Gautier Dassonneville

1pratiques savantespratique intellectuellecritique typologie des savoirsobjets d’étudepenséeL’élaboration de l’archéologie des sciences humaines mise à l’œuvre dans Les Mots et les choses 1 doit beaucoup à une interprétation originale du rôle historique de la philosophie transcendantale et de l’anthropologie kantiennes dans la culture occidentale2. Sur le chemin de cette analyse archéologique du kantisme, l’Introduction à l’Anthropologie de Kant 3 en 1961 a constitué une étape importante au cours de laquelle Foucault s’est d’abord inspiré de la catégorie heideggérienne de la répétition pour repérer comment Kant faisait concorder son entreprise critique avec l’anthropologie empirique née au XVIIIe siècle. Comme l’indiquent les éditeurs de la thèse complémentaire de Foucault, le problème de « l’anthropologisation croissante de la philosophie » occupait le jeune philosophe dès le début des années 1950, comme en témoigne son effort pour retracer « le destin du thème anthropologique dans la philosophie du XIXe siècle »4 à travers les figures de Kant, Hegel, Feuerbach, Marx, Dilthey et Nietzsche dans le cours « Connaissance de l’homme et réflexion transcendantale » donné à l’Université de Lille en 1952-1953 5. À cette période, signalent également les éditeurs de l’Introduction, Foucault « relit » Kant à travers Nietzsche en 1952 puis Kant et Nietzsche à travers Heidegger à partir de 1953 6. Or, si Foucault « relit » Kant au double prisme de Nietzsche et de Heidegger en 1952-1953 – précisons : après s’être acquitté en juin 1951 de la tâche d’obtenir l’agrégation de philosophie – cela signifie-t-il que ces deux penseurs allemands lui fournissent alors une prise originale pour réinterpréter Kant ou cela signifie-t-il simplement qu’il l’avait déjà lu dans une perspective plus classique7 ? Sous cette alternative – dont on verra le caractère artificiel – se présente l’enjeu d’une étude génétique qui, à l’épreuve des archives des années de formation, pourrait apporter un éclairage nouveau sur la naissance du problème foucaldien concernant les « rapports de la pensée critique et de la réflexion anthropologique »8.

2espaces savantslieuarchives typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialespsychologie matérialité des savoirssupportsupport d’inscriptionfiche pratiques savantespratique discursivecoursEn effet, il est aujourd’hui possible de préciser les modalités de la rencontre de Foucault avec la philosophie kantienne à l’époque de ses études à Paris. Dans le vaste ensemble documentaire mis à disposition du public par le projet Foucault fiches de lecture, les boîtes 37 « Années de formation : Sorbonne, rue d’Ulm » (1060 feuillets), 38 « Rue d’Ulm, circa 1944-1950 » (934 feuillets) et 44A-B « Neurophysiologie, Lagache & EEG » (711 et 534 feuillets) présentent de nombreux manuscrits dont le statut relève d’une autre typologie que celle des fiches de lectures puisqu’il s’agit en réalité de notes de cours prises par Foucault lorsqu’il étudiait la philosophie et la psychologie, en suivant un double cursus effectué entre 1946 et 1953, à l’ENS et à la Sorbonne. Mis côte à côte, ces documents laissent apparaître le portrait d’un Foucault auditeur 9 qui, entre ses vingt et vingt-sept ans, se forme auprès de certains des nouveaux maîtres de l’Université à la Libération, se prête au jeu séculaire et prestigieux de l’Agrégation de philosophie et s’inscrit parmi les tout premiers étudiants du nouveau cursus de psychologie à l’Université de Paris. Les notes de cours conservées dans les archives nous livrent un matériau à la fois riche et fragmentaire, nous mettant directement au contact de l’enseignement de l’époque mais dont il est souvent difficile d’identifier immédiatement le contexte précis de production. Une analyse des contenus et la mise en regard avec les référentiels académiques et les programmes universitaires de la fin des années 1940 devraient néanmoins permettre d’établir un rapport génétique avec l’œuvre de Foucault. C’est un tel travail que je me propose d’effectuer dans la présente enquête sur la chemise 44 « Kant. Beaufret » de la boîte 3710 en mettant en exergue la présence de l’interprétation heideggérienne dans les lectures de Kant que Foucault a reçues de ses professeurs. Mon travail archivistique et doxographique (identifier et dater des manuscrits) se doublera d’un questionnement méthodologique concernant l’usage de l’archive dans la perspective d’une génétique de la pensée foucaldienne : dans quelle mesure certains éléments contenus dans les notes de cours prises par le jeune Foucault peuvent-ils être appréhendés comme les indicateurs d’une influence subie dans un milieu de formation ?

3matérialité des savoirssupportsupport d’inscriptionfiche inscription des savoirslivrenoteEn effet, on sait que la notion d’influence est l’une de ces notions que Foucault a dans le collimateur lorsqu’il souhaite concevoir le champ des discours et de l’évolution des idées en dehors de toute référence à une conscience constituante ou à un sujet transcendantal. Pourtant, s’il écarte la notion d’influence de la boîte à outils conceptuelle de l’archéologie du savoir11, Foucault ne s’interdit pas de l’utiliser lorsqu’il s’agit de décrire sa propre trajectoire intellectuelle. Il s’étonne ainsi, dans un entretien de 1982, que Dreyfus et Rabinow aient pu déceler une influence de Heidegger sur sa pensée alors que « personne en France ne l’avait jamais souligné[e] » bien que cela était « vrai »12. De même, lors de sa dernière interview en avril 1984, Foucault reconnaissait que Heidegger avait certainement été pour lui « le philosophe essentiel » et il évoquait « les tonnes de notes » qu’il avait prises lorsqu’il l’avait découvert au début des années 1950 13. C’est cette piste-là qu’Alain De Libera a suivie dans son séminaire au Collège de France de 2017 14 pour mettre en relief « les traces de l’influence de Heidegger » dans les archives de Foucault, et faire ressortir la figure du « second Heidegger » dans les fiches de lecture conservées dans la boîte 33. Entre deux moments de la réception de Heidegger en France, « le moment Koyré-Corbin » dans les années 1930 et « le moment Hyppolite » dans les années 1950, le jeune Foucault découvre essentiellement le philosophe ayant effectué le fameux tournant (Kehre) de la phénoménologie vers la pensée de l’Être. Mais le tableau des lectures de Heidegger que le médiéviste présente à l’issue du dépouillement de la boîte 33 affiche une absence étonnante de notes sur Kant und das Problem der Metaphysik (1929/1950 ; 1953 pour la traduction française15) là où les commentateurs de Foucault avaient pourtant pu signaler la centralité de l’ouvrage dans la réception de Heidegger en France dans les années 1950 16.

