Jean-Jacques Glassner

1acteurs de savoiracteur non humainanimal pratiques savantespratique intellectuelleclassement typologie des savoirsobjets d'étudenature inscription des savoirsvisualisationvisualisation de l'informationliste inscription des savoirsécritureL’écriture n’a pas été inventée à la fin du iv e millénaire 1, en Mésopotamie, pour résoudre de banales questions de comptabilité ou d’administration ; elle n’apparaît dans ce cadre que parce qu’elle existe déjà. L’invention de l’écriture répond à un appétit de savoir, à une meilleure connaissance de l’environnement. De fait, en composant des listes de signes qui sont autant de listes de mots classés thématiquement, ses inventeurs procèdent à une mise en ordre écrite du monde, le classement des entrées allant jusqu’à obéir à des critères graphiques. Tous les membres de la famille des ovi-capridés, par exemple, sont désignés par des signes qui dérivent d’un même graphème MASH (tableau 1), lequel désigne le caprin en général ; l’identité des procédures de dérivation, à partir de ce signe premier, conduit à reconnaître dans le groupe de signes dérivés un ensemble conceptuellement homogène et qui traduit une réalité qui ne l’est pas moins, une famille animale. L’outil nouvellement inventé autorise donc un classement inédit du réel fondé sur le signe graphique2.

2pratiques savantespratique intellectuellemémorisation pratiques savantespratique rituelledivination typologie des savoirsobjets d'étudetempsClasser le monde est un moyen d’avoir prise sur lui, et l’invention de l’écriture est l’occasion, pour l’homme, de méditer sur son environnement en le socialisant. Mais qu’en est-il de la dimension du temps, les Mésopotamiens n’étant pas sans manifester une grande inquiétude face à un avenir considéré comme incertain ? Il est bien connu que, dès la fin du IVe millénaire, l’irruption de l’écrit dans le domaine de la gestion domaniale permet de mémoriser des données, d’établir des bilans ou des balances de comptes et, en anticipant, de se livrer à des calculs prévisionnels. Partant, on s’interroge pour savoir si la divination n’a pas joué un rôle moteur lors de l’invention de l’écriture, laquelle aurait eu pour objet premier de traduire en des signes connaissables les marques déposées par les dieux dans la nature et hermétiques aux humains. En pareille hypothèse, l’écriture serait le support d’une recherche prospective. Pour l’heure, nul document ne vient étayer cette hypothèse. En outre, il faut attendre le xxi e siècle pour voir les devins commencer à archiver des maquettes de viscères mémorisant des consultations oraculaires, des sources où l’on voit poindre le désir d’histoire et la volonté affirmée de la maîtrise du temps, la conviction que le passé est connaissable et l’avenir prévisible.

Tableau 1. La famille des ovi-capridés.
Figure 1. Tableau 1. La famille des ovi-capridés.

3construction des savoirslangage et savoirsgenreoracle pratiques savantespratique rituellesacrifice pratiques savantespratique lettréeinterprétation acteurs de savoirstatutmaîtreOn connaît la leçon d’histoire administrée à ses élèves par un maître devin du xvii e siècle, le texte en est conservé sur une maquette de poumon en argile : « Si le doigt médian du poumon est renversé et pointe vers la trachée-artère – (a) le fleuve sera obstrué [et] ses eaux tariront ; (b) le territoire, ses dieux l’abandonneront ; (c) le pays ira à la désolation ou bien le règne changera3. » Le devin sait la manière de traiter les signes, il communique avec les dieux et joue de la maîtrise qui est la sienne du temps historique, cherchant les causes et établissant les conséquences. Le sacrifiant attend donc de lui qu’il interprète les signes offerts par les dieux et qu’il lui expose la conduite à adopter pour agir en harmonie avec les puissances invisibles. Ayant clairement identifié le présage, il le sait en rapport avec l’oracle (a), évocateur d’une stratégie militaire bien connue qui consiste à désertifier le territoire de l’ennemi afin de le réduire à la famine. L’oracle (b) évoque l’attitude des dieux, ceux-là mêmes qui ont noté le présage, autrement dit, il énonce la véritable cause des événements annoncés. L’oracle (c) expose, sous la forme d’une alternative – le pays ira à sa perte ou le roi changera –, la solution au problème : c’est aux intéressés eux-mêmes de trancher. Éblouissante leçon où sont mis en balance le déterminisme par le destin et la liberté d’action dont jouissent les humains !

Tablette mésopotamienne de comptes en argile,
          en écriture cunéiforme, provenant du temple d’Eanna dédié à la
          déesse Inanna à Uruk. 3200 av. J.-C., 6,4 cm × 4,7 cm, Musée
          national d’Irak, Bagdad.

Figure 2. Tablette mésopotamienne de comptes en argile, en écriture cunéiforme, provenant du temple d’Eanna dédié à la déesse Inanna à Uruk. 3200 av. J.-C., 6,4 cm × 4,7 cm, Musée national d’Irak, Bagdad.


