Olivier Poncer et Martial Guédron

1typologie des savoirsdisciplinessciences appliquéesmédecine inscription des savoirslivreillustration espaces savantslieuatelierL’atelier de didactique visuelle de l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg représente une formation unique en France, originale par son positionnement. Il a été créé en 1972 à l’initiative de Pierre Kuentz sous le nom d’« atelier d’illustration médicale ». Depuis qu’Olivier Poncer en a pris la direction en 1997, avec une équipe pédagogique renouvelée, l’atelier s’est ouvert aux divers métiers de la pédagogie par l’image, de la transmission des sciences et des savoirs, de la médiation des arts et de la culture.

2La didactique est d'ordinaire associée à un champ d'application particulier : la didactique des sciences ou la didactique des arts par exemple. Pour notre part, l’expression « didactique visuelle » décrit notre volonté de nous intéresser aux moyens visuels à l’œuvre dans une démarche d’apprentissage et de médiation. L'originalité de notre positionnement est d'avoir investi en propre des problématiques d'ordinaire intégrées à des formations plus généralistes, orientées vers le graphisme ou l’illustration.

3matérialité des savoirssupportsupport de communication pratiques savantespratique artistiquedessinNotre enseignement accorde une place centrale au dessin, à l’identité de sa facture graphique et à ses usages, autant qu’aux évolutions technologiques (production et diffusion). Il met en œuvre aussi bien les approches théoriques des sciences cognitives que celles des sciences de l’éducation. C’est pourquoi l’atelier n’a pas de pratique exclusive : il favorise, selon les contextes, les approches croisées des différents médias, les langages de médiation et d’expression. Dans ce cadre, les étudiants sont amenés à devenir des auteurs à part entière, partageant (et participant à) une lecture sensible et critique du monde, autrement dit des créateurs qui, par le visuel, communiquent un point de vue, un témoignage, une analyse, une mise en scène du réel.

4inscription des savoirsvisualisationimagegravure matérialité des savoirssupportsupport d’inscriptioncarnetBien sûr, la question de la médiation par l’image n'est pas nouvelle : elle s’inscrit dans une perspective historique et fait écho aux évolutions de l'illustration, de la communication et de l'édition. De fait, les observations des scientifiques sont condamnées à l’oubli quand elles ne sont pas relayées par les images et quand celles-ci ne sont pas reproduites et diffusées. On sait que les Inversement, c’est parce que la révolution industrielle et les innovations technologiques ont considérablement accru les capacités de production des imprimeurs que le grand public, au 19e siècle, a commencé à se passionner pour les nouvelles découvertes scientifiques désormais mieux médiatisées.

Des métiers à la croisée de différents champs de compétences

5Il est de notre responsabilité d’enseignants d’analyser l'actualité des métiers auxquels nos étudiants se destinent. La réflexion permanente que porte notre projet pédagogique est exigeante et stimulante. Il ne s'agit pas, bien entendu, de formater des « profils » à destination du marché, mais de documenter et d'anticiper les courants stylistiques, les logiques éditoriales, les évolutions technologiques.

6acteurs de savoirstatutexpert acteurs de savoirmodes d’interactioncollaboration acteurs de savoirstatutétudiantDevenus professionnels, nos étudiants travailleront rarement seuls. Ils répondront le plus souvent à des commandes et seront engagés sur des projets collaboratifs en association avec différentes personnalités aux compétences complémentaires. Les équipes qu'ils intégreront seront composées a minima d’un expert et d’un médiateur, mais pourront selon les cas s’enrichir d'un graphiste, d’un rédacteur, d’un documentaliste, d’un iconographe, d’un chef de projet, d’un développeur informatique, voire de tout autre soutien technologique ou partenaire nécessaire.

7construction des savoirstraditionvulgarisation construction des savoirsépistémologiescientificité construction des savoirstraditionvulgarisationAjoutons que dans les chaînes de production des illustrations didactiques, suivant les contextes, la relation entre le scientifique et l'illustrateur peut également compter des intermédiaires comme des journalistes scientifiques qui aident à l’interprétation d’un propos savant et à sa traduction pour un public non initié.