4Dans les limites de cet article je mettrai en lumière la rencontre de Foucault avec l’interprétation heideggérienne de Kant dans le contexte de sa formation universitaire. À rebours du récit, orchestré par Foucault lui-même, d’une rupture nette opérée avec l’enseignement reçu à l’Université française où dominaient la phénoménologie et le marxisme, j’aborderai les notes de cours dans une perspective qu’on pourrait qualifier de « génétique collective »17 et qui sera attentive, au sein de la doxa philosophique de formation, aux idées et aux thèmes qui auront une destinée foucaldienne ou, du moins, tels que nous pouvons y reconnaître rétrospectivement des motifs d’interpellation pour le problème foucaldien de l’anthropologie kantienne. Dans un premier temps, il s’agira d’identifier un corpus archivistique et de montrer comment la problématique kantienne de la finitude de l’homme apparaît de manière précoce dans l’horizon théorique de Foucault. Dans un second temps, il s’agira de questionner l’articulation des données isolées dans les archives scolaires avec l’œuvre foucaldienne publiée : la réactivation de la notion d’influence, à travers celle de priming issue des théories récentes de la suggestion hypnotique, me permettra finalement de scénariser le rapport génétique que je cherche à faire valoir.

1° Identification et datation des manuscrits : 1949, Kant à l’Agrégation

5construction des savoirséducationévaluation pédagogiquediplômeUn premier repérage dans les archives des années de formation nous montre l’existence d’un ensemble de notes de cours liées aux programmes de l’agrégation de philosophie : les chemises 21 « Bergson », 26 « Gouhier. Explication de Psychologie et métaphysique », 29 « Comte » et 30 « Hume » de la boîte 37, tout comme les chemises 10 « Plotin », 28 « Spinoza. Beaufret. Guéroult » de la boîte 38, croisent les données concernant les programmes de l’oral en 1949 et de l’écrit en 1950 dont Giuseppe Bianco a reporté les données dans son étude sur Bergson 18. Une présentation détaillée du contenu de la chemise 44 « Kant. Beaufret » de la boîte 37 déterminera si celui-ci est assimilable ou non à ce corpus des notes de cours d’agrégation. En ce sens, les 54 feuillets (f0868-f0941) de cette chemise présentent une première surprise par rapport à l’intitulé puisque les notes renvoient à des leçons sur Kant professées non seulement par Jean Beaufret (1907-1982) mais aussi par Jean Hyppolite (1907-1968), Ferdinand Alquié (1906-1985), Jules Vuillemin (1920-2001) et Jean-Toussaint Desanti (1914-2002). On trouve ainsi les notes d’un cours de Beaufret sur la Critique du jugement de Kant (f0868-f0886, 18 feuillets), les notes d’un cours d’Hyppolite intitulé « Kant : la logique transcendantale » (f0891-f0903, 12 feuillets), les notes d’un cours d’Alquié sur « La morale kantienne. Introduction à la Critique de la raison pratique » (f0905-f0906, 2 feuillets), les notes issues d’un cours de Jules Vuillemin, sans intitulé (f0919, 1 feuillet) et, enfin, les notes issues d’un cours de Desanti sur « Kant » (f0921-941, 20 feuillets). Cette chemise contient également des fiches de lecture analytique des Fondements de la métaphysique des mœurs (f0887-f0890), une synthèse de la théorie de « La Bonne volonté » dans la Métaphysique des mœurs (f0904) et une synthèse sur « La morale de Kant, La Métaphysique des Mœurs » (f0907-f0908, pages remplies d’une écriture serrée qui ne semble pas être celle de Foucault). Elle comporte enfin des fiches sur « L’Analytique du sublime » (f0915-f0916) qui en recensent « les thèmes » et « la structure » : ces feuillets portent la trace d’un travail préparatoire avec des annotations au crayon de papier, des biffures et l’exposition abrégée des idées de cet exposé sur un autre feuillet (f0914).

6Aucun de ces manuscrits n’est précisément daté mais je propose de rapporter les cours d’Hyppolite et de Vuillemin à l’année 1949 en me référant aux numéros 2 et 3 du Bulletin du groupe d’études de philosophie de l’Université de Paris parus respectivement en février et mars 1949 19. En effet, le Bulletin n° 2 présente un résumé du cours de Vuillemin donné à la Sorbonne : « Heidegger, critique de Kant »20 et le Bulletin n° 3 salue la nomination d’Hyppolite à la chaire d’histoire de la philosophie tout en annonçant le cours qu’il donnera à destination des agrégatifs sur la « formation de la logique transcendantale chez Kant »21. On peut donc ajouter Kant parmi les auteurs au programme de l’agrégation de philosophie en 1949 et supposer que son œuvre a suscité de nombreuses activités cette année-là, comme cela a sans doute été le cas pour le cours de Beaufret sur la troisième critique de Kant, bien que je n’aie pas pu vérifier cette hypothèse par recoupement avec une autre source22. En revanche, les notes du cours d’Alquié sur « La morale kantienne » semblent être plus anciennes et la graphie, plus reliée, ressemble davantage à celle des notes du cours de Merleau-Ponty en 1947-1948 sur « L’union de l’âme et du corps chez Biran, Malebranche et Bergson »23. Par ailleurs, on pourra aussi comparer les notes de cours sur Kant avec celles des cours sur Hume rattachées au nom d’Hyppolite (b037, f0671), avec deux feuillets fort intéressants sur « Hume, Husserl, Kant »24 (b037, f0708-f0709) où une référence à la lecture heideggérienne de Kant est notable. C’est cette référence à Heidegger que je vais maintenant tâcher d’extraire dans les notes des cours d’Hyppolite et de Vuillemin.