Le sacrifice divinatoire

4acteurs de savoirstatutdevin pratiques savantespratique rituellesacrifice pratiques savantespratique rituelleLes Mésopotamiens ont une prédilection pour la divination déductive, cette science prospective centrée sur l’effort de l’homme auquel n’est offert qu’un signe laconique, le présage, qu’il doit débrouiller pour en extraire une information le concernant. Créé par le démiurge, le monde est en effet suffisamment ordonné pour qu’il soit possible d’y distinguer des signes. Les devins ont pour tâche de repérer ceux d’entre eux qui sont censés se rapporter au comportement humain et qui sont déposés par les dieux sur les supports les plus variés4. Ces présages ne sont pas la cause de ce qui va arriver ou de ce qui s’est produit dans le passé et les oracles n’en sont pas la conséquence, ils sont corrélés les uns aux autres selon des principes de régularité. La physique d’Aristote n’a pas cours sur les rives du Tigre et de l’Euphrate. Nous nous tiendrons, dans les pages qui suivent, aux seuls présages placés sur les viscères, domaine de l’aruspice, dont la tâche est compliquée du fait que la simple observation se révèle insuffisante puisqu’il lui faut chercher le signe dans le corps de l’animal.

5acteurs de savoiracteur non humainanimalL’action débute donc, nécessairement, par un sacrifice, très généralement celui d’un mouton. Cet acte comporte deux moments saillants. Le devin consacre d’abord la victime en l’égorgeant ou en la décapitant ; simultanément, il pose aux dieux la question à laquelle le sacrifiant attend une réponse sous la forme de présages. S’étant vidée progressivement de son sang, la victime meurt au terme d’une longue agonie, c’est à ce moment qu’il en ouvre le cadavre pour en extraire les viscères à fin d’inspection.

6typologie des savoirsdisciplinessciences formelles et expérimentalessciences de la vie et de l'environnementanatomie acteurs de savoiracteur non humainêtre surnatureldivinité acteurs de savoiracteur non humainanimalL’animal tient dans le dialogue qui s’instaure entre les dieux et les hommes une place centrale. C’est lui qui, sur l’injonction du devin, convoque les dieux. Et c’est sur et dans son corps que les dieux déposent, sous la forme de présages, les réponses que l’on attend d’eux. Son corps est, premièrement, une donnée offerte par la nature. En se livrant à son examen direct, le devin commence à porter sur lui le regard d’un clinicien. De l’animal qui agonise il observe les mouvements, la couleur de la peau, les éruptions cutanées, les réflexes de la chair, la tension des muscles, l’écoulement des humeurs, la flatulence. Après sa mort, son corps est ouvert pour permettre l’inspection du squelette et des viscères, le devin montrant alors ses talents d’anatomiste. Il se penche sur l’ensemble des viscères, du cœur aux circonvolutions du gros intestin et à l’entrée du rectum, sans omettre le système uro-génital5. Il situe, par exemple, sur les quatre lobes du foie, siège des émotions sensibles, une trentaine de présages correspondant à autant de particularités anatomiques de l’organe ainsi qu’un grand nombre de signes fortuits qui correspondent à des symptômes de maladies ou d’accidents.

7construction des savoirslangage et savoirsstylelisibilité pratiques savantespratique manuellemanipulationEn prenant appui sur ses connaissances cliniques, anatomiques et pathologiques, le devin manipule donc les innombrables irrégularités de la nature dans lesquelles il reconnaît des présages pour les mettre au service de sa propre science et leur attribuer une lisibilité en accord avec ses objectifs. Autrement dit, mettant de l’ordre dans l’univers naturel, il rapporte le comportement de l’animal, ses traits physiologiques, ses particularités anatomiques ou pathologiques à des épisodes de la vie humaine.

8Il faut se souvenir, ici, que les présages ne sont pas présents de manière permanente sur ou dans le corps de l’animal. Même s’ils trouvent leurs points d’ancrage dans les figures fournies par la nature et rendues connaissables par l’étude du comportement, de la physiologie, de l’anatomie et de la pathologie du mouton, ils n’y sont imprimés par les dieux, en guise de réponse, qu’après l’énoncé de la question qui leur est posée par le devin.

9inscription des savoirsvisualisationimage pratiques savantespratique intellectuellecomparaisonÀ ce stade de la réflexion, une comparaison s’impose entre les deux procédures que sont le sacrifice divinatoire et l’activation d’une statue de culte. Dans le second cas, on somme une image invisible, née au ciel et vivante, de prendre possession d’une autre image, visible celle-là, mais muette et inanimée, fabriquée sur terre de la main de l’homme et qui attend de se voir insuffler la vie. La deuxième image ne devient le réceptacle de la première et donc ne s’anime qu’une fois accomplis deux rituels, le lavage et l’ouverture de la bouche ou de l’œil ; l’un ayant pour fonction de séparer la statue de ses semblables, l’autre de permettre à la divinité d’être efficace en son sein.

10acteurs de savoiracteur non humainêtre surnatureldivinité pratiques savantespratique rituellesacrificeDans le cas du sacrifice divinatoire, le devin procède de même avec la victime, en pratiquant successivement les rites de lavage et d’ouverture de la bouche. Mais si le rite du lavage s’applique effectivement à l’animal, celui de l’ouverture s’applique à un « sac en cuir » (tukkannu). Ce terme, qui désigne dans la langue courante une poche pouvant contenir des objets variés ou le scrotum, prend un usage métaphorique dans le contexte du sacrifice divinatoire où il désigne le corps du mouton mort, sacralisé par l’opération du lavage de la bouche et devenu un réceptacle potentiellement apte à accueillir une divinité, celle-là même qui y notera les présages.