Une forme d’illustration qui joue de la contrainte

8inscription des savoirslivreillustrationPour ceux de nos étudiants qui investissent le domaine de l’illustration, la question peut se poser de la nécessité d’une formation particulière. Pour quelle raison la complexité ou la technicité d’une thématique ou d’un sujet impliqueraient-elles d’avoir suivi un enseignement spécialisé ? En réalité, l’enjeu n’est ni la maîtrise graphique, ni l’identité d’une écriture, qui sont l’apanage de tout bon illustrateur, mais plutôt la connaissance du domaine d’étude. Or un illustrateur qui travaille pour la chirurgie doit se forger une culture particulière de ce domaine, afin de mieux dialoguer avec les experts, ou encore d’éviter des contresens et de perdre du temps en multipliant les étapes intermédiaires de validation. Il peut intégrer seul ce savoir, « acquérir du métier » chemin faisant, bénéficier de l’expérience de terrain, mais aussi avoir été formé pour cela au sein d’un cursus pédagogique tel que le nôtre.

9construction des savoirslangage et savoirsstylelisibilitéEn somme, nous pourrions dire qu’un illustrateur didactique est l’interface entre l’expert et le destinataire du propos ; il a pour mission de mettre en scène et en images des informations documentées et validées afin de les transmettre de façon claire et lisible. C’est à l’intérieur de ces contraintes qu’il doit trouver la voie d’une expression personnelle et créative.

Entre science et art, l’illustrateur médical et scientifique

10construction des savoirséducationcycle éducatifLes étudiants qui le souhaitent peuvent donc suivre un cursus spécifique en illustration médicale1 au sein de l'atelier de didactique visuelle. Cette spécialisation requiert une connaissance de l’anatomie humaine, ainsi que la maîtrise d’un vocabulaire et d’une méthodologie de travail spécifiques.

11inscription des savoirslivreillustration typologie des savoirsdisciplinessciences formelles et expérimentalessciences de la vie et de l'environnementanatomie inscription des savoirsvisualisation pratiques savantespratique intellectuelleobservationCar l’illustrateur médical et scientifique est avant tout un illustrateur. Sa formation et son expérience lui permettent de maîtriser le vocabulaire et les concepts complexes attachés aux domaines médicaux et scientifiques. Il peut ainsi dialoguer directement avec les experts (médecins, chirurgiens, chercheurs, etc.) et répondre à leurs besoins d’images, d’outils et de dispositifs de communication visuelle. Il peut travailler dans des domaines aussi variés que les supports d’informations pour les patients, les publications scolaires, les outils de formation pour les chirurgiens, la communication pour les laboratoires ou les documents pour la médecine légale.

12typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialesphilosophieesthétiqueMais qu’en est-il de la dimension esthétique de ce versant très spécialisé de l’illustration ? Aujourd’hui comme hier, le débat a toujours été vif sur ce qui relève de l'expression artistique et de la médiation scientifique dans ce type d’approche. En effet, s’il est attendu des illustrateurs qu’ils répondent aux attentes des savants dont il transposent visuellement les observations, celles-ci ne trouvent leur force démonstrative que grâce aux qualités des images proposées. Ces tensions sont particulièrement probantes dans l’histoire de l’illustration anatomique, où le rendu des détails réalistes a longtemps cohabité avec des effets de mise en scène trahissant aussi bien le désir que la hantise du péché ou l’obsession de la mort. Or si nombre de ces images ont été conçues dans un souci de clarté et de rigueur, elles ne sont pas moins remarquables pour leur qualité artistique. C’est que, jusqu’à l’avènement du positivisme, il était permis d’admettre que leur valeur artistique n’était pas incompatible avec leur efficacité didactique, bien au contraire.

Le poids des traditions : styles, factures et modèles

13construction des savoirsépistémologieparadigme construction des savoirstraditionChacun des domaines que nous abordons (médical, scientifique ou scolaire, pour ne citer que ces trois exemples) développe un paradigme particulier qui détermine un registre graphique. C'est un véritable défi que de renouveler un genre sans heurter les com­manditaires, les auteurs, les destinataires, leurs habitudes de lecture, en un mot leurs référents. Une forme visuelle trop « décalée », parce qu’innovante, peut être rejetée, moins pour les erreurs ou les approximations scientifiques qu’elle comporterait que pour une non-conformité aux codes en vigueur dans ce milieu.