7En se rappelant de l’intitulé du mémoire de DES que Foucault a présenté en 1949 sous la direction d’Hyppolite : « La constitution d’un transcendantal historique dans la Phénoménologie de l’esprit de Hegel », on se dit que le cours sur la question de la logique transcendantale chez Kant avait toutes les chances d’attirer le normalien. Dans les notes qu’il en a conservées, le philosophe de Königsberg est présenté du point de vue de l’évolution de sa pensée à travers le double passage d’une philosophie de la nature à une philosophie du savoir de la nature et d’une philosophie du monde à une philosophie du moi. La question de la distinction kantienne entre « l’essence et l’existence » introduit l’idée que l’opposition entre « le logique et le réel » a soutenu les efforts de Kant avant la première Critique et devait nécessairement aboutir à une nouvelle logique, à savoir la logique transcendantale. C’est là qu’Hyppolite aborde l’originalité de la logique transcendantale en se référant à l’interprétation ontologique donnée par Heidegger dès le § 3 de Sein und Zeit 25 :

La logique transcendantale est peut-être une « ontologie » (Heidegger), mais une ontologie de l’objet sensible. Elle dégage les conditions de l’objet, mais non de tout objet : distinction phéno[mènes]-noumènes. C’est pourquoi la logique transcendantale n’a pas valeur d’ontologie absolue26.

8Selon Hyppolite, en montrant la limitation de l’entendement à la seule anticipation des expériences possibles, Kant en appelle à remplacer « le mot orgueilleux d’ontologie » par « le nom plus modeste d’analytique de l’entendement », de sorte que l’analytique transcendantale doit être considérée comme « l’ontologie du phénomène » (b037, f0897 verso). Il n’est pas douteux que ces analyses sur la place de l’ontologie dans la philosophie kantienne servent aussi de travail préparatoire aux thèses développées en 1953 dans Logique et existence (Essai sur la Logique de Hegel)Hyppolite commente les Erste Druckschriften de Hegel sur Kant pour mettre en exergue « l’auto-dépassement » de la philosophie transcendantale vers le Savoir Absolu qui s’y trouve contenu : « Elle [la pensée spéculative] transcende la réflexion qui ne serait qu’une réflexion humaine sur l’expérience et sa constitution ; elle saisit le contenu lui-même comme réflexion ; c’est l’être qui se connaît par l’homme, et non l’homme qui réfléchit sur l’être »27. On sait qu’en 1969 Foucault désignera Logique et existence comme l’ouvrage qui a déterminé les problèmes philosophiques affrontés par ceux de sa génération28 et le compte rendu qu’en proposait Deleuze en 1954 soulignait la manière dont Hyppolite situait le kantisme :

Kant s’élève bien jusqu’à l’identité synthétique du sujet et de l’objet, mais seulement d’un objet relatif au sujet : cette identité même est la synthèse de l’imagination, elle n’est pas posée dans l’être. Kant dépasse le psychologique et l’empirique mais en restant dans l’anthropologique. Tant que la détermination n’est que subjective, nous ne sortons pas de l’anthropologie. Faut-il en sortir et comment ? Les deux questions n’en font qu’une : le moyen d’en sortir est aussi la nécessité d’en sortir29.

9pratiques savantespratique intellectuellecritique Foucault a très tôt baigné dans un hégélianisme qui se présentait comme une échappée face aux limites anthropologiques de la philosophie kantienne ; il a évolué au contact d’une confrontation de la philosophie transcendantale de Kant avec la logique de Hegel. Mais par ailleurs, insistant sur le dépassement de la métaphysique auquel parvient Heidegger, Hyppolite souligne que « l’analytique existentiale est une problématique qui rejoint l’analytique kantienne envisagée dans sa signification ultime »30. C’est bien la lecture du Kantbuch qui dirige alors les observations d’Hyppolite suivant une ligne interprétative qu’il serait intéressant de comparer en détail avec la « critique hégélienne de la réflexion kantienne »31 dégagée à la même période. Mais dans les limites de la présente enquête, on va voir maintenant comment l’interprétation heideggérienne de Kant s’inscrit également d’emblée dans une réflexion d’ordre historiographique lorsque Foucault en prend connaissance pendant ses études.

10pratiques savantespratique discursivecoursDe ce point de vue, les notes du cours de Vuillemin sur « Heidegger, critique de Kant » placent plus directement le Kantbuch parmi les objets d’étude de Foucault l’année de son mémoire de DES. Le feuillet f0919 « Vuillemin » renvoie à un cours qui, de toute évidence, a fait partie du travail préparatoire pour L’héritage kantien et la révolution copernicienne : Fichte, Cohen, Heidegger 32, paru en 1954. L’analyse de la question de la finitude comme pierre de touche des rapports de Heidegger à Kant est ainsi mise au jour dès 1949 par Vuillemin comme en témoignent les notes de Foucault :

Pour Heidegger, l’objet c’est ce que je rencontre ; le Dawider dans l’objet est supprimé par la mort ; ce qui fait que l’objet, marque de notre subjectivité, est un pur Schein.
Pour Kant l’objet n’est pas ce qui détermine la réceptivité mais ce qui affectant la réceptivité la fait déterminer par la spontanéité. La finitude du sujet est pour Kant définie par la pensée conceptuelle.
Überhaupt. Pour Heidegger l’Existenz est le Dasein. Mais pour Kant la finitude de l’homme est überhaupt 33.

11construction des savoirsépistémologieméthodeIl est intéressant de constater, dans le Bulletin des étudiants, que l’étude du Kantbuch dans le cours de la Sorbonne est présentée à l’aune d’un questionnement sur les rapports entre la « méthode existentielle » et l’histoire de la philosophie, de telle sorte que c’est le « sens historique » de la tentative heideggérienne que Vuillemin se propose de ressaisir à travers l’histoire des différents « retours à Kant »34. Ces réinterprétations successives du kantisme, le philosophe français les identifie comme celles opérées par : 1° les post-kantiens avec Fichte et Schelling, 2° les néo-kantiens avec l’école de Marbourg en Allemagne (Cohen, Natorp, Cassirer) et avec les philosophes de la réflexion en France (Lachelier, Lagneau, Alain, Brunschvicg et Lachièze-Rey), 3° Heidegger. Il est difficile de savoir si Vuillemin a puisé chez Heidegger lui-même ce thème du « Retour à Kant ! » qui donnait son mot d’ordre à l’École de Marbourg35. En tous les cas, Vuillemin ne manque pas de mettre en perspective les enjeux propres de la lecture de Heidegger qui vise, entre tour de force et forçage théorique, « à retrouver une philosophie éternelle, un inconditionné, une autonomie de la philosophie »36 tandis que les interprétations précédentes étaient guidées par le positivisme. Vuillemin montre plutôt comment chaque retour à Kant se construit par la volonté de dépasser l’interprétation du système kantien qui l’a précédé.