11Quoique différentes, les deux procédures obéissent donc à une même logique, puisqu’il s’agit de donner vie à un corps qui en est privé. Dans le cas de la divination, il est cependant un préalable indispensable : il faut d’abord retirer la vie à la victime pour rendre son corps accessible à la présence divine, laquelle va lui conférer une seconde vie pour la durée du rituel.

12typologie des savoirsobjets d'étudecorps pratiques savantespratique rituelleRésumons-nous. Le corps de l’animal est la condition de possibilité des présages. Par le biais du traitement rituel, il est mué en un corps dont la divinité prend possession. Ce corps est rempli de shîru, un terme qui signifie « chair » dans la langue courante, mais qui désigne les « présages » dans celle des devins. Bref, le rituel est une opération d’installation qui fait du corps biologique de la victime un médium.

13Corps biologique et médium forment une unité indissociable. Le premier est instrumentalisé par le second, lequel, en retour, ne peut lui échapper. Le point de départ de toute l’opération réside dans une connaissance intime du premier dont le traitement rituel permet de disposer autrement, le même corps devenant producteur d’images faisant sens en tant que signes sociaux. Autrement dit, les présages rendent compte du signifié biologique tout en y ajoutant des sens cognitifs qui reflètent la méditation des devins sur la temporalité et sur les rapports entre les dieux et les hommes. Les devins achèvent de donner cohésion au corps animal en introduisant une dimension que la nature ignore, l’opposition entre la droite et la gauche, preuve supplémentaire de ce que le corps animal est structuré selon des normes sociales. À la notion de droite, considérée comme mienne, s’oppose celle de gauche associée à l’ennemi.

14pratiques savantespratique corporelleperceptionDans cette pensée subtile où se conjoignent la perception sensorielle et la perception cognitive, il s’instaure donc une fine dialectique du visible et de l’invisible, de la présence et de l’absence. Les présages apparaissent sur un support naturel régi par ses propres lois, mais aussi sur un lieu imaginaire, un artefact qui mobilise des savoirs différents. Effet de la mise en scène rituelle, le visible n’est plus tout à fait ce qui est présent, le corps biologique, lequel s’absente au contraire, cédant la place au médium qui est apte à rendre présent l’invisible, les instances divines révélées par les présages.

Images plastiques ou signes d’écriture ?

15Si l’on excepte les signes sonores, peu nombreux et toujours assimilables à des fluides, les présages sont des signes visuels. Qu’ils soient tracés de manière fugitive par les mouvements de la victime ou qu’ils soient imprimés de façon stable sur une partie de son corps, et même si, pour l’essentiel, ils se limitent à de simples traits, des enchevêtrements de traits, des encoches ou des figures géométriques élémentaires, ils sont le fruit d’une pensée figurative. Il reste toutefois à s’interroger sur leur nature précise : s’agit-il de signes plastiques ou de signes graphiques ?

16construction des savoirsépistémologiesignesymbole pratiques savantespratique intellectuelleanalyse inscription des savoirsvisualisationimageLe corps de la victime animale est le réceptacle de trois types d’images : celles fondées par la nature, le corps biologique ; celles fondées par les dieux, les signes cliniques, anatomiques ou pathologiques auxquels il est donné un supplément de sens ; celles fondées par les devins, les oracles associant les présages à des événements de la vie sociale. Bref, on assiste à une double opération de transformation, celle d’un corps biologique en médium, lequel donne à voir une image apte à transmettre des messages qu’il convient aux devins de transformer pour les rendre intelligibles à la réception. La première transformation vise à sélectionner et à rendre analysables en unités discrètes et pertinentes les singularités dont la nature est le réservoir et qui fonctionnent comme autant de stimuli suscitant les présages. La seconde a pour objectif de socialiser ces derniers, lesquels finissent par représenter autre chose qu’eux-mêmes. Bref, les présages sont les produits de l’activité de l’esprit. Ils sont des objets à penser, le résultat d’opérations où entrent en jeu des modalités de production et d’identification complexes. Ils ont pour fonction de matérialiser ces savoirs en leur donnant une forme maniable pour l’esprit. Il peut arriver qu’un même présage soit associé à plusieurs oracles ou réciproquement ; on est alors en présence de l’un des paradoxes de l’analogie, qui admet une pluralité de parcours possibles entre différents éléments.

17typologie des savoirsobjets d’étudecosmos matérialité des savoirssupportsupport d'inscriptiontablette inscription des savoirsécriture pratiques savantespratique lettréelectureS’il est vrai que les devins lisent les présages comme des signes d’écriture, cette identification n’est pas antérieure au xvii e siècle. C’est à dater de cette période que les sources évoquent la déesse Nisaba ou le dieu Shamash « écrivant », shatâru, les présages sur les viscères. Semblablement, les expressions shiãir shamê, « écriture céleste », ou shitir burummê, « écriture du firmament », pour désigner la disposition des constellations, ne sont pas attestées avant le xii e siècle. Un rituel divinatoire de cette époque siècle s’énonce comme suit : « Au sein de la création des grands dieux, sur la tablette des dieux, que les viscères soient en place, que Nisaba [y] écrive le jugement. » Autrement dit, il est annoncé que Nisaba écrit les présages sur les viscères assimilés à une tablette qui se trouve à l’intérieur d’une enveloppe ou d’une poche créée par les dieux. Où l’on retrouve le corps de la victime animale mué en médium, mais où l’on découvre, dans le même temps, le texte filant une seconde métaphore, l’image d’une tablette enfermée dans une enveloppe, allusion implicite à une tablette à caractère juridique qui, en Mésopotamie, est habituellement conservée de cette manière. On sait que, dans l’esprit des Mésopotamiens, le fait de rendre une décision oraculaire revient, pour les dieux, à rendre la justice. Pour sa part, une source plus récente, datant du vii e siècle, une prière que le prince assyrien Shamash-shuma-ukîn adresse au dieu Shamash, compare explicitement les viscères à une tablette inscrite enfermée dans une enveloppe : « Tu peux lire une tablette enfermée dans une enveloppe non ouverte ; tu écris des présages au sein du mouton [et] tu rends des jugements. » Dans l’intervalle, l’idée d’écriture divine a mûri.

