ; dans une version parallèle (Scholie CDEQ à Pindare,Olympiques XIII, 56b), il s’agit de la propre sœur d’Eurytionè et d’Hellotis, la « jeune Chrysè » (ἡ νέα ἡ Χϱυσῆ).

68.

On peut supposer que c’est à cette lampadodromie que l’athlète a remporté par sept fois la victoire, mais ce détail n’est pas explicité, et il se pourrait aussi bien que la mention de la lampadodromie soit une mention érudite sans rapport direct avec le vers de Pindare. La scholie 56d, qui rapporte les Hellotia par un autre mécanisme étiologique au culte d’Athéna Chalinitis, est plus proche du contexte pindarique, dans la mesure où la XIIIe Olympique mentionne justement Athéna Hippia au vers 82 et rapporte surtout l’histoire de Pégase et de Bellérophon, sur laquelle se fonde l’étiologie de la scholie 56d.

69.

À l’inverse, certains mythologues tendent à négliger la description du rituel pour s’attacher justement au fabuleux, dont ils font leur objet d’une façon tout aussi unilatérale que l’historien s’attachant au rite.Murgatroyd 2005, qui propose une analyse narrative desaitia dans lesFastes d’Ovide, est exemplaire de cette sélection radicale qui laisse de côté une moitié du document et néglige le mécanisme qui le fonde.

70.

Pausanias dit d’ailleurs explicitement qu’il fait un choix dans ce qu’il voit et entend, et ne rapporte que « ce qui mérite le plus d’être retenu » : τὰ μάλιστα ἄξια μνήμης (Pausanias III, 11, 1). Sur les différentes sélections opérées par Pausanias, cf. Calame 1995b, p. 207.

71.

J’entends par « interprétation allégorique » non seulement l’allégorie philosophique, mais aussi toutes les tentatives de traduction symbolistes ; cf.Delattre 2005, p. 18-22

72.

J’entends « premier volet » comme premier élément dans la reconstruction du mécanisme logique à l’œuvre. Il est entendu que nombre de documents jouent sur l’ordre de succession entre les parties.

73.

Platon,Phèdre 229 b-c :
ΦΑΙΔΡΟΣ Εἰπέ μοι, ὦ Σώϰϱατες, οὐϰ ἐνθένδε μέντοι ποθὲν ἀπὸ τοῦ ᾽Ιλισοῦ λέγεται ὁ Βοϱέας τὴν ᾽Ωϱείθυιαν ἁϱπάσαι;
ΣΩΚΡΑΤΗΣ Λέγεται γάϱ.
(…)
ΦΑΙ. Οὐ πάνυ νενόηϰα · ἀλλ᾽ εἰπὲ πϱὸς Διός, ὦ Σώϰϱατες, σὺ τοῦτο τὸ μυθολόγημα πείθῃ ἀληθὲς εἶναι;
ΣΩ. Ἀλλ᾽ εἰ ἀπιστοίην, ὥσπεϱ οἱ σοϕοί, οὐϰ ἂν ἄτοπος εἴην, εἶτα σοϕιζόμενος ϕαίην αὐτὴν πνεῦμα Βοϱέου ϰατὰ τῶν πλησίον πετϱῶν σὺν Φαϱμαϰείᾳ παίζουσαν ὦσαι, ϰαὶ οὕτω δὴ τελευτήσασαν λεχθῆναι ὑπὸ τοῦ Βοϱέου ἀνάϱπαστον γεγονέναι.

74.

Cf.Delattre 2005, p. 18-22.

75.

Cf.Darbo-Peschansky 1998, p. 25-26 : « l’avant contamine le parce que ». Sur les liens entre antécédence et causalité, cf.Hankinson 1987, passim.

76.

On notera pareillement que l’absence de formulation étiologique dans un contexte où tous les éléments nécessaires sont en place est un écart singulier qui mérite enquête. C’est par exemple le cas de Tarpeia, pour laquelle aucun texte antique ne dit explicitement qu’elle est l’éponyme de la roche Tarpéienne ou dumons Tarpeius (contrairement à ce qu’écritPoucet 1992, p. 294-295 et 308 =Poucet 2000, p. 343 et 363).

77.

Payen 1998, p. 22.

78.

Il est vrai que l’état lacunaire du texte ne permet pas d’être formel sur ce point.

79.

Callimaque,Aitia, Fr 1-2 Pfeiffer.

80.

Pap. Mil. Vogl. 18. Sur ces « résumés de l’intrigue » et les écarts qu’ils présentent par rapport à ce qu’ils prétendent résumer, cf.Cameron 1995, p.

81.

Ils suppriment par exemple toutes les conditions particulières d’énonciation, dialogues, jeux de question-réponse, etc.