12Conçu dans la perspective d’une histoire des systèmes philosophiques inspirée de Martial Gueroult, L’héritage kantien s’appuie sur la critique hégélienne du « déplacement des concepts » chez Kant, selon laquelle la méthode transcendantale débouche sur le dualisme du fini et de l’infini. Cette critique initiale sert de pivot à Vuillemin pour discerner dans les interprétations historiques du kantisme la tentative de retrouver la cohérence de la philosophie transcendantale, à chaque fois à partir d’un élément du système, soit la Dialectique pour les post-kantiens, l’Analytique pour les néo-kantiens et l’Esthétique pour l’existentialisme. Chaque interprétation reproche à la précédente de revenir à une métaphysique de l’infini qui trahit les exigences de la révolution copernicienne. « L’histoire des interprétations et la descente vers l’intuition, écrit Vuillemin, s’éprouvent donc tout naturellement comme l’approfondissement progressif du concept de la finitude »37. La troisième partie consacrée à l’interprétation existentialiste donnée par Heidegger constitue un commentaire détaillé du Kantbuch qui fut « un intercesseur » crucial dans l’appropriation foucaldienne de Heidegger, comme on a pu le mettre en exergue autour des syntagmes de « la mort de l’homme » et de « l’analytique de la finitude » qui passent de Vuillemin à Foucault 38, notamment par le biais d’une « forte critique des “déplacements” auxquels “l’interprétation existentialiste” soumet la pensée kantienne » ouvrant alors la voie aux « apports originaux de Foucault à la question de l’anthropologie kantienne »39.

13pratiques savantespratique lettréebrouillonÀ l’issue de ce premier temps, nous voyons donc que la question anthropologique s’élabore à la fin des années 1940 dans le contexte d’une relecture de Kant doublement marquée par les réceptions de Hegel et de Heidegger – qui ont chacun gagné une place dans l’enseignement universitaire – et une orientation historiographique de la philosophie française. Reste à savoir comment articuler ces données nouvelles, qui ne sont pas à proprement parler les brouillons philosophiques d’une pensée originale mais seulement les traces d’un enseignement reçu. Ne pourrions-nous pas considérer ces énoncés comme les tout premiers jalons dans la genèse de la philosophie foucaldienne ?

2° À propos d’une invitation à relire Kant : retour méthodologique

14Dans ce second temps de l’enquête, je vais être attentif à la manière dont Jean Beaufret, l’interlocuteur privilégié de Heidegger en France, se saisit de sa pensée et la présente à ses étudiants avec une vocation à défendre l’orthodoxie heideggérienne. Cela est manifeste dans les notes de son cours intitulé « Critique du jugement (1790) » constituées par un ensemble de vingt feuillets recto verso (f0868-f0886) où l’on suit la progression d’un exposé, avec des intertitres et des alinéas, et une articulation des idées minimalement développées. Ces notes comportent plusieurs points communs avec le cours professé par Beaufret en 1957 à l’ENS Saint-Cloud sur « La Critique du jugement de Kant » et édité par Philippe Fouillaron dans Leçons de philosophie 40 en 1998. L’inflexion heideggérienne y apparaît d’entrée de jeu à travers une présentation de Kant comme « le philosophe pour qui l’horizon est devenu pour la première fois problème »41. Une telle inflexion se fait également sentir dans les notes de FoucaultBeaufret lit Kant à l’aune de la catégorie de « la répétition » que Heidegger a décelée dans la Critique de la raison pure :

Heidegger : la conquête de Kant est en fait une répétition. Le problème est celui de la finitude qui sera oublié dans l’idéalisme allemand. En quoi la K. R. V. [Kritik der Reinen Vernuft] est-elle une ontologie fondamentale ? Cf. l’article de Dufrenne42 où il montre chez Heidegger un retour à l’ontologie pré-husserlienne. En fait, ce n’est pas un retour à l’ontologie mais un effort vers l’ontologie fondamentale. Qu’entend H. [Heidegger] quand il parle de l’ontologie fondamentale chez Kant ? Brunschvicg montre la substitution d’un idéalisme à une ontologie. En fait, dans l’Introduction, la Critique pose la question du possible : une mathématique, une physique est-elle possible ? C’est là une question frivole. Mais non pas pour la métaphysique. L’histoire de la métaphysique est une sorte d’échec. Mais elle existe à titre de tendance naturel[le] (cf. Platon : philosophia tis phusei enesti andros/mâle dianoia 43). Dans la lettre à Marcus Hertz (entre [17]70 et [17]80) il dit que son travail est difficile : il fait « die [Metaphysik] der [Metaphysik] 44  »45.

15C’est la question de « la répétition de l’instauration du fondement de la métaphysique », thème de la quatrième et dernière section du Kantbuch, que Beaufret présente ici à ses auditeurs. Par « répétition », Heidegger entend la reprise et le dépassement d’un problème philosophique qui revient en tant que problème dans l’histoire de la pensée. C’est ce qu’il diagnostique chez Kant qui lui semble répéter la question aristotélicienne en se demandant « comment la métaphysique est-elle possible ? ».