18construction des savoirslangage et savoirsgenreoracle construction des savoirstraditionarchivage inscription des savoirsvisualisationvisualisation de l'informationmaquetteOn ignore la date exacte à laquelle ces discours font leur apparition. Lorsque, aux xx e et xix e siècles, les devins archivent des maquettes de viscères en argile pour mémoriser des consultations oraculaires du passé (certains documents s’inspirent d’originaux du xxie siècle), s’ils verbalisent les oracles, ils dessinent les présages au trait. Avec ces maquettes d’archives, on est en présence des plus anciens documents théoriques connus que la Mésopotamie ait produits dans le domaine de la divination et dont voici un exemple : trois traits sont tracés sur la surface du lobe gauche du foie, formant une figure énigmatique, deux d’entre eux convergeant l’un vers l’autre ; un texte est noté sur la même surface précisant qu’il s’agit du « présage du roi Narâm-Sîn qui s’empara de la ville d’Apishal 6 ».

19Antérieurement au xvii e siècle, les devins représentent donc les présages comme des images plastiques dessinées schématiquement sur des supports ; ils peuvent à l’occasion les signaler sommairement à l’aide de substantifs indiquant leur nom ou de déictiques, autant d’outils tout à fait insuffisants pour en assurer une description satisfaisante puisqu’il leur faut l’appoint du dessin. On est fondé, pour diverses raisons, à postuler qu’une mutation s’est produite au cours du xviii e siècle, celui de Hammurabi de Babylone 7, un siècle où se déploie une pensée originale qui tend à percevoir tout l’univers sous la forme de signes d’écriture.

20pratiques savantespratique intellectuellemémorisation typologie des savoirssavoirs non canoniquesoccultismedivinationLa divination est une science qui se fonde sur l’expérience et se tourne vers le passé dont elle s’inspire. Dans ce sens, les faits d’expérience étant mémorisés, les devins consignant la mémoire d’une observation passée et déduisant un oracle d’un présage, il est clair qu’ils témoignent d’un esprit au travail. Ils ne se contentent pas d’« amasser et de faire usage » (Bacon), ils effectuent des choix.

21typologie des savoirsobjets d’étudetempsavenir pratiques savantespratique intellectuelleanalyseD’aucuns ont vu dans les maquettes les témoins des débuts empiriques de la science divinatoire. Les rois ayant consulté les devins avant d’entreprendre des opérations militaires ou des actions politiques, on aurait procédé, en cas de succès et aux lendemains mêmes des événements, à l’archivage de ces consultations sous la forme de maquettes reproduisant l’aspect des viscères et énonçant, par écrit, l’oracle qui leur est associé. Le témoignage d’autres maquettes contemporaines, non plus d’archives puisqu’elles rendent compte d’événements qui ne sont pas encore advenus, mais d’enseignement comme le montre la structure dialogique de certains exemplaires, vient contredire cette hypothèse ; on peut lire, par exemple : « Si un ennemi projette une attaque contre une ville quelconque, et si son projet est dévoilé, cela se présentera ainsi », le dessin des présages donnant à voir le « chemin » et le « socle » de la vésicule biliaire qui s’étend jusqu’au lobe caudé8. Dans ce cas, les devins explorent l’avenir et, fait curieux, semblent déduire le présage de l’oracle. En réalité, il n’en est rien ; leur thèse consiste à considérer une coïncidence entre deux faits de nature différente, un événement de la vie sociale et une réalité naturelle, comme une corrélation obligatoire et susceptible de se reproduire dans le registre de l’analogie. Où l’on voit que la pensée des devins s’est décrochée de la connaissance sensible en s’en éloignant pour s’affirmer comme un système. On ne peut donc pas parler, avec elle, de culture issue de l’expérience. Un rapport de réciprocité est établi entre nature et culture, et l’ordre du monde dépend, en ultime analyse, puisqu’il est loisible d’inférer la configuration d’un foie de mouton, à la condition que les dieux aient accepté de s’en mêler, d’un événement politique ou militaire, autrement dit de l’attitude de l’homme. La maquette de ce type la plus récente date du milieu du xix e siècle.

La composition de traités

22inscription des savoirsgenre éditorialtraitéC’est au cours de ce même xviii e siècle que les devins commencent à composer des traités où un texte verbal décrit, prenant sa place, l’image picturale qui ornait les maquettes et qu’ils se mettent à penser les signes en passant de l’image à la description et du dessin au texte.