14pratiques savantespratique intellectuelleimagination construction des savoirstraditionvulgarisationEncouragées par l'édition jeunesse et le développement des médias audiovisuels et numériques, les expériences de vulgarisation et de médiation ont démontré les potentialités et la fécondité de l’imaginaire des créateurs contemporains, suscitant ainsi l’intérêt des éditeurs et du public pour de nouvelles expériences. L'élégance graphique et l’humour de Jacques Rouxel 2 ou de David Macaulay 3, la palette colorée du prolixe Alain Grée 4, l'approche singulière et profondément originale de Jacques Desprès 5, toute l'histoire contemporaine de l'illustration pour la jeunesse fourmille d’exemples de ce type.

15construction des savoirstraditionoriginalité acteurs de savoirqualités personnellesexactitude acteurs de savoirqualités personnellesméticulositéIl demeure qu’une grande rigueur est nécessaire dans la collecte puis la gestion de la transmission des informations. Chaque étape de validation du message par l'expert constitue autant de risques de perdre une part des qualités d'invention et d'imaginaire propres à tout projet artistique. C’est un subtil équilibre qu'il faut préserver entre, d’une part, des valeurs objectives portant sur une qualité de compréhension, de restitution, de visualisation et de lecture des informations et, de l’autre, des valeurs plus subjectives relevant de l'appréciation sensible et esthétique de l'approche d'un illustrateur, de l’identité d’une écriture, de l’originalité de la stratégie de médiation proposée.

16construction des savoirslangage et savoirsstylecomplexité inscription des savoirsvisualisationimagegravureCe problème n’est pas nouveau. Ainsi on se doute bien que l’illustration scientifique n’est pas restée en marge des grandes innovations stylistiques qui ont marqué l’histoire des arts figuratifs en Occident depuis la Renaissance. La mise au point des lois de la perspective a par exemple constitué une mutation décisive par rapport aux représentations plus schématiques et plus conventionnelles du Moyen Âge. Elle aura permis aux illustrateurs de répondre aux nouvelles exigences des savants qui exploraient des objets de plus en plus complexes et selon des protocoles de plus en plus élaborés. À cet égard, les trois cents gravures dessinées par Jan Stefan van Calcar pour l’extraordinaire De humani corporis fabrica d’André Vésale répondaient parfaitement à l’objectif formulé par le célèbre anatomiste dans la préface de son ouvrage publié à Bâle en 1543 : « insérer dans le texte des images si fidèles qu’elles semblent placer un corps disséqué devant ceux qui étudient les œuvres de la nature ». L’influence de ces illustrations fut considérable : elles combinaient synthèse topographique et analyse séquentielle des phases de la dissection, tout en rendant parfaitement sensible la complexité du corps dans ses couches les plus profondes. Par la suite, à partir de la toute fin du 18e siècle, une autre étape importante devait être franchie lorsque les illustrateurs scientifiques assimilèrent les conventions de la géométrie descriptive de Gaspard Monge. Comme pour répondre à la complexification croissante des objets observés, le dessin pouvait à présent se décomposer en plans, en élévations et en coupes, avec des vues d’ensemble complétées par des vues éclatées des objets.

Des visuels qu’il faut apprendre à lire

17pratiques savantespratique lettréelecture inscription des savoirsvisualisationvisualisation de l'informationlégendeUn visuel didactique adressé à un large public non initié se doit d'être explicite. Il multiplie les points de repère, les légendes, il s'évalue à cette simplicité d'accès. A contrario, plus le lectorat est informé et le sujet savant, plus le visuel peut s'appuyer sur les conventions de représentation d’une culture partagée par un public restreint. L’attention est alors focalisée sur le propos et sa nouveauté, sur la pertinence de la démonstration (découverte scientifique, nouvelle technique chirurgicale, etc.). Ainsi les enjeux, l'intelligence, la qualité des illustrations didactiques ne sont pas toujours lisibles au premier regard. Souvent le sentiment commun est que toutes les représentations du cosmos comme toutes celles des environnements cellulaires se ressemblent : des dégradés colorés, des halos de lumières irisées, des formes géométriques élémentaires multicolores. Il faut en décoder le propos pour intégrer leur complexité.