16Par ailleurs, Beaufret nourrit son cours de références à la littérature (Goethe, Cocteau, Baudelaire, Rimbaud) et il inscrit sa lecture de Kant dans l’horizon des problèmes de la philosophie française de son temps, en s’appuyant par exemple sur les descriptions de Sartre dans L’Imaginaire pour expliquer la contemplation esthétique et le désintéressement kantiens46. Mais en relayant la lecture heideggérienne, il prend aussi position contre les phénoménologies de Sartre et de Merleau-Ponty qui n’ont pas, à ses yeux, la profondeur d’une véritable méditation ontologique. C’est ce que Foucault enregistre ainsi :

Il y a une possibilité qui fait que quelque chose peut être « wider Sein », chose à l’encontre. Heidegger parle de caractère « ek-statisch horizontal » (qui ouvre un horizon vers lequel elle est elle-même attirée). Kant se meut dans la « naturisch Einstellung » (règle, mise au point naturel[le]). La subjectivité transcendantale est trans-subjective.
Le pré-réflexif dont Kant [a] enrichi le cogito n’est pas un vor-reflectieren (empirique comme Sartre, comme M. M. P. [Maurice Merleau-Ponty]) mais un Ur-reflectieren. Pour M. M. P., le préreflexif n’est fait que des structures de la perception ; comme si tout ne devait pas commencer par une réduction eidétique. Inviter M. M. P. à relire Kant. À chacun sa vérité, demandait Bréhier à M. M. P. La chose en soi est un Gegenstand comme Enstand (qui se tient comme origine)47.

17Beaufret fait ici allusion au débat qui suivit la communication de Merleau-Ponty sur « Le primat de la perception et ses conséquences philosophiques » à la Société française de philosophie lors de la séance du 23 novembre 1946. En effet, Émile Bréhier, qui avait dirigé les thèses de Merleau-Ponty, en venait à lui reprocher son attitude envers la philosophie comme celle d’un renversement de l’idéalisme platonicien résultant d’un effort inavoué pour réintégrer cet idéalisme au sein même de la perception48. En ce sens, Bréhier craignait que l’approche phénoménologique ne finisse par dissoudre la possibilité d’établir les critères de l’objectivité au profit des revendications de la seule subjectivité.

18Intervenant à la suite d’Hyppolite en fin de séance, Beaufret refusait pour sa part les critiques selon lesquelles Merleau-Ponty aurait dilué la réflexion philosophique en remontant à l’immédiateté de la perception et au monde sensible. Mais c’était pour opposer à la Phénoménologie de la perception de n’avoir pas été assez radicale et d’avoir perpétué un langage idéaliste dans ses descriptions du monde perceptif en prenant le sujet réfléchi pour point de départ de la remontée à l’être-au-monde. En effet, selon Beaufret, « le dépassement de l’empirique appartient au phénomène lui-même, au sens où l’entend la phénoménologie » et tout l’enjeu serait en réalité de rompre avec le vocabulaire de l’idéalisme subjectif, « comme Heidegger, partant de Husserl, l’a fait »49. Ces critiques marqueront pour longtemps les réflexions de Merleau-Ponty qui cherchera à s’expliquer avec ses contradicteurs50 jusque dans ses notes préparatoires au cours au Collège de France de 1953 sur Le Monde sensible et le monde de l’expression 51. Pour Merleau-Ponty, une véritable herméneutique de la facticité ne peut pas présupposer la distinction entre philosophie et psychologie, et la réduction eidétique elle-même reste dépendante des faits recueillis par la psychologie empirique.

19construction des savoirsépistémologievérité typologie des savoirsdisciplinessciences humaines et socialeshistoireSi Foucault a reconnu l’espèce de « fascination »52 que Merleau-Ponty exerçait sur lui à l’époque où ses recherches se développaient autour de la question des rapports entre phénoménologie et psychologie, ses archives scolaires nous montrent comment la rencontre avec la pensée de Heidegger dans les leçons sur Kant a pu se présenter simultanément comme une suggestion pour « ouvrir une fenêtre »53, selon le mot de Foucault indiquant ses premiers efforts pour se dégager de la voie merleau-pontienne. Aussi le travail d’approfondissement des rapports entre la phénoménologie et la psychologie qui occupait Foucault après l’Agrégation et jusqu’à son départ pour Uppsala en août 1955 finissait-il par accorder une place ambiguë à Merleau-Ponty 54. De même, le thème du séminaire tenu à l’ENS en octobre 1953 sur Freud et l’Anthropologie de Kant indique, d’une certaine manière, que Foucault répond très tôt à l’invitation à relire Kant lancée par Beaufret. Il est possible que la question de la répétition vienne se loger dans la tentative foucaldienne pour formuler, à cette époque, « une anthropologie de l’expression, plus fondamentale [...] qu’une anthropologie de l’imagination »55 selon une perspective déjà orientée par la problématique historique dont on sait qu’elle conduira Foucault à la question de l’histoire de la vérité 56.

20typologie des savoirsobjets d’étudetempsPour conclure, je tenterai d’objectiver le rapport entre la formule de Beaufret qui proposait d’ « inviter Merleau-Ponty à relire Kant » et les faits représentatifs de l’intérêt grandissant de Foucault à l’endroit de la philosophie kantienne, en cherchant à penser avec Sartre la question de « ce qu’on appelle “subir une influence” »57. En effet, dans les Carnets de la drôle de guerre, Sartre réfléchit en 1940 sur son propre rapport à Heidegger, selon la double dimension de réception collective et d’appropriation individuelle par laquelle la pensée heideggérienne est venue enrichir sa philosophie, non par le fait du déterminisme ou du hasard mais comme l’expression d’une liberté en situation. Et cette question de l’influence reparait en 1955 sous une autre forme lorsque Sartre reconnaît l’importance que certaines phrases ont eue pour lui, ayant formé des « germes » pour sa propre pensée : la phrase « la Vérité ne peut être dans l’immédiat » qu’Alexandre Koyré lui a opposée lors d’une conversation en juin 1939 est donnée en exemple de ces germes d’idées par lesquels opère une « introduction de l’extérieur dans l’intérieur », provoquant une véritable transformation de soi à l’origine d’une pensée originale58. Dans Questions de méthodes en 1957, enfin, Sartre affirme qu’on ne saurait fournir une seule explication synchronique à l’émergence d’un mouvement d’idées car « il y a un facteur essentiel en philosophie : le temps »59. Les dimensions de la collectivité (les groupes sociaux et les institutions) et de la temporalité (individuelle, historique) fournissent ainsi une grille d’intelligibilité à la question de l’influence subie par un philosophe dans une situation historique donnée.