23inscription des savoirsvisualisationvisualisation de l'informationliste construction des savoirstraditionencyclopédismeLa rédaction de ces traités est une démarche de longue haleine qui requiert une érudition protéiforme. Ils sont composés d’interminables énumérations de sentences regroupées selon des principes logiques qui laissent apparaître plusieurs figures : la dyade des contraires, la triade des contradictoires, la tétrade qui regroupe deux dyades, l’hexade qui réunit deux triades ; leurs auteurs jouant aussi, à l’occasion, de la figure complexe des emboîtements classificatoires. Nous sommes en Mésopotamie où nul ouvrage savant ne résume par une loi générale le bilan d’une longue pratique, où il n’est dissimulé aucun discours idéal qui serait l’expression d’une abstraction située à un tout autre niveau. Le projet qui sous-tend ces œuvres est d’habituer les esprits à une manière spécifique de penser. Les sentences sont classées en vertu d’un principe d’opposition où domine la relation gauche-droite, les auteurs se donnant tous les outils nécessaires à l’exploration des figures toujours plus complexes auxquelles celui-ci donne naissance. On découvre également dans l’énoncé des sentences un système formalisé d’axiomes. Le projet consiste, en effet, à établir les liens qui unissent le présage à l’oracle. Or, rompant avec la diversité des formulaires documentée par les maquettes de viscères antérieures au xviii e siècle et qui témoignait d’une relative liberté narrative, les devins s’emploient à standardiser le discours en ne retenant qu’un seul des formulaires préexistants : s’il y a tel présage, tel événement se produira. En l’adoptant, ils associent deux idées, celle de la juxtaposition ou de la conjonction de deux faits singuliers et celle d’une relation logique et nécessaire entre eux. Autrement dit, on est confronté à cette situation paradoxale qui veut que, en s’inscrivant dans un système hypothético-déductif, le savoir devienne un pur exercice logique, mais qu’en même temps, du fait qu’il conserve majoritairement l’usage de la langue naturelle, il maintienne un contact avec la pratique et l’examen des entrailles d’une victime.

24Pour effectuer l’inventaire des présages, les devins commencent par les identifier et les isoler. Ils se situent donc à distance de la pratique où plusieurs présages s’offrent simultanément aux yeux du devin, lors du sacrifice. La procédure qui vise à isoler les présages conduit aussi à les discrétiser, à les extraire de leurs contextes initiaux afin d’en faciliter l’étude, une démarche réductrice qui permet de les penser autrement que comme des signes cliniques, anatomiques ou pathologiques, à les rendre interchangeables ou équivalents, à permettre leur déplacement dans des contextes variés, à en décrire, enfin, les multiples configurations potentielles.

25pratiques savantespratique intellectuellenomination pratiques savantespratique artistiqueperformance oraleL’acte de nomination vient compléter cette première démarche par son caractère performatif. Les Mésopotamiens n’en font pas mystère, ils croient dans la vertu créatrice des mots, le réel étant assigné dans le terme qui l’exprime. Cette affirmation mérite quelque explication. Sans doute le même vocable sumérien inim signifie-t-il, tout à la fois, le « mot » et la « chose », le référant et le référé. Mais cette désignation commune ne stipule en aucune façon qu’il y ait identité entre l’un et l’autre. La langue n’est pas une réplique exacte des choses et il serait naïf de penser que les Mésopotamiens vivent « collés » à la réalité. Plutôt que d’identité, on préférera parler d’ajustement ou d’adéquation, lesquels fondent une ressemblance entre des formes similaires, mais non identiques. Le vieil adage médiéval veritas est adaequatio verbi et rei, « la vérité se trouve dans l’adéquation entre le mot et la chose9 », ne dit pas autre chose et tel est le propre de l’analogisme, le mode de raisonnement dominant en Mésopotamie, que d’être fondé sur cet écart parfois infime qui sépare le réel de sa représentation en même temps qu’il préserve dans l’un et l’autre registre la spécificité de chacun.

26C’est précisément cette adéquation qui autorise les devins à retenir le principe de nomination comme un critère suffisant pour établir une classification. Les cognitivistes nous l’enseignent, le mode de désignation d’un phénomène est déjà un révélateur de la connaissance que l’on a de lui. Nonobstant, l’attribution d’un nom est nécessairement soumise à des procédures de validation et de certification par des canaux institutionnels, même si nous n’en avons conservé nulle trace dans le cas de la Mésopotamie 10. Les noms des présages forment donc un lexique de termes institués.

27pratiques savantespratique intellectuelleidentificationMais la nomination ne se contente pas d’instituer, elle apporte également à ce qu’elle désigne un surcroît de sens. Lorsque les devins choisissent d’appeler un présage d’un nom descriptif, par exemple sibtum, l’« excroissance », un petit mamelon situé sur le lobe caudé, ils empruntent ce terme au domaine propre de la chose, rappelant que les présages prennent naissance dans le corps d’un animal. En revanche, lorsqu’ils choisissent de désigner un présage par un nom métaphorique, comme bâb ekallim, la « porte du palais », ils usent d’un terme procédant d’un domaine d’emprunt, celui-là même qui motive leur réflexion, l’ordre de la signification l’emportant alors sur l’ordre de la chose. Un même signe peut, du reste, faire l’objet d’une double appellation, comme la vésicule biliaire qui peut s’appeler martum, l’« amère », le terme référant à la bile qui s’y accumule, ou rê’û, le « pasteur ». Il importe peu ici que les substantifs descriptifs soient des connotatifs et les substantifs métaphoriques des dénotatifs, les uns comme les autres sont coréférentiels ; servant à exprimer le même objet singulier, ils ont les mêmes conditions de vérité.