Du dessin au graphisme…

18pratiques savantespratique artistiquedesign construction des savoirsépistémologiesigneLe dessin est pour l'illustrateur un outil de description, un vecteur de transmission du sujet représenté, mais il est aussi un outil de compréhension. Il a cette vertu d'apprendre à celui qui le crée autant qu'à celui qui l'observe. Le dessin peut jouer sur l'ellipse, le non-dit, le non-fini, le flou, mais ce qui est tracé est tracé, chaque trait est motivé. Pour « dire », il faut savoir ce que le trait doit raconter, comprendre le fonctionnement, maîtriser les volumes, décrire les faces cachées d'un objet. Si le dessinateur a compris ce qu'il dessine, il en ira de même pour l'observateur.

19inscription des savoirsvisualisationvisualisation de l'informationgraphique inscription des savoirsvisualisationvisualisation de l'informationcarteÀ la notion de didactique visuelle se rattachent les usages du graphisme, voire du design graphique. Le signe, la typographie sont des acteurs du rapport textes/images, essentiels dans une démarche de visualisation. Ils peuvent parfois se passer d’illustration pour prendre le message en charge à eux seuls. L'engouement actuel pour le design d’information et pour la visualisation de données complexes est plus qu'une mode. L’architecture d’information, le design d’interface, la cartographie, l’infographie sont autant d’outils d’une grande puissance didactique qui révèlent, documentent et marquent l’esprit et la mémoire. Le travail de médiation de Hans Rosling 6 est à ce titre exemplaire.

… puis aux machines qui assistent le regard

20construction des savoirsépistémologietechnologie matérialité des savoirsinstrumentinstrument d'observationLa technologie vient aujourd’hui épauler le travail d’observation et de visualisation de l'illustrateur scientifique. Avec l'imagerie spatiale, cellulaire, médicale, les captations d'un microscope, d'un télescope, la radiographie, le scanner, l’échographie, l’imagerie par résonance magnétique (IRM), la spectroscopie par résonance magnétique (SRM), la scintigraphie et la tomographie, les sondes analysent et scrutent au-delà de toute vision macros­copique. Toutes ces imageries produisent des données qui restent à traduire et à interpréter : elles ne sont pas des illustrations. C’est le regard de l’illustrateur, accompagné et argumenté par l’expertise du scientifique, qui va offrir les clefs de lecture de ces images. Combien de parents sont restés incrédules devant ce que leur décrivait le médecin d'une échographie de leur enfant à venir ? Sans ses commentaires, ces ombres à l’écran seraient restées muettes.

21Beaucoup d’illustrateurs, particulièrement dans les domaines techniques, scientifiques et médicaux, usent de modélisations 3D. Les modèles anatomiques 3D ne sont plus à réinventer (depuis le Visible Human Project 7, les formes génériques d’un crâne ou d’un coeur sont maîtrisées et disponibles) ; les illustrateurs puisent dans ces banques de données, ils adaptent et s’approprient ces fichiers parfois très complexes afin de les intégrer à leurs propres projets. Leur travail est là encore de développer un propos, de se donner les moyens de le rendre intelligible en assumant des choix d'auteurs.

La palette des outils numériques et audiovisuels contemporains

22L'image imprimée n'est pas le seul médium pour visualiser des informations, elle est aujourd'hui un des composants d'une palette d'outils de médiation qu'un professionnel de la communication se doit de connaître, sinon de maîtriser.

23inscription des savoirsvisualisationimageimage numériqueLes supports numériques facilitent la mise en œuvre de réelles interactions entre le lecteur et le propos de la médiation. L'apparition et le développement actuels des interfaces tangibles, en invitant le geste dans la relation à la lecture, permettent de développer des créations naturelles et fluides dans leur « prise en main » ; celles-ci sont riches de potentialités : découverte, manipulation, mémorisation. Les pratiques contemporaines d’enseignement s’attachent à impliquer l'apprenant comme acteur de l'acte pédagogique ; c'est pourquoi ces outils sont particulièrement pertinents dans le champ de la didactique.