21espaces savantslieuarchivesEn ce sens, mon approche des archives foucaldiennes a consisté ici à identifier dans les leçons reçues ce qui s’apparenterait à des prémisses pour la pensée foucaldienne, voire à des prémices de cette pensée si l’on veut bien y voir un état germinal de certaines idées qui auront une floraison foucaldienne. Mieux, en assumant de considérer les notes du jeune Foucault comme la surface d’inscription de certaines des influences qui ont animé son travail philosophique, j’ai extrait les formulations qui m’apparaissent comme les traces d’un phénomène d’amorçage (priming), au sens où les récentes théories60 de la suggestion hypnotique ont élaboré cette notion pour admettre la part d’activité du sujet qui reçoit et accepte une suggestion61. En effet, tandis que la notion de « germes »62 renvoie à une métaphore biologique facile à comprendre, l’observation d’un phénomène d’amorçage suggestif voudrait assumer l’origine magique de la notion d’influence en prenant en compte l’usage qui en a été fait dans le paradigme de l’hypnotisme de la fin du XIXe siècle, dans lequel la suggestion hypnotique était définie comme « l’influence d’une idée sur le cerveau »63 de sorte que le syntagme « subir une influence » pouvaitdésigner la relation de fascination de l’hypnotisé à l’hypnotiseur64. Au départ de cette analogie, c’est la manière dont Foucault a noté les mots de Beaufret qui m’a parue métonymique du rapport d’influence qu’il s’agissait d’éclairer car elle fonctionne nettement comme une suggestion au sens technique que lui donnent les théories de l’hypnotisme : « Inviter M[aurice] M[erleau-]P[onty] à relire Kant ». Or, avec cette invitation à relire Kant pour accéder à une dimension plus fondamentale de la philosophie, ce qui a refait surface et s’est dessiné sous nos yeux dans les notes de cours de Foucault, ce sont bien les traces d’une influence heideggérienne sur la pensée française à la fin des années 1940, jusque dans l’enseignement universitaire, notamment à travers la réception française des thèses de Kant und Das Problem der Metaphysik. Cette invitation à relire Kant, Foucault semble bien l’avoir prise en charge, pour lui-même, jusqu’à repenser l’histoire de la philosophie et élaborer la méthodologie philosophique originale qu’est l’archéologie, inspirée de l’archéologie philosophique kantienne (Paltrinieri, 2015 ; Libera, 2016). Ainsi, l’influence de Heidegger sur la compréhension du kantisme, conjuguée à l’influence de certains maîtres de l’Université, aurait secrètement guidé les intérêts et la curiosité d’un étudiant qui s’apprêtait à devenir un des plus grands philosophes français contemporains. Est-ce à dire que la notion de priming ou amorçage pourrait fournir autre chose qu’une analogie et contribuer plus rigoureusement à un modèle historiographique à venir ? Du moins a-t-elle joué un rôle heuristique dans la génétique collective de l’archéologie foucaldienne à laquelle je viens d’apporter quelques éléments.

Notes
1.

Foucault, 1966.

2.

Voir, par exemple, Sabot, 2006.

3.

Foucault, 2019, p. 52 et p. 56.

4.

Defert, Ewald et Gros, 2008, p. 8.

5.

BnF, fonds Michel Foucault, NAF 28730, boîte 46. Arianna Sforzini prépare actuellement l’édition de ce manuscrit qui paraîtra aux éditions Le Seuil.

6.

Defert, Ewald et Gros, 2008, p. 8.

7.

Une lecture classique de Kant serait celle introduite à l’Université par Victor Delbos dans une ligne interprétative proche d’un néo-spiritualisme. Sur l’histoire des kantismes français, voir Fedi, 2018.

8.

Selon les termes de Foucault en note de sa traduction de l’Anthropologie d’un point de vue pragmatique de Kant parue chez Vrin en 1964 (Defert, Ewald et Gros, 2008, p. 8)

11.

Foucault, 2002, p. 34.

12.

Foucault, 2001 (1986), p. 1599.

13.

Ibid. (1984), p. 1522.

14.

Alain de Libera, séminaire au Collège de France, « Destructionis destructio. Heidegger, Foucault et la pensée médiévale », voir en particulier la séance du 20 février 2017 (https://www.college-de-france.fr/site/alain-de-libera/course-2016-2017.htm).

15.

Heidegger, 1953. On désigne aussi cet ouvrage en parlant du Kantbuch.

16.

Gros et Dávila, 1997.

17.

J’emprunte cette formule à Grégory Cormann qui, lors de la séance du séminaire général de l’ITEM du 01/10/2019 dédiée à « Sartre : la genèse des thèses sur l’imaginaire », formulait l’hypothèse d’un travail de « génétique collective » dont une partie de la tâche serait de « reconstituer certaines communautés de recherche, fussent-elles éphémères, certaines conditions collectives de la production d’une œuvre ou d’un savoir ».

18.

Le programme de l’oral en 1949 portait sur Bergson, Matière et mémoire (chapitres II, III, IV), Hume Enquête sur l’entendement humains (sections I-VIII), Maine de Biran, Essai sur les fondements de la Psychologie (« Introduction générale, 1ère partie, sections I et II, chap. 1-2), Comte, Discours sur l’esprit positif, Lachelier, Psychologie et métaphysique. Celui de l’écrit en 1951 portait sur Bergson, les Stoïciens, Plotin, Spinoza, Hume et Comte. Cf. Bianco, 2015, p. 360.

19.

Voir en annexe les extraits numérisés du Bulletin du groupe d’études de philosophie de l’Université de Paris (collection personnelle de Gautier Dassonneville).

20.

Vuillemin, 1949.

21.

Voir l’annexe 2.

22.

Du point de vue de la matérialité du manuscrit, l’écriture et la manière de prendre note sont du moins similaires aux notes identifiées à 1949. Signalons aussi que Beaufret semble également avoir pris en charge à l’ENS la préparation à l’agrégation avec des leçons sur Spinoza, aux programmes de 1949 et de 1951 (https://eman-archives.org/Foucault-fiches/viewer/show/6832#page/n0/mode/1up). Sur l’émulation théorique autour des auteurs programmés à l’Agrégation et ses effets sur les développements originaux de la pensée française contemporaine voir Schrift, 2008.

23.

https://eman-archives.org/Foucault-fiches/viewer/show/6375#page/n0/mode/1up

25.

Heidegger, 1985, p. 30 : « C’est ainsi que la contribution positive de la Critique de la raison pure de Kant consiste dans le coup d’envoi qu’elle donne à l’élaboration de ce qui appartient en général à une nature, et non point dans une “théorie” de la connaissance. La logique transcendantale de Kant est une logique apriori réale du domaine d’être “nature”. »

26.