28pratiques savantespratique manuellemanipulation typologie des savoirsobjets d'étudenatureEn manipulant le réel, l’ambition du devin n’est-elle pas, à terme, de maîtriser les phénomènes du monde ? Le recours à la métaphore, en permettant le transfert d’une chose d’un registre à un autre du réel, signifie aussi le transfert des propriétés de cette chose à une autre, tant est indissoluble la liaison entre le nom de la chose et ses propriétés. Ce transfert est légitimé en ultime analyse par le fait que le véritable agent présent derrière le signe et son appellation est l’instance divine productrice du signe !

29inscription des savoirsécriture construction des savoirséconomie des savoirsinnovationSi le fait d’attribuer un nom aux présages ne représente pas véritablement une nouveauté aux xviii e et xvii e siècles, les devins s’engagent, en revanche, dans un travail d’homogénéisation des terminologies antérieures dont la diversité correspondait probablement à celle des écoles existantes11. On assiste alors à deux innovations importantes, d’une part la mobilisation d’un vaste éventail de termes techniques avec le recours à une syntaxe particulière, d’autre part l’assimilation des présages à des signes d’écriture.

30pratiques savantespratique discursivedescriptionLes présages pouvant apparaître sous des formes variées, les devins doivent poursuivre leur effort de clarification en se livrant à leur description. Ils déploient, à cet effet, un important corps de substantifs, d’adjectifs et de verbes afin d’en offrir les descriptions les plus exactes. C’est au point que les présages deviennent interchangeables avec les termes des propositions qui les décrivent. Ces termes sont issus de la langue naturelle, mais certains d’entre eux sont porteurs de significations particulières au domaine de l’aruspicine, comme amûtu, « présage », pour désigner le « foie » en lieu et place de kabattu, l’organe étant lui-même considéré comme un présage ; shîru, la « chair », prend le sens de « présage »12 ; patâru, « relâcher », « libérer », celui de « présenter une fissure » ; tarâku, « frapper », celui d’« être sombre, tuméfié ».

31construction des savoirslangage et savoirslangueakkadien typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialessciences du langagesyntaxeLa langue descriptive, comme toute langue, se déroule dans un temps linéaire modulant dans la succession tous les éléments constitutifs du présage qui sont, en réalité, simultanés dans l’espace. La syntaxe contribue donc à déréaliser le présage. Ce faisant, les devins jouent avec beaucoup d’habileté de la flexion des verbes et savent se servir des astuces que leur autorise la syntaxe. S’agissant toujours de la description des présages, le recours à l’inaccompli, en usage dans les sources antérieures au xviii e siècle, tend à être prohibé (il est réservé aux seuls oracles), seuls le permansif (une forme verbale caractérisée par l’absence de référence temporelle) et l’accompli étant retenus. Le choix du premier s’explique par le fait qu’il est le temps privilégié pour la description des données scientifiquement observées. Quant au second, les logiciens savent que l’assemblage de deux propositions peut avoir des sens différents selon qu’elles sont coordonnées ou que l’une est subordonnée à l’autre. Or, le choix de l’accompli n’est pas sans conséquences. Lorsque la description d’un présage exige le recours à deux propositions successives, la première étant au permansif, la seconde à l’inaccompli, selon les règles de la syntaxe akkadienne, ces deux propositions sont banalement coordonnées ; en revanche, si le second verbe est à l’accompli, il fait figure de verbe principal qui régit l’ensemble de l’énoncé. La figure du présage y gagne en cohésion. Toutes ces procédures font partie du travail d’explicitation auquel les devins soumettent la langue naturelle ; en la prenant comme objet d’étude, ils adoptent une démarche métalinguistique.

32pratiques savantespratique discursiveoralité typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialessciences du langagerhétoriqueLe texte verbal se substituant désormais au présage ou à sa représentation figurée, on assiste à un procès de sémantisation de la nature. Il est à même de se substituer au regard que porte le devin sur les viscères d’une victime animale ; il rend caduque la coutume qui consistait, après une consultation, à conserver les viscères dans une liqueur appropriée afin de pouvoir vérifier sur pièce l’exactitude d’une observation13 ; il conduit à renoncer à la fabrication de maquettes en argile à fin d’archivage. C’est que la rhétorique linguistique, à l’opposé de la figuration visuelle, au prix, certes, du recours à des descriptions techniques lourdes, regorge d’un vocabulaire nourri apte à des descriptions rigoureuses. La verbalisation induit donc un gain de connaissances. Prise dans toute sa dimension, elle fait advenir un événement de parole qui fonctionne dans le récit comme fonctionne dans le monde la réalité à laquelle il renvoie. Mais cette réalité est désormais absente, remplacée qu’elle est par l’énonciation du message. En un mot, on est passé de l’expérience de la chose à l’idée que l’on en a.