24inscription des savoirsvisualisationimagegravurePeut-être n’est-il pas inutile de rappeler ici succinctement que les innovations techniques ont toujours eu une influence déterminante sur les moyens visuels mis en œuvre dans l’illustration scientifique. Il en a été ainsi lorsque la gravure en creux s’est progressivement substituée à la gravure en relief sur bois à partir de la fin du 16e siècle, ou encore avec l’apparition de la lithographie en couleur au 19e siècle. La gravure en creux a permis de rendre les détails mieux perceptibles au moyen d’un dessin plus fouillé et la lithographie en couleur a coïncidé avec de nouvelles exigences didactiques visant à débarrasser l’illustration scientifique, en particulier l’image anatomique, des audaces chromatiques qui avaient fait le succès des luxueux atlas d’un Gautier d’Agoty. Moins coûteuse que la gravure sur cuivre et a fortiori que la gravure en couleur à trois planches inventée vers 1715 par Jacob Christoph Le Blon, la lithographie en couleur a accompagné le mouvement qui, dans l’illustration scientifique, à partir du milieu du 19e siècle, a vu peu à peu la couleur perdre de son lyrisme et de son ambiguïté pour se limiter à un usage plus strictement didactique. Cette évolution est déjà sensible dans le monumental Traité de l’anatomie de l’homme de Jean Marc Bourgery illustré par Nicolas Henri Jacob, jalon essentiel vers une anatomie plus descriptive et plus technique, mais qui n’en est pas moins spectaculaire.

25pratiques savantespratique lettréelecture typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialessciences des texteshistoire du livreOn l’aura compris, connaître l'histoire des évolutions du livre permet de mieux maîtriser ce qui fait l'identité des nouveaux outils de communication et d'édition contemporains8. Le développement des outils audiovisuels et numériques positionne le livre comme un support de communication plus que jamais d'actualité. Qu'il soit interrogé dans son histoire ou dans sa forme, il reste un support de lecture, objet ou source d'apprentissage, qui dialogue avec ces nouveaux médias.

26En outre, l'atelier de didactique visuelle intègre une approche des différentes formes d’écriture du documentaire, qu'il soit dessiné, photographique, animé, filmé, ou de l’ordre du Webdocumentaire. Car le documentaire s’est beaucoup développé ces dernières années, jouant du rapport à la narration et à la fiction, investissant des formats courts diffusés à la télévision ou sur Internet. Il interroge le point de vue, la place et le rôle du documentariste. Il pose de multiples manières un regard sur le réel (affirme un point de vue, rapporte une parole, témoigne, milite, scénarise) et le traduit en images et en sons.

Ethique et communication

27L'atelier de didactique visuelle partage les valeurs détaillées dans le manifeste du collectif Révoluscience : « Pour une médiation scientifique émancipatrice, autocritique et responsable ». Il est sensible en particulier à la prise de conscience de l’importance du rôle et de la responsabilité du médiateur : ce dernier ouvre l’accès au savoir, favorise le débat et développe l’esprit critique, respectueux et à l’écoute des publics et de leur culture. Ce qu'il dit comme ce qu'il ne dit pas, la façon dont il traduit et visualise le propos, sa part de subjectivité colorent le message et orientent sa lecture. L’appétit grandissant d’un public exigeant pour l'information et la culture appelle des réponses innovantes, ambitieuses et accessibles, qu’il s’agisse, dans le cas de notre formation, d’expliquer comment la Bourse finance les entreprises9 ou d’informer sur l’importance de la protection du droit d’auteur10.

28Une démarche didactique ne souffre pas d'approximation et elle est par définition évaluable. Son objectif annoncé est d'être adaptée à un public déterminé et d'être comprise. Le schéma de communication à l'œuvre dans une illustration didactique est fidèle au modèle initial de Ferdinand de Saussure : elle est issue d'une commande portée par l'expert ; le didacticien doit rendre intelligible un message par le visuel à l'intention d'un destinataire.