NAF 28730, b037, f0897 : http://eman-archives.org/Foucault-fiches/viewer/show/4112#page/n0/mode/1up

27.

Hyppolite, 1953.

28.

Foucault, 2001 (1969), p. 807‑813.

29.

Deleuze, 1954, p. 457.

30.

Hyppolite, 1991, tome 1, p. 624.

31.

Ibid.

32.

Vuillemin, 1954. En particulier, en écho à l’extrait du cours cité ci-dessous, voir p. 261 : « C’est en effet dans la rencontre objectivante que surgit l’expérience du Là-Contre du Dawider, de l’objectivité de l’objet. Le sens transcendantal de la catégorie consiste à rendre possible cette rencontre, à faire qu’un étant comme tel puisse m’apparaître comme phénomène, c’est-à-dire comme objet. C’est ici que le sol transcendantal de la phénoménologie se découvre. (...) L’unité de la conscience réflexive, voilà ce qui constitue l’essence et la totalité de la transcendance, c’est-à-dire l’horizon à partir duquel des objets viennent lui annoncer ce qu’elle est : la finitude. »

33.

NAF 28730, b037, f0919 : http://eman-archives.org/Foucault-fiches/viewer/show/4134#page/n0/mode/1up

34.

Vuillemin, 1949.

35.

Heidegger, 2018 ; Römer, 2018.

36.

Vuillemin, 1949, p. 26.

37.

Vuillemin, 1954, p. 14.

38.

Giovannangeli, 2002, p. 19-20.

39.

Bolmain, 2012, p. 63.

40.

Beaufret, 1998.

41.

Ibid., p. 91.

42.

[Beaufret fait certainement référence à l’article de Mikel Dufrenne intitulé « Heidegger et Kant » (Revue de métaphysique et de morale, 1949, p. 1-28) où on peut lire : « La philosophie de Heidegger débouche sur une théorie de la création ; l’ontologie est à sa manière une théologie, qui ne comporte pas une eschatologie, mais si l’on ose dire, une protologie. La transcendance n’est pas loin d’y récupérer le sens traditionnel qu’elle avait perdu chez Husserl » (Dufrenne, 1949). On aurait pu hésiter avec une référence à la « Brève note sur l’Ontologie », parue également dans la Revue de métaphysique en octobre-décembre 1954 (p. 398-412), mais Dufrenne y accorde davantage de nouveauté à l’ontologie fondamentale de Heidegger comme « discours de l’être » qui « se pose en s’opposant à l’anthropologie ». On peut donc dater les notes de Foucault à « minimum 1949 » plutôt qu’à « minimum 1954 ».]

43.

[« Par nature, il y a dans l’entendement de l’homme une philosophie » (Platon, Phèdre, 279a).]

44.

[Cf. Heidegger, 1953, p. 286 .]

46.

http://eman-archives.org/Foucault-fiches/viewer/show/4091#page/n0/mode/1up

47.

NAF 28730, b037, f0885: http://eman-archives.org/Foucault-fiches/viewer/show/4100#page/n0/mode/1up.

48.

Merleau-Ponty, 1996, p. 74.

49.

Ibid., p. 103.

50.

Saint Aubert, 2006, p. 21-24.

51.

Merleau-Ponty, 2011

52.

Sabot, 2013.

53.

Foucault, 2001 (1988), p. 1599.

54.

Comme l’a montré Philippe Sabot dans sa contribution à ce dossier.

55.

Foucault, 2001 (1954), p. 147.

56.

Alain de Libera remarque que le syntagme « histoire de la vérité », tout comme le thème de la « fin » de l’homme, apparaissent dans les contributions d’Alexandre Koyré parues dans Critique 1 et 2en 1946, « L’évolution philosophique de Martin Heidegger » (Koyré, 1946). Grégory Cormann (2014) fait une observation du même ordre en retrouvant le titre de l’essai d’ontologie phénoménologique de Sartre dans l’ « Introduction » de Koyré à Qu’est-ce que la métaphysique ? : « le premier il [Heidegger] a osé (...) nous parler – en philosophe – de choses très “banales” et très “simples” : de l’existence et de la mort ; de l’être et du néant » (Koyré, 1931, p. 6).

57.

Sartre, 2010, p. 466. Pour la mise en relief de ce questionnement sartrien concernant « l’influence subie », Cf. Cormann, 2014 ; Cormann, 2016.

58.

Ibid., p. 914-915.

59.

Sartre, 1986, p. 39.

60.

Je m’appuie sur les travaux de Cyrille Champagne, directeur du département Recherches en Hypnologie de l’Académie pour la Recherche et la Connaissance en Hypnose Ericksonienne. Les questions de la suggestibilité et du phénomène d’amorçage sont traitées dans le cours accessible en ligne au lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=OQI3YukhGVo&t=3150s.

61.

Lundh, 1995

62.

Cormann, 2014, p. 152 ; Cormann, 2016, p. 102. Ajoutons que c’est aussi ce terme de « germes » que le sociologue marxiste Henri Lefebvre utilise en 1958 pour désigner les idées pré-existentialistes qui circulaient dans les années 1920 (Lefebvre, 1973, p. 50).

63.

Bernheim, 1884, p. 73.

64.

Hertrep de Nohmont, 1904.