33pratiques savantespratique intellectuelleanalyse inscription des savoirsécrituresémiologie graphiqueLa seconde innovation est peut-être plus importante encore. Dans le même mouvement où les devins verbalisent les présages, ils les perçoivent comme des signes de leur écriture. Ils commencent par identifier des signes simples, qui transcrivent les termes de la nomenclature. À partir de ce premier jeu, ils construisent des signes dérivés, jouant de leur état, de leur aspect, de l’inachèvement de leur forme, de leur nombre, de leur position relative sur le support, de leur couleur ou de leur dimension, enfin de l’adjonction de surcharges ou de leurs combinaisons multiples. Chacune de ces modifications confère au signe premier une valeur oraculaire différente, c’est-à-dire une signification nouvelle. Ces quelques observations suffisent pour nous permettre d’aller à l’essentiel : les procédures mises en œuvre par les devins pour analyser les présages sont en tout point similaires à celles auxquelles les inventeurs de l’écriture eurent recours, au iv e millénaire, pour créer leur grammaire de signes ! Ceux-ci commencèrent, en effet, par imaginer une gamme de signes premiers qu’ils manipulèrent pour fabriquer des signes dérivés, jouant de leurs dimensions, de leur disposition relative sur le support, selon qu’ils étaient dessinés au miroir, inclinés à droite ou à gauche, ou encore inachevés. Ils les agrémentèrent de surcharges – des hachures, des enchevêtrements de traits ou de pointillés –, ou les associèrent par doublement ou triplement, parfois en position croisée, ou imbriqués les uns dans les autres. Ils associèrent également deux ou plusieurs signes différents qui pouvaient, en outre, être augmentés de surcharges14. Mais il y a beaucoup plus important encore : ces procédures sont celles-là mêmes qui sont enseignées dans les écoles à partir du xviii e siècle 15.

34matérialité des savoirsinstrumentinstrument d’inscriptioncalame inscription des savoirsécriturecalligraphiePlusieurs paramètres se laissent déceler, pourtant, qui, a priori, tendent à tenir les présages à distance des signes graphiques. Aux yeux des Mésopotamiens eux-mêmes, une fois définis dans leur forme, qu’ils soient parfaitement ou maladroitement calligraphiés, où qu’ils se trouvent sur le support, qu’ils soient notés à l’encre ou imprimés avec un calame, quelle qu’en soit la couleur, les signes graphiques conservent toujours la même valeur. Tout au contraire, la forme, la position, la texture et la couleur sont de nature à changer la valeur oraculaire d’un présage. Ceux-ci se montrent donc récalcitrants à se laisser uniment classer sous la seule rubrique de l’écriture. Or, on s’aperçoit très vite que les devins usent de ces catégories comme autant de variables servant à fabriquer des signes d’écriture. Ils ne se contentent donc pas de mettre en application les règles concernant les signes de l’écriture cunéiforme qu’ils ont apprises, ils en exploitent toutes les potentialités et en généralisent les applications à des registres beaucoup plus larges (tableau 2). Voici longtemps, du reste, que les sémioticiens nous enseignent que tout essai de typologie des signes visuels est vain, qu’il n’existe nul critère définitif qui permette de séparer un signe graphique d’un signe plastique. Tout réside dans les motivations, les modes de reconnaissance et de production, bref dans l’intentionnalité des producteurs. En un mot, les signes ont l’identité dont leurs auteurs les créditent16.

35pratiques savantespratique intellectuellenominationTelle est sans doute la grande nouveauté du temps. S’il est vrai que le réel n’arrive à l’existence qu’une fois nommé, il est désormais admis que le sens naît du signe graphique qui sert à le noter, les mots de la langue devenant eux-mêmes comme prisonniers des signes de l’écriture. Cette dernière ayant le pouvoir de défaire l’ordre des mots et donc l’ordre des choses, l’homme a, d’une certaine manière, un moyen d’agir à terme sur l’action des dieux. Où l’on découvre que l’appropriation des présages à l’univers de l’écriture se pose comme le complément indispensable à la verbalisation. Avec elle, on passe d’une science qui se bornait à rendre compte à une science qui sait expliquer le comment des choses. En mobilisant les savoirs de l’écriture au service de la divination, les devins se mettent en effet en position d’expliquer tout à la fois la manière dont les présages sont construits et la nature des liens qui les unissent aux oracles.

Conclusion

36typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialessciences du langagesémantique pratiques savantespratique intellectuelleabstractionDu geste du sacrificateur à celui du scripteur, de la manipulation des entrailles d’une victime sacrificielle à leur modélisation et à leur sémiotisation, on assiste à une opération rhétorique qui part d’une image réelle, un corps biologique, à laquelle on attribue, par un mouvement d’abstraction fondé sur l’identification, un contenu qui lui est étranger ; on obtient ainsi une seconde image, un présage, qui, par une nouvelle procédure de sémantisation, en produit une troisième, un oracle, qui lui est similaire. À partir du xviii e siècle, ces opérations sont rendues plus complexes encore par le recours à un nouveau procès de sémantisation qui consiste à verbaliser les présages, lesquels, en outre, sont désormais traités comme des signes d’écriture et non plus comme des tableaux. La science divinatoire s’enrichit des savoirs de l’écriture.

37Si l’analogisme demeure au principe des réflexions des devins, ceux-ci font également appel à d’autres savoirs. On pense aux savoirs réflexifs qui, à côté de la verbalisation réduisant les faits en mots, favorisent les méditations sur les mots de la langue, encouragent les innovations dans l’ordre syntaxique, font la part belle à l’approche métalinguistique du langage. On pense aussi aux savoirs déductifs faits d’opérations rationnelles par lesquelles, selon des procédures arrêtées, on conclut une affirmation à partir de prémisses sans avoir recours à l’expérience et qui contribuent grandement à une formalisation logique de la pensée.