82.

Un problème semblable est posé parPailler 1998, p. 80-82, à propos de l’insertion dans lesVies parallèles de Plutarque deQuestions, développées en tant que telles : sa distinction entre « question », « quasi-question », « ébauche de question », et « climat de question » vise à rendre compte des différentes formes narratives.

83.

Cf.Poucet 1992, p. 306 =Poucet 2000, p. 360

84.

Calame 1995b, p. 223. On pourrait se demander d’ailleurs qui est l’de cette « illusion », ou tout au moins au profit de qui ou de quoi elle se réalise. Dans les capacités de l’étiologie à susciter l’effet de réel, à créer un récit généalogique qui donne assise au réel tout en le manipulant, il me semble que se joue un renversement du même ordre que celui que développe M. Foucault à propos de la loi prohibitive, qui est en même temps — qui est d’abord — culturellement productive : l’étiologie résulte d’une stratégie qui, pour mieux contrôler ce qu’elle crée, donne l’impression que ce qu’elle crée est de l’ordre du réel et lui échappe. Cette stratégie n’est pas celle d’un sujet agissant, mais reflète le mode de fonctionnement normatif d’un discours général sur le réel et la nature, sur le réelcomme nature, qui donne à croire que laréalité est autre chose qu’une « construction fantasmatique — [une] illusion de substance » (Butler 2005, p. 272).

85.

Cf.Darbo-Peschansky 1998, p. 25 et 27-28 etBoulogne 1998, p. 33, qui soulignent le recours au vocabulaire caractéristique de l’allégorie, σύμβολον (« qui symbolise »), μανθάνω (« qui dispense un enseignement »), αἰνίττεσθαι (« avoir un sens caché »).

86.

Poucet 1992, p. 302 =Poucet 2000, p. 358, utilise d’ailleurs le terme d’auctor qualifier le personnage principal du récit auquel on fait remonter l’institution d’un rite. Cf.Pailler 1998, p. 85, qui parle « d’instrument archéologique mis par Plutarque au service de son investigation et de son exposé ».