Appendix A Bibliographie :

  1. Beaufret, 1998 : Jean Beaufret, Leçons de philosophie, Philippe Fouillaron (éd.), Paris, Le Seuil, coll. « Traces écrites ».
  2. Bernheim, 1884 : Hippolyte Bernheim, De la suggestion dans l’état hypnotique et dans l’état de veille, Paris, Octave Doin.
  3. Bianco, 2015 : Giuseppe Bianco, Après Bergson, Paris, Presses Universitaires de France.
  4. Bolmain, 2012 : Thomas Bolmain, « Aux sources d’un refus. Foucault, avec Heidegger, contre l’anthropologie kantienne », dans Questions anthropologiques et phénoménologiques. Autour du travail de Daniel Giovannangeli.
  5. Cormann, 2016 : Grégory Cormann, « Empédocle ou comment entrer en philosophie : Sartre et la pensée allemande dans les années 1920 », Études sartriennes, n° 20, p. 101‑146.
  6. Defert, Ewald et Gros, 2008 : Daniel Defert, François Ewald et Frédéric Gros, « Présentation », dans Anthropologie du point de vue pragmatique d’Immanuel Kant, précédée de Introduction à l’Anthropologiede Kant par Michel Foucault, Paris, Vrin, coll. « Textes philosophique », p. 7‑9.
  7. Deleuze, 1954 : Gilles Deleuze, « Compte rendu de Jean Hyppolite. Logique et existence (Essai sur la Logique de Hegel). P. U. F., 1953, 247 pages. », Revue Philosophique de la France et de l’Étranger, tome 144, p. 457‑460.
  8. Dufrenne, 1949 : Mikel Dufrenne, « Heidegger et Kant », Revue de Métaphysique et de Morale, tome 54, 1, p. 1‑28.
  9. Fedi, 2018 : Laurent Fedi, Kant, une passion française, 1795-1940, Hildesheim, Georg Olms Verlag.
  10. Foucault, 1966 : Michel Foucault, Les Mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard, coll. « Tel ».
  11. Foucault, 2001 : Michel Foucault, Dits et écrits II,Gallimard, Paris, Gallimard, coll. « Quarto ».
  12. Foucault, 2001 : Michel Foucault, Dits et écrits I, Paris, Gallimard, coll. « Quarto ».
  13. Foucault, 2002 : Michel Foucault, L’Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines ».
  14. Foucault, 2019 : Michel Foucault, « Introduction à l’Anthropologie de Kant », dans Anthropologie du point de vue pragmatique, Paris, Vrin, coll. « Textes philosophiques », p. 11‑79.
  15. Giovannangeli, 2002 : Daniel Giovannangeli, Finitude et représentation : six leçons sur l’apparaître : de Descartes à l’ontologie phénoménologique, Bruxelles, Ousia, coll. « Ébauches, 8 ».
  16. Gros et Dávila, 1997 : Frédéric Gros et Jorge Dávila, Michel Foucault, lector de Kant, Mérida, Centro de Publicaciones de la Universidad de los Andes.
  17. Heidegger, 1953 : Martin Heidegger, Kant et le problème de la métaphysique, traduit et préfacé par Alphonse De Waelhens et Walter Biemel, Paris, Gallimard, coll. « Tel ».
  18. Heidegger, 1985 : Martin Heidegger, Être et temps, traduit par Emmanuel Martineau, Édition numérique hors-Commerce., s. l.
  19. Heidegger, 2018 : Martin Heidegger, « Sur l’histoire de la Chaire de philosophie à l’Université depuis 1866 », Archives de Philosophie, traduit par Guillaume Fagniez, 81, 2, p. 305‑310.
  20. Hertrep de Nohmont, 1904 : Hertrep de Nohmont, La Vérité sur l’hypnotisme. Méthode française d’hypnotisme, magnétisme personnel, calmant magnétique, thérapeutique suggestive, etc., Mohon (Ardennes).
  21. Hyppolite, 1953 : Jean Hyppolite, Logique et existence. Essai sur la logique de Hegel, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Épiméthée ».
  22. Hyppolite, 1991 : Jean Hyppolite, Figures de la pensée philosophique : écrits 1931-1968, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Quadrige ».
  23. Koyré, 1931 : Alexandre Koyré, « Introduction à Martin Heidegger, Qu’est-ce que la métaphysique ?, traduit par Henry Corbin-Petithenry », dans Bifur VIII, p. 5‑8.
  24. Koyré, 1946 : Alexandre Koyré, « L’évolution philosophique de Martin Heidegger », Critique, 1‑2, p. 73‑82 et 161‑183.
  25. Lefebvre, 1973 : Henri Lefebvre, La Somme et le reste, Paris, Bélibaste.
  26. Lundh, 1995 : Lars-Gunnar Lundh, « Meaning structures and mental representations », Scandinavian Journal of Psychology, 36, 4, p. 363‑385.
  27. Merleau-Ponty, 1996 : Maurice Merleau-Ponty, Le primat de la perception et ses conséquences philosophiques. Précédé de Projet de travail sur la nature de la perception, 1933 La nature de la perception, 1934, Lagrasse, Verdier.
  28. Merleau-Ponty, 2011 : Maurice Merleau-Ponty, Le monde sensible et le monde de l’expression : cours au Collège de France, notes, 1953, Genève, MētisPresses, coll. « Champcontrechamp ».
  29. Römer, 2018 : Inga Römer, « Les interprétations heideggériennes de Kant », Archives de Philosophie, 81, 2, p. 329‑352.
  30. Sabot, 2006 : Philippe Sabot, Lire Les Mots et les choses de Michel Foucault, s. l., PUF - Presses Universitaires de France, coll. « Quadrige ».
  31. Sabot, 2013 : Philippe Sabot, « Foucault et Merleau-Ponty : un dialogue impossible ? », Les Études philosophiques, 106, 3, p. 317.
  32. Saint Aubert, 2006 : Emmanuel de Saint Aubert, Vers une ontologie indirecte : sources et enjeux critiques de l’appel à l’ontologie chez Merleau-Ponty, Paris, J. Vrin, coll. « Bibliothèque d’histoire de la philosophie ».
  33. Sartre, 1986 : Jean-Paul Sartre, Questions de méthode, nouvelle édition revue et annotée par Arlette Elkaïm-Sartre., Paris, Gallimard, coll. « Tel ».
  34. Sartre, 2010 : Jean-Paul Sartre, Les mots et autres écrits autobiographiques, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade ».
  35. Schrift, 2008 : Alan Schrift, « The Effects of the Agrégation de Philosophie on Twentieth-Century French Philosophy », Journal of the History of Philosophy, 46, p. 449‑473.
  36. Vuillemin, 1949 : Jules Vuillemin, « Heidegger critique de Kant. Le kantisme et la philosophie de l’existence », Bulletin du groupe d'études de philosophie de l'Université de Paris, n° 2, p. 23‑26.
  37. Vuillemin, 1954 : Jules Vuillemin, L’Héritage kantien et la révolution copernicienne : Fichte, Cohen, Heidegger, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Bibliothèque de philosophie contemporaine ».