38Par leur connaissance parfaite des signes, les devins font la démonstration qu’ils ont prise sur le réel. L’ordre général des choses n’étant plus totalement soustrait à leur volonté, leur intervention transformatrice favorise, en ultime analyse, la plus grande cohésion de leur communauté. Le statut du devin dans la société doit en être valorisé. Après tout, et l’on ne saurait s’y tromper, le principe d’efficacité de la parole ou du signe graphique, à la base de toute la réflexion des devins, ne réside pas dans le langage lui-même, mais dans « le groupe qui l’autorise et s’en autorise17 ».

Exemples de construction de signes d’écriture et de présages

Les signes d’écriture

Tableau 2.
Figure 3. Tableau 2.

Les présages

39Exemple de signe simple :

  • il y a le regard

40Exemples de signes dérivés :

  • disposition variable sur le support :
    • la porte du palais est droite
    • la porte du palais est disposée transversalement
  • doublement d’un signe :
    • il y a deux portes du palais
    • il y a deux regards et ils se font face
    • il y a deux regards et ils sont en position croisée formant une croix
  • surcharge d’un signe :
    • sur la pointe du regard il y a une marque d’envie
  • association de différents signes avec ou sans surcharge :
    • le regard franchit le chemin
    • le côté gauche du doigt est atrophié à sa base
    • un filament plonge à droite de la présence et chevauche le chemin
    • il n’y a pas de regard et sur son site se trouve un kyste
    • il n’y a pas de regard et sur son site se trouve un kyste et il est sombre
    • sur la pointe de la présence deux trous se trouvent côte à côte et ils sont allongés
    • sur la pointe de la présence deux trous se trouvent côte à côte et ils sont noirs
    • sur la pointe de la présence deux trous se trouvent côte à côte et ils sont couverts par une membrane
    • sur la pointe de la présence deux trous se trouvent côte à côte et un filament les connecte
    • imbrication de signes :
    • il y a un chemin au sein du chemin
    • sur la pointe de la présence il y a un trou dans lequel se trouve un autre trou.
Notes
1.

Sauf indication contraire, toutes les dates s’entendent avant l’ère commune.

2.

Sur ces questions, voir Glassner, 2000 et 2003.

3.

Goetze, 1947, no 5.

4.

D’un manière générale, voir Bottéro, 1974.

5.

Glassner, 2005.

6.

Rutten, 1938, no 3 ; Meyer, 1987, p. 192. Le premier trait figure le présage identifié sous le nom de « regard », les deux autres le « chemin ».

7.

Glassner, sous presse.

8.

Rutten, 1938, no 19 ; Meyer, 1987, p. 202.

9.

Ricœur, 1975, leçon huit.

10.

Lorsqu’un devin est confronté à un présage non reconnu, il le désigne au moyen du substantif usurtu.

11.

Glassner, 2005a.

12.

Voir King, 1914, no 31 ii 53s : les dieux placent dans la chair (shîru) un présage (shîru).

13.

Glassner, 2005a, p. 277.

14.

Glassner, 2000, chap. vii.

15.

Cavigneaux, 1983 ; Glassner, 2008 et sous presse.

16.

Eco, 1992, passim.

17.

Bourdieu, 1980, p. 188.

Appendix A Bibliographie

  1. Bottéro, 1974 : Jean Bottéro, Symptômes, signes, écritures en Mésopotamie ancienne, in J.-P. Vernant (éd.), Divination et rationalité, Paris, p. 70-197.
  2. Bourdieu, 1980 : Pierre Bourdieu, Le Sens pratique, Paris.
  3. Cavigneaux, 1983 : Antoine Cavigneaux, « Lexikalische Listen », Reallexikon der Assyriologie, p. 609-641.
  4. Eco, 1992 : Umberto Eco, La Production des signes, Paris.
  5. Glassner, 2000 : Jean-Jacques Glassner, Écrire à Sumer, Paris.
  6. Glassner, 2003 : J.-J. Glassner, La Tour de Babylone, Paris.
  7. Glassner, 2005 : J.-J. Glassner, « L’aruspice mésopotamien et le regard de l’anatomiste », Le Journal des médecines cunéiformes, 6, p. 22-33.
  8. Glassner, 2005a : J.-J. Glassner, « L’aruspicine paléo-babylonienne et le témoignage des sources de Mari », Zeitschrift für Assyriologie, 95, p. 276-300.
  9. Glassner, 2008 : J.-J. Glassner, « Le corps écrit », in B. Baptandier et G. Charuty (éd.), Du Corps au texte, Nanterre.
  10. Glassner, sous presse : J.-J. Glassner, « La fabrique des présages en Mésopotamie : la sémiologie des devins », in S. Georgoudi et al. (éd), Actes du colloque « Signes, rites et destin dans les sociétés de la Méditerranée ancienne » (16-17 oct. 2005), Fribourg.
  11. Goetze, 1947 : Albrecht Goetze, Old Babylonian Omen Texts, New Haven.
  12. King, 1914 : Leonard W. King, Cuneiform Texts in the British Museum, 34, Londres.
  13. Meyer, 1987 : Jan-Waalke Meyer, Untersuchungen zu den Tonlebermodellen aus dem Alten Orient, Neukirchen.
  14. Ricœur, 1975 : Paul Ricœur, La Métaphore vive, Paris.
  15. Rutten, 1938 : Marguerite Rutten, « Trente-deux modèles de foies en argile inscrits provenant de Tell-Hariri (Mari) », Revue d’assyriologie, 35, p. 36-52.