29Enfin, voulant inscrire sa démarche dans une réflexion théorique, l'atelier de didactique visuelle développe, en particulier au sein de l'axe de recherche Didactique tangible11, une réflexion historique et prospective attachée à l'identité de son projet pédagogique et aux métiers auxquels il prépare ses étudiants. Ce faisant, il porte une attention particulière aux stratégies d'apprentissage, à la nature des publics concernés comme aux évolutions technologiques.

Notes
1.

Différents cours explorent ces notions afin de préparer les étudiants à se documenter efficacement et à dialoguer avec des scientifiques et des médecins. En collaboration avec la Faculté de médecine de l'Université de Strasbourg et l’Institut d’anatomie, les apprenants pratiquent le dessin anatomique d’après des préparations, s’engagent sur des sujets proprement scientifiques, suivent des stages en chirurgie. Tant les dimensions psychologiques et éthiques que l’expression artistique sont interrogées et investies. Cette formation éclaire l’histoire, les exigences et la diversité des champs d’application de cette forme particulière de communication, tout en préparant les étudiants à ses développements futurs. Elle s’inscrit aujourd’hui dans un questionnement plus vaste autour des rapports entre arts et sciences.

2.

Jacques Rouxel, Les Shadoks autrement, une sélection des films éducatifs les plus marquants de Jacques Rouxel, aaa production, mai 2006. Voir aussi http://video.fnac.com/a1836651/Les-Shadoks-autrement-DVD-Zone-2

3.

David Macaulay, The Way We Work: Getting to Know the Amazing Human Body, Houghton Mifflin Harcourt (HMH), oct. 2008

4.

Bibliographie d’Alain Grée sur http://www.alaingree.com/books/casterman.htm

5.

Oscar Brenifler, Jacques Desprès, Le livre des grands contraires philosophiques, Nathan, 2007

6.

Hans Rosling, médecin et statisticien suédois, présente et commente lors de conférences aussi sérieuses que spectaculaires des données statistiques sur les taux de mortalité infantile ou la distribution des revenus dans le monde, par des infographies modélisées à l'aide du logiciel Trendalyser développé par la Fondation Gapminder qu'il a cofondée et qu'il préside. Voir aussi http://www.ted.com/talks/hans_rosling_shows_the_best_stats_you_ve_ever_seen.html

7.

Le cadavre de Joseph Paul Jernigan, un condamné à mort texan de 38 ans, exécuté le 5 août 1993, a été découpé puis scanné couche après couche. Ces données associées à diverses autres techniques d'imagerie médicale ont permis de réaliser la première modélisation intégrale d'un corps humain en 3D. Voir aussi http://www.nlm.nih.gov/research/visible/visible_human.html

8.

Une forme d'édition sur le Web de vidéos de format court est de plus en plus pratiquée. De petits films sont produits à moindre coût et diffusés dans une logique « virale », relayés de blog en site ou par mail. S'ils sont efficaces, ils se diffusent instantanément, partagés en quelques clics par de très nombreux internautes. Gratuits, ils sont une nouvelle voie de diffusion de la recherche et de partage d'informations.

11.

L’atelier de didactique visuelle porte un projet de recherche transdisciplinaire, impliquant des partenaires français et étrangers, qui concerne l’étude des convergences et des interactions entre arts et sciences. Il interroge les dispositifs didactiques depuis l’Antiquité classique jusqu’à l’époque contemporaine à travers l’étude des différents médias (rouleaux antiques, codices médiévaux, imprimés modernes, moulages, outils numériques contemporains) et des possibilités offertes par chacun d’eux pour la transmission du savoir par l’image. Il revendique aussi la dimension appliquée et expérimentale d’une recherche menée avec des créateurs, praticiens du domaine d’étude. L’objectif principal de ce projet sera de mettre en place, pour les différentes époques et civilisations envisagées, une première typologie de l’image scientifique. Dans le même temps, il s’agira de comprendre comment certains outils didactiques numériques, intégrant en particulier des interfaces tactiles, questionnent, prolongent et hybrident des pratiques antérieures de médiation par l’image.