Appendix A

Abréviations bibliographiques
  1. Anderson 2000 : R. DeanAnderson Jr., Glossary of Greek Rhetorical Terms, Louvain, 2000.
  2. Boulogne 1992 : JacquesBoulogne, « LesQuestions romaines Plutarque », dans Wolfgang Haase (éd.),Aufstieg und Niedergang der Römischen Welt, t. II, 33, 6, Berlin-New York, 1992, p. 4682-4708.
  3. Boulogne 1998 : JacquesBoulogne, « Les étiologies romaines : herméneutique des mœurs à Rome », dans Pascal Payen (éd.),Plutarque, Grecs et Romains en « Questions », Saint-Bertrand-de-Comminges, 1998, p. 30-38.
  4. Boulogne 2002 : Plutarque, Œuvres morales, Traités 17-19 [= 242F-316B], t. iv, édité par JacquesBoulogne, Paris, 2002.
  5. Bråtescu 1989 : G.Bråtescu, « Aspects d’étiologie dans lesÉpidémies hippocratiques »,dans GerhardBaader, RolfWinau (éd.),Die Hippokratischen Epidemien. Theorie-Praxis-Tradition. Verhandlungen des « v e colloque international hippocratique », Stuttgart, 1989, p. 222-236.
  6. Burkert 1998 : WalterBurkert, « Le mythe des Cécropides et des Arrhéphories. Du rite initiatique à la fête des Panathénées »,Sauvages origines. Mythes et rites sacrificiels en Grèce ancienne, Paris, 1998, p. 71-111.
  7. Butler 2005 : JudithButler,Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion, Paris, 2005.
  8. Calame 1977 : ClaudeCalame,Les chœurs de jeunes filles en Grèce archaïque, t. I : « Morphologie, fonction religieuse et sociale », Rome, 1977.
  9. Calame 1991 : ClaudeCalame, « Mythe et rite en Grèce : des catégories indigènes ? »,Kernos 4, 1991, p. 179-204.
  10. Calame 1995a : ClaudeCalame, « Du figuratif au thématique », dans Jean-MichelAdam, Marie-JeanneBorel, ClaudeCalame, MondherKilani (éd.),Le discours anthropologique. Description, narration, savoir 2, Lausanne, 1995, p. 100-120.
  11. Calame 1995b : Cl.Calame, « Pausanias le Périégète en ethnographe ou comment décrire un culte grec », dans J. -M.Adam, M. -J.Borel, Cl.Calame, M.Kilani (éd.),Le discours anthropologique. Description narration, savoir 2, Lausanne, 1995, p. 204-226.
  12. Cameron 1995 : AlanCameron,Callimachus and his Critics, Princeton, 1995.
  13. Casals &Hernández Reynés 1995 : JaumeCasals, Jesús HernándezReynés, « A note on the use of aitia andaition in theMetaphysics of Aristotle »,Rivista di cultura classica e medioevale 37, 1995, p. 89-95.
  14. Chassignet 1998 : MartineChassignet, « Étiologie, étymologie et éponymie chez Cassius Hemina : mécanismes et fonction »,Les Études classiques 66, 1998, p. 321-335.
  15. Comiti 1989 : Vincent-PierreComiti, « Étiologies et responsabilités causales dans les Épidémies », dans GerhardBaader, RolfWinau (éd.), Die Hippokratischen Epidemien. Theorie-Praxis-Tradition. Verhandlungen des « v e colloque international hippocratique », Stuttgart, 1989, p. 105-108.
  16. Cordrignani 1958 : G.Cordrignani, « L’aition nella poesia greca di Callimaco »,Convivium 26, 1958, p. 527-545.
  17. Darbo-Peschanski 1998 : CatherineDarbo-Peschanski, « Pourquoi chercher des causes aux coutumes ? LesQuestions romaines et lesQuestions grecques de Plutarque », dans Pascal Payen (éd.),Plutarque, Grecs et Romains en « Questions », Saint-Bertrand-de-Comminges, 1998, p. 21-30.
  18. Delattre 2005 : CharlesDelattre,Manuel de mythologie grecque, Paris, 2005.
  19. Depew 1993 : MaryDepew, « Mimesis and Aetiology in Callimachus’Hymns », dans M. AnnetteHarder, Remco F.Regtuit, Gerrigje C. Wakker (éd.), Callimachus, Groningen, 1993, p. 57-77.
  20. Duverger 2003 : ChristianDuverger, L’origine des Aztèques, Paris, 2003.
  21. Genette 1999 : GérardGenette,Mimologiques.Voyage en Cratylie, Paris, 1999.
  22. Hankinson 1987 : R. J.Hankinson, « Evidence, Externality and Antecedence : Inquiries into Later Greek Causal Concepts »,Phronesis 32, 1987, p. 80-100.
  23. Hopkinson 1984 : NeilHopkinson, Callimachus’Hymn to Demeter, Cambridge, 1984.
  24. Kirkwood 1952 : G. M.Kirkwood, « Thucydides’Words for ‘Cause’ »,American Journal of Philology 73, 1952, p. 37-61.
  25. Murgatroyd 2005 : PaulMurgatroyd,Mythical and Legendary Narrative in Ovid’s Fasti, Supplément àMnemosyne n° 263, Leyde, 2005.
  26. Nagy 1990 : GregoryNagy, Pindar’s Homer. The Lyric Possession of an Epic Past, Baltimore, 1990.
  27. Nagy 1994 : GregoryNagy,Le meilleur des Achéens. La fabrique du héros dans la poésie grecque archaïque, traduction de Jeannie Carlier et Nicole Loraux, préface de Nicole Loraux, Paris, 1994.
  28. Nouilhan, Pailler &Payen 1999 : Plutarque,Grecs et Romains en parallèle. Questions romaines-Questions grecques, édition de MichèleNouilhan, Jean-MariePailler, PascalPayen, Paris, 1999.
  29. Pailler 1998 : Jean-MariePailler, « LesQuestions dans les anciennesVies romaines. Art du récit et rhétorique de la fondation », dans PascalPayen (éd.), Plutarque, Grecs et Romains en « Questions », Saint-Bertrand-de-Comminges, 1998, p. 76-94.
  30. Payen 1998 : PascalPayen, « Rhétorique et géographie dans lesQuestions romaines et Questions grecques de Plutarque »,dans P.Payen (éd.),Plutarque, Grecs et Romains en « Questions », Saint-Bertrand-de-Comminges, 1998, p. 39-74.
  31. Porte 1985 : DaniellePorte,Létiologie religieuse dans les Fastesd’Ovide, Paris, 1985.
  32. Poucet 1992 : JacquesPoucet, « Les préoccupations étiologiques dans la tradition “historique” sur les origines et les rois de Rome »,Latomus 51, 1992, p. 281-314.
  33. Poucet 2000 : JacquesPoucet,Les Rois de Rome. Tradition et histoire, Bruxelles, 2000.
  34. Urmson 1990 : James O.Urmson,The Greek Philosophical Vocabulary, Londres, 1990.
  35. Veyne 1983 : PaulVeyne,Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, Paris, 1983.
  36. Webb 2006 : RuthWebb, « TheImagines as a Fictional Text : ekphrasis,apatê and illusion »,dans StéphaneRolet (éd.),Philostrate, Callistrate les énigmes de l’image sophistique, Rennes, 